12/14/2007

Dope City

Apparemment ils ne s'y attendaient pas, dit l'Ethnologue. Moi non plus, je l'avoue. Je pensais que ça passerait comme une lettre à la poste. Eh bien, non, ça n'a pas passé. Un shootoir, tu vois ce que c'est: un endroit calme et tranquille, où tu peux consommer librement des drogues mortelles, accessoirement illicites, sous l'oeil bienveillant de fonctionnaires assermentés. En soi, ça ne gêne personne, personne n'y prête seulement attention. C'est comme la 4 x 4 du maire environnementaliste, ça se noie dans le paysage urbain. Le regard glisse dessus sans s'y arrêter. Mais pareille affiche! Elle, on ne peut pas ne pas la voir. Dope City, te rends-tu bien compte? Qui plus est, avec la cathédrale en fond de décor. L'indignation, faut-il le dire, est à son comble. C'est tout juste si l'Emetteur n'a pas interrompu ses programmes. Les dirigeants unanimes dénoncent la "violence" de telles méthodes. Oui, tu m'entends bien, leur violence. Ils déplorent aussi ce mauvais coup porté à l'image de la ville. C'est très "salissant", disent-ils. Ce n'est pas le shootoir qui est salissant mais bien l'affiche qui le dénonce. Soit, ce n'est que partie remise. Ils finiront bien par l'avoir, leur shootoir. Mais moins vite qu'ils ne le pensaient. A quel point ça m'attriste, tu ne peux pas savoir. Tu vois, dit l'Auteur, l'histoire est imprévisible.

12/05/2007

Une réplique

Tu reproches aux dirigeants d'être de connivence avec les voyous et les criminels, dit le Collégien. Non seulement ils ne feraient rien pour combattre la criminalité, mais ils n'épargneraient même aucun moyen pour l'aider à se développer. Soit. Mais au fait pourquoi? Pourquoi ne combattent-ils pas la criminalité? Elle leur est d'un bien trop grand rapport, dit l'Avocate. Ils lui doivent en fait leur pouvoir. Sans elle, il s'effondrerait. C'est elle qui en assure le fonctionnement au quotidien. Oui, au quotidien. L'Auteur t'expliquerait ça mieux que moi. Il a développé toute une théorie à ce sujet: le désordre comme condition même de l'ordre, etc. Ce n'est pas sans lien avec la théorie du chaos. Si tu t'intéresses à ces choses, dit l'Etudiante, va voir American Gangster, le dernier film de Ridley Scott. Il y a dans le film une réplique intéressante. Je te la rapporte telle que je m'en souviens, en la complétant juste un peu. Sauf erreur, c'est le Parrain en personne qui la formule, lors de son arrestation. Le Parrain noir de Harlem. Il dirige un vaste réseau de distribution d'héroïne. Et il pose la question: que se passerait-il si un tel marché disparaissait? La réponse est claire: ce sont des centaines de milliers d'emplois qui disparaîtraient en même temps: flics bien sûr, mais aussi avocats, juges, matons, douaniers, maître-chiens spécialisés dans la détection de drogue, médecins et autres professionnels de la santé, travailleurs sociaux, sociologues, etc. On ne réfléchit pas assez sur les rapports entre l'économie et la criminalité. On sait que la criminalité coûte cher, mais parallèlement aussi, ce qu'on oublie, c'est qu'elle fait vivre beaucoup de monde. Les criminels eux-mêmes, bien sûr, mais pas seulement. Toutes sortes d'autres gens encore. Le film comporte aussi d'intéressants développements sur la corruption de la police. Bien sûr, ça n'existe que là-bas.

11/24/2007

Cela n'a rien à voir

Le Collégien m'a demandé où je me situais, dit le Sceptique. Je lui ai dit que je ne savais pas. Ce n'est pas exactement la vérité. Je sais très bien en fait où je me situe: nulle part. Mais on était parti sur autre chose. Sur quoi donc, demanda le Philosophe? Sur les problèmes de la très grande pauvreté, dit le Sceptique. Je plaisante: on parlait de la nomenklatura. Aucun rapport bien sûr. Personnellement je m'inscris dans la tradition des Lumières, dit l'Ethnologue. Autrement dit, je crois à la raison, au progrès, et à la liberté. L'Activiste aussi y croit, dit le Philosophe. S'imagine y croire, dit l'Ethnologue. Il n'a, bien sûr, pas la moindre idée de ce que c'est. Si vous voulez mon avis, il fait seulement semblant, dit l'Etudiante. Semblant d'y croire. En réalité, il s'en fiche complètement. Ca n'est pas nécessairement incompatible, dit le Philosophe. En tout état de cause, dit l'Ethnologue, je ne confonds pas les Lumières avec la Cheffe, l'Activiste, la Rapace, Très-dans-la-ligne ou d'autres bêtes de ce genre. Cela n'a rien à voir. Je me retrouve bien, moi aussi, dans les Lumières, dit l'Avocate. "Sapere aude", disait Kant. Aie le courage de te servir de ton entendement. Je ne vois pas, à vrai dire, comment on pourrait être contre. Or les Lumières ne viennent pas de rien. En remontant plus haut encore dans le temps on trouve la Sainte Réformation. C'est l'expression dont on se servait encore, je crois, au XVIIIe siècle: la Sainte Réformation. On la rencontre chez Rousseau. Ah, que j'aime Rousseau! Je suis en train de relire la Nouvelle Héloïse: quelle merveille! Ce qu'il y a de bien dans les Lumières, dit le Philosophe, les vraies, c'est que le principe d'incertitude leur est en quelque sorte inhérent. On voit ça déjà chez Montaigne. La pensée s'essaye elle-même, s'essaye et donc se corrige elle-même en permanence. Trébuche aussi parfois. Se perd en chemin. S'embourbe. Mais c'est la vie même. C'est quand même mieux que d'en appeler, comme le font certains, à la non-pensée. Que c'est triste, ces choses!

11/20/2007

D'elle-même

Il n'y a donc, selon toi, aucune différence entre la gauche et la droite, dit le Collégien? Aucune, je ne dirais pas, dit le Sceptique. On en observe bien une ou deux. Par exemple, la gauche est un peu plus pro-drogue que la droite. Juste un peu, mais un peu quand même. En outre, comme tu le sais, la gauche est favorable à l'adoption d'enfants par des couples homosexuels. La droite n'est pas contre, mais pas exactement pour non plus. Elle se tâte. Quand même, dit le Collégien. Gauche et droite ne mènent pas la même politique. La droite s'occupe plutôt des riches, la gauche des pauvres. Comme tu le sais, le Politologue vient d'écrire un ouvrage important à ce sujet. Apparemment ce n'est pas ce que pensent les pauvres, dit le Sceptique. Aux dernières élections, ils ont voté en masse pour l'Usurpateur. Père, pardonne-leur, ils ne savent ce qu'ils font, dit le Collégien. Là, détrompe-toi, dit le Sceptique, ils le savent au contraire très bien, ce qu'ils font. Soit, dit le Collégien. Mais si la gauche ne s'occupe pas des pauvres, de quoi alors s'occupe-t-elle? Charité bien ordonnée commence par soi-même, dit le Sceptique. D'elle-même, je dirais. C'est ça avant tout qui l'intéresse. La gauche est comme la droite, elle veut élargir sa part du gâteau (postes, salaires, prébendes, festins, honneurs, virées à l'étranger, etc). Certains vont même plus loin encore, ils voudraient avaler tout le gâteau. Dois-je le souligner, c'est relativement nouveau comme phénomène. Si le Politologue t'entendait, dit le Collégien... On ne fait pas le même travail, dit le Sceptique. Et toi-même, dit le Collégien: où te situes-tu? Que sais-je, dit le Sceptique.

11/17/2007

Quelle perte

Ouf, dit l'Auditrice, les élections sont maintenant passées. Et donc la réalité reprend ses droits. Hier, par exemple, à l'Emission, l'Apparatchik est venu parler de son nouveau projet de financement public des partis politiques. Les partis, a-t-il précisé, sont l'articulation même de la démocratie. Il importe donc de leur donner les moyens de fonctionner. Ils fonctionnent très bien sans ça, dit le Philosophe: caisses noires, marchés truqués, abus de biens sociaux, subventions occultes, etc. Pourquoi en plus un financement public? Ce ne serait pas en plus mais à la place, dit l'Auditrice. A la place, je n'y crois pas trop, dit le Philosophe. Arrête, dit l'Etudiante, tu portes atteinte à la démocratie. Autre exemple, dit l'Auditrice: ils ont organisé l'autre jour un débat sur leurs salaires, les leurs propres et ceux de leurs copains-copines. Il y avait là la Bateleuse, l'Epouse, et un troisième dont je n'ai pas bien retenu le nom, Après-moi-le-déluge, je crois. Tous ont reconnu que la situation actuelle était critique. 200 ou 300'000 euros par an, l'équivalent de six ou sept fois le salaire moyen, compte tenu des lourdes responsabilités qui sont leurs (vous n'imaginez pas), c'est tout à fait insuffisant. Pense aussi à ce qui se passe en cas de non-réélection, ces êtres d'élite, dévoués au bien commun, qui se retrouvent du jour au lendemain à la rue, après n'être restés que quatre ou cinq ans en fonction. Aux drames humains, effroyables, qui en résultent. Excuse-moi de t'interrompre, dit le Philosophe. J'espère qu'ils auront eu une pensée au moins pour Igrèke. On en parlait ici-même, en août 2006, avec la Députée*. Son sort est particulièrement tragique. Non, dit l'Auditrice, il n'en a pas été question. Bref, ont-ils conclu, un sérieux effort s'impose dans ce domaine. On s'exposerait autrement au risque non négligeable de voir de tels postes perdre de leur attractivité. La Cheffe, par exemple pourrait être tentée d'aller voir ailleurs. Quelle perte.

* Voir "Hauts salaires", 18 août 2006.

11/16/2007

Le b.a.-ba

Il y a un texte de saint Paul que j'aime bien, dit l'Avocate: "Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais sois vainqueur du mal par le bien". C'est dans l'Epître aux Romains, chapitre 12, verset 21. C'est magnifique comme texte. Tout le chapitre, d'ailleurs, est à lire. J'aimerais bien, un jour, prêcher là-dessus. Comment l'interpréter, demanda le Collégien? En voici une traduction, dit l'Avocate: s'occuper des pauvres, développer l'instruction publique, combattre la drogue et l'alcoolisme, décourager l'endettement, en tout état de cause ne pas donner soi-même le mauvais exemple dans ce domaine, favoriser l'intégration et autant que possible l'assimilation des étrangers en situation régulière, etc. Si je devais écrire un catéchisme, je commencerais par là. C'est le b.a.-ba. Et quand, malgré tout, le mal ne se laisse pas vaincre par le bien, dit le Collégien? C'est être très naïf que de croire qu'on combat la criminalité en envoyant les criminels en prison, dit l'Avocate. En les y envoyant on ne fait au contraire qu'amplifier encore le phénomène, que l'amplifier et le nourrir. Autant que possible, on devrait s'abstenir d'envoyer les gens en prison. En France, à l'heure actuelle, on compte 65'000 détenus pour 50'000 places. Imagine un peu les conséquences. La prison est un des lieux les plus criminogènes qui soit. Elle a également un effet désintégrateur. Elle est destructrice de l'homme. Personne ne sort indemne d'une telle expérience. Quelle alternative alors, demanda le Collégien? Il y a toutes sortes d'alternatives à la prison, dit l'Avocate. Ce n'est pas ça qui manque. Ce qui manque, c'est une volonté politique. Une certaine transformation des mentalités, aussi. Et pour les autres, dit le Collégien: ceux qu'on enverrait quand même derrière les barreaux? S'occuper de leur réinsertion, dit l'Avocate. Ce devrait être une priorité publique, la priorité des priorités. Y consacrer beaucoup et même un maximum d'argent. A l'heure actuelle, en France, on ne compte qu'un travailleur social pour cent détenus (Philippe Zoummeroff, La Prison, ça n'arrive pas qu'aux autres, Albin Michel, 2006, p. 167). Oui, un sur cent. Et ils prétendent combattre la criminalité.

11/05/2007

Soi-disant

Ecoutez voir, dit l'Etudiante: "Le thème de la surpopulation a fait réémerger les idéologies néomalthusiennes fondées sur l'idée que la principale cause de la dégradation de l'environnement vient de la soi-disant surpopulation". Et encore: "La mentalité catastrophiste devient idéologique quand elle se nourrit de ce pessimisme anthropologique qui ne conçoit pas l'homme comme une ressource (...) Ce pessimisme et cette méfiance pour l'homme se transforment alors en une confiance extrême pour les techniques sélectives comme l'avortement et la stérilisation de masse". Déjà ce style, dit le Collégien. Ces "ismes" en série. C'est le style scientifique, dit le Grammairien. Autant que possible, quand tu parles, la forme doit s'adapter au contenu. "La soi-disant surpopulation", dit l'Auditrice. Ils donnent vraiment l'impression de savoir de quoi ils parlent. Ce n'est pas nouveau, dit l'Ethnologue. Il n'y a pas si longtemps encore, souviens-toi, ils croyaient que le soleil tournait autour de la terre. C'était un dogme. Et bien sûr les idéologues ce sont les autres, dit l'Etudiante. En revanche, dit l'Auditrice, ils maîtrisent bien certaines techniques de base, l'amalgame abusif par exemple. Ce n'est parce qu'on aborde les problèmes liés à la surpopulation (problèmes, hélas, bien réels), ou encore qu'on parle du "fléau de la surpopulation" (James Lovelock, La Revanche de Gaïa, Flammarion, 2007, p. 19), qu'on se transforme par là même en adepte de "l'avortement de masse". C'est de la calomnie pure. Prenons le temps de comprendre, dit l'Ethnologue. Comme tu le sais, ils n'admettent qu'une seule et unique forme de sexualité: celle ordonnée à la procréation. Le reste, à les en croire, serait contre-nature. Ces choses-là ont pour eux une grande importance, ils ne cessent en toute occasion d'y revenir. Le véritable enjeu, il est là. Ce n'est pas tant l'avortement qui est en cause que le préservatif. Etant hostiles au préservatif (à la contraception, etc.), ils ne sauraient que rejeter les thèses écologistes, celles, en particulier recommandant un certain repli démographique et économique. Selon eux, la terre pourrait très bien nourrir 50 milliards de personnes. Ou même 100, pourquoi pas. Elle le peut, car elle le doit. A quel prix et dans quelles conditions, ils ne se posent évidemment pas la question. C'est absurde, dit l'Auditrice. A tes yeux peut-être, mais aux leurs non, dit l'Ethnologue. A leurs yeux, ce qui est absurde, c'est de porter atteinte à la loi naturelle. Enfin, à ce qu'ils appellent la loi naturelle: celle d'Aristote, acclimatée à la morale bourgeoise du XIXe siècle. C'est ça, à leurs yeux, qui est absurde. Que dis-je, criminel. La fin naturelle de l'acte sexuel étant la procréation, il en découle logiquement que les ressources terrestres sont illimitées. Tu me suis? Elles sont illimitées, car autrement il leur faudrait renoncer à l'idée de loi naturelle, à tout le moins en réinterpréter complètement le concept, le repenser. Or il n'en est évidemment pas question. Tout sauf ça. Plutôt mourir sans préservatif que vivre avec. Et dire qu'ils se réclament du christianisme, dit l'Avocate. Quelle image en donnent-ils. Là, je te rassure tout de suite, dit l'Auteur. Nous ne sommes plus aujourd'hui à l'époque de Galilée. Les gens font très bien la différence. Tu sais quoi, dit l'Etudiante: on devrait leur demander d'inaugurer le prochain salon de l'auto à H... Les automobilistes dépriment un peu ces temps-ci. Ca leur remonterait le moral.

10/31/2007

Autodéfense

Je viens de voir le dernier film de Neil Jordan, The Brave One, dit l'Etudiante. L'héroïne (Jodie Foster) règle ses comptes avec un certain nombre de raclures. C'est compliqué, ces questions. Autant que possible il faut être du côté de la vie et non de la mort. Mais voilà, qu'est-ce que ça veut dire, aujourd'hui, être du côté de la vie? A mon sens, cette fille n'est pas du côté de la mort mais de la vie. Je te choque peut-être en disant cela? L'autodéfense est une réponse possible à l'insécurité, dit l'Auteur. Non naturellement la seule, il y en a d'autres. Mais la dernière. Tu y a recours après avoir essayé toutes les autres. De même, avant de te faire justice toi-même, tu commences par suivre les procédures légales habituelles. Tu en appelles à la police et à la justice. Au besoin, même, tu prends un avocat. Ce n'est qu'en tout dernier recours, après t'être rendu compte, justement, que cela ne servait à rien d'en appeler, comme tu l'avais fait, à la police et à la justice, que tu en viens à prendre toi-même les choses en main (si tu le fais). Si cela me choque? Pourquoi est-ce que cela me choquerait? C'est conforme au droit naturel. Relis le Leviathan. Si cette fille se trouve du côté de la vie? Bien sûr qu'elle est du côté de la vie. Simplement, il faut élargir le problème. Ton film fait référence à un aspect particulier de l'insécurité, celle liée à la criminalité urbaine (ce que les dirigeants appellent les incivilités). Mais l'insécurité ne se limite pas aujourd'hui aux seules incivilités. Parallèlement aussi il te faut prendre en compte une autre menace, celle liée aux activités même des dirigeants: vidéos-caméras à tous les coins de rue, tests ADN pour un oui ou pour un non, constitution de méga-fichiers regroupant des dizaines de millions de personnes, instrumentation du terrorisme à des fins de contrôle social généralisé, arrestations abusives, violences policières, etc. Cette deuxième forme d'insécurité n'est pas moins préoccupante que la précédente. Peut-être même davantage encore. Ces choses-là, elles aussi, mériteraient qu'on leur consacre un film.

10/27/2007

Autocritique

Comme c'était à prévoir, l'Usurpateur vient de remporter les élections, dit le Sceptique. Ca n'a naturellement aucune importance, tout reste évidemment sous contrôle. Mais les dirigeants n'en emplissent pas moins l'air de leurs cris et gémissements. On croirait qu'on les égorge. En soi déjà ça fait plaisir. Il faudrait répéter plus souvent l'exercice. Dans le même contexte, dit l'Auditrice, le Secrétaire à l'Emission a présenté hier son autocritique. L'Emission, a-t-il reconnu, a beaucoup trop parlé de l'Usurpateur ces dernières semaines. Elle lui a également beaucoup trop souvent donné la parole. Beaucoup moins assurément qu'aux autres, mais c'était encore trop. On ne l'a pas non plus assez interrompu quand il prenait la parole: on ne s'est, certes, pas fait faute de l'interrompre, mais c'était trop peu encore. Pas assez souvent. Le Secrétaire s'est donc excusé auprès de la population. Il admet ses erreurs, et a promis de faire en sorte qu'elles ne se reproduisent plus. Sans remettre en cause la liberté de l'information, base de notre démocratie, il a fait part de son intention de renforcer encore à l'avenir les mécanismes d'autocontrôle d'ores et déjà en vigueur au sein de l'institution. L'Activiste a été chargé d'une mission spéciale dans ce domaine. Il sera assisté d'une commission d'Ethique et de Déontologie incluant le Politologue, le Génie modifié, Très-dans-la-ligne, Très-dans-le-vent et Suivons-le-mouvement. En outre, des observateurs de l'ONU, de l'OTAN et de l'OSCE lui feront régulièrement part de leurs remarques et recommandations. Je suis loin d'être toujours d'accord avec l'Usurpateur, dit l'Ethnologue. En bien des domaines il se trompe (l'écologie par exemple). Ce qui est sûr, en revanche, c'est qu'il les gêne.

10/11/2007

Pas tout de suite, peut-être

Le Politologue s'est exprimé l'autre jour à l'Emission, dit l'Auditrice. Il a dit que l'Usurpateur était en train de construire un parti totalitaire. En conséquence, il a appelé les républicains à serrer les rangs. Effectivement, dit l'Avocate, ça rappelle les années 30. Sauf, évidemment, que ce n'est pas l'Usurpateur qui est en train de construire un parti totalitaire, mais bien les gens d'en face: le Politologue et ses copains, entre autres. On pourrait même pousser plus loin encore la comparaison. Tu as vu ce qui s'est passé l'autre jour à S...? Le centre-ville mis à sac? Les flics au loin, pianotant sur leurs portables? Les gens sont maintenant habitués à ces choses, ils les considèrent comme normales. Moi non. Les "échelons de protection" (Schutzstaffel), si je puis me permettre, eh bien, les voilà. Encore un ou deux réglages, quelques petites mises au point, et ils deviendront opérationnels. Car il y aura des camps, dit l'Auditrice? Lorsqu'il y a des gardiens de camps, forcément aussi il y a des camps, dit l'Avocate. Pas tout de suite, peut-être. Au bout d'un certain temps seulement. Il faut, encore une fois, qu'ils terminent leur formation. Ca prendra encore quelques mois. Mais oui, bien sûr. Bien sûr qu'il y aura des camps. Et pire encore peut-être. Ils en ont tout à fait le profil. Sans compter les autres, ceux qui attendent encore leur heure. Parce qu'il y a aussi les autres. Tous les autres. Les dirigeants laisseront-ils les choses se faire, demanda l'Auditrice? Tu poses mal le problème, dit l'Avocate. Ils ne laissent pas les choses se faire, ils les font. N'ont-ils pas déjà tous les pouvoirs, dit l'Auditrice? Ca ne leur suffit pas encore, dit l'Ethnologue. Ils en veulent davantage encore.

10/07/2007

Paradoxe

Autrefois, dit le Double, les églises étaient pleines, mais on s'y ennuyait ferme. Aujourd'hui, c'est presque le contraire. On s'y ennuie assurément moins qu'autrefois, mais elles sont vides. L'ennui est une notion subjective, dit le Sceptique. Ce que tu considères, toi, comme ennuyeux, ne l'est pas forcément aux yeux des autres. Et inversement. Il faut aussi tenir compte des effets d'entraînement, dit l'Ethnologue. Si les églises aujourd'hui sont vides, c'est pour les mêmes raisons exactement qu'autrefois elles étaient pleines. Les gens n'aiment pas trop se singulariser, ils suivent le courant dominant. Par là même aussi ils contribuent à le renforcer. Ils trouveraient aujourd'hui bizarre d'aller à l'église, alors que personne n'y va. Et donc, effectivement, personne n'y va. C'est comme ça. Mais il y a des exceptions, dit le Double. Certains continuent d'aller à l'église, ou encore, moi par exemple, y vont, alors qu'auparavant ils n'y allaient pas. Sur 100 personnes, il y en a toujours 5 qui ne font pas comme tout le monde, dit l'Ethnologue. Les autres font comme tout le monde. Comme tout le monde, à l'exception, justement, des 5 en question. Soit, dit le Double, mais le paradoxe reste entier. Le christianisme, aujourd'hui, se porte plutôt bien. Mieux en tout cas, me semble-t-il, qu'il y a 100, 200 ou 500 ans. Les études bibliques se sont largement renouvelées ces dernières décennies. On connaît incomparablement mieux la Bible que ce n'était le cas autrefois. La pensée théologique elle-même s'est affranchie d'un certain nombre de carcans. Elle est devenue moins répétitive. Plus fondamentalement encore, on s'est remis à l'écoute du texte. Et le texte lui-même est redevenu parlant. Parlant, et par conséquent aussi vivant. On s'attendrait donc à ce que les églises soient combles. Or il n'en est rien. Tu confonds le destin du christianisme avec celui de la chrétienté, dit l'Auteur. Ces deux destins évoluent en sens inverse l'un de l'autre. Quand le christianisme va bien, la chrétienté va mal, et vice-versa. Effectivement, comme tu le dis, le christianisme se porte plutôt bien aujourd'hui. Il est donc normal que les églises se vident.

10/01/2007

Certaines traces

Tout est prétexte à diversion, dit le Double. Tantôt c'est du rock, tantôt une création musicale contemporaine, tantôt encore une conférence de Très-dans-le-vent, etc. Ils ne savent plus quoi au juste inventer pour se rendre intéressants. Ils communiquent, dit l'Auteur. C'est très important à notre époque, de communiquer. Avec qui communiquent-ils, demanda le Double? Avec eux-mêmes, dit l'Auteur. Dommage, dit le Double, car quand ils se recentrent sur l'Evangile, ils sont plutôt bons. Meilleurs, en tout état de cause, qu'ils ne l'étaient à une certaine époque. Personnellement, en tout cas, j'ai du plaisir à me déplacer pour aller les entendre. Pourquoi ne se limitent-ils pas à ce qu'ils savent faire? Pose leur la question, dit l'Auteur. De plus, dit le Double, ils ne brillent pas particulièrement par leur amabilité. Au culte, le dimanche, c'est à peine s'ils te disent bonjour. N'essaye pas non plus de les contacter sur Internet. Le Sceptique, comme tu le sais, l'a fait, il n'a jamais reçu de réponse. C'est une ex-Eglise d'Etat, dit l'Auteur. Autrement dit, ils ont longtemps été associés au pouvoir. C'était même une branche importante du pouvoir. Leurs ministres comptaient au nombre des notables. Cette époque est aujourd'hui révolue, mais il en subsiste certaines traces. Fais comme moi, inscris-toi dans une paroisse parisienne. Eux, là-bas, n'ont jamais été associés au pouvoir.

Les forces profondes

L'Usurpateur leur fait de l'ombre, dit l'Avocate. Lui, tout simplement, a un bilan, alors qu'eux n'en ont aucun. Evidemment c'est dur à avaler. D'où leur haine à son égard, haine inextinguible, comme tu le constates. Certains, même, en bégayent. Et ça se terminera comment, demanda le Collégien? Par un pogrom, je pense, dit l'Avocate. Tu veux que je t'explique ce qu'est un pogrom? Un pogrom est une manifestation d'unanimisme. C'est très ludique comme démarche. Ensuite, demanda le Collégien? Ensuite ils se partageront les dépouilles, dit l'Avocate. Ca donnera lieu à des disputes. C'est tout, demanda le Collégien? Non, bien sûr, dit l'Avocate. Le soir même, le Politologue interviendra à l'Emission. Il dira que des forces profondes étaient à l'oeuvre. Il dessinera aussi un parallèle avec le passé. Le Génie modifié déclarera de son côté que ce n'est pas à la nature de commander à l'homme mais bien à l'homme de commander à la nature. Quant à la Cheffe, elle s'offrira un nouveau tour du monde. Il y a des tas d'endroits qu'elle ne connaît pas encore: les deux pôles par exemple. Elle expliquera qu'elle a besoin de se documenter sur le changement climatique. Elle veut se rendre compte sur place. Et comme elle privilégie les voyages en groupes, elle invitera quelques copains-copines.

9/20/2007

C'est vrai ce qu'il dit ?

La campagne bat aujourd'hui son plein, dit l'Etudiante. Te dirais-je à quel point c'est intéressant. Ils en savent des choses, ces gens-là. Quelle aisance aussi dans l'expression. On a vraiment envie de voter pour eux. C'est super-bien payé, ces postes, dit l'Auditrice: 100'000 euros au minimum, plus les amuse-gueules: la gratuité des trains en première classe, par exemple. Ils te payent aussi des séjours linguistiques à l'étranger, si tu le souhaites. Un chaque année, mais pas plus. Vous avez vu la dernière déclaration de l'Usurpateur, dit le Collégien? Il dit que les membres des commissions parlementaires sont payés à ne rien faire. C'est vrai, ce qu'il dit? Non, bien sûr, il plaisante, dit l'Auditrice. Ce n'est pas vrai du tout. Et la Cheffe, dit le Collégien: vous en pensez quoi, de la Cheffe? Ah, la Cheffe, dit l'Etudiante. On en parle effectivement beaucoup, ces temps-ci, de la Cheffe. Tiens, tourne un peu les pages. Non, ce n'est pas le Journal, c'est l'Autre Journal. Mais il dit en fait la même chose. Ce que j'en pense? Rien que du bien, naturellement. Avec ses grandes dents... Ailleurs encore, ils donnent dans le subliminal, dit l'Auditrice: ça se mélange avec l'eau gazeuse, le dentifrice, d'autres choses encore de ce genre. Si tu aimes l'eau gazeuse...

9/18/2007

Il ne faut même pas y songer

Tu te souviens des théories de Michel Foucault, dit l'Avocate. Un jour viendra, disait-il, où l'on n'aura plus même besoin d'enfermer les gens en prison, il suffira de faire appel au contrôle social. Le contrôle social n'est rien d'autre en effet qu'une prison à une plus vaste échelle, celle de la société dans son ensemble. C'est ce qu'on appelle aujourd'hui la société de surveillance. Deux remarques à ce propos. Première remarque: nonobstant l'irrésistible ascension de la société de surveillance, phénomène que Michel Foucault avait analysé par avance, la prison au sens strict, je veux dire l'endroit où l'on enferme les gens, se porte aujourd'hui plutôt bien. Non seulement son existence n'a pas été remise en cause, mais le système carcéral est plutôt en train de se consolider. De plus en plus de gens, aujourd'hui, sont envoyés en prison, pour des peines, également, de plus en plus longues. En France, par exemple, entre 1975 et 1995, la population carcérale a doublé. La durée moyenne de détention a également doublé au cours de la même période. Ce n'est donc pas ou bien... ou bien...: ou bien la prison, ou bien le contrôle social. On a aujourd'hui et la prison, et le contrôle social. Deuxième remarque, maintenant. Il faut distinguer entre plusieurs types de prison. Les prisons actuelles, je veux dire: celles qu'on construit actuellement, n'ont en effet plus rien à voir avec les prisons traditionnelles, celles héritées de l'Ancien Régime, avec leurs murs pourris, leurs cafards, leurs odeurs d'urine, etc. Ces prisons-là ont vécu, elles sont aujourd'hui remplacées par d'autres prisons, prisons du "troisième type", en quelque sorte, très différentes des précédentes. Dans son roman d'anticipation, Technosmose (Gallimard, 2007), Mathieu Terence en décrit une, de ces prisons. C'est une société de surveillance, mais en plus perfectionné encore. Elle joue en fait le rôle de laboratoire expérimental pour la société de surveillance. D'une prison traditionnelle, il est parfois possible de s'évader. De cette prison-là, il ne faut même pas y songer. Elle est d'ailleurs enfouie sous terre, on n'y accède que par des "descendeurs". C'est en cela même que la prison conserve, aujourd'hui encore, sa raison d'être. Elle annonce la société de demain. L'annonce et la préfigure.

9/11/2007

Conflits de basse intensité

Ils commémorent aujourd'hui le 11 septembre, dit l'Auditrice. Le Politologue est intervenu aujourd'hui à l'Emission. Il a dit que le 11 septembre marquait la fin du XXe siècle et le début du XXIe. L'ère des grandes guerres est aujourd'hui terminée. En lieu et place on assiste au développement de nouvelles formes de guerres, les "conflits de basse intensité". Le Politologue en tire certaines conclusions pratiques. Il en appelle d'abord à une restructuration de l'armée, en fait à son abolition pure et simple. D'après lui, elle ne servirait plus à rien, sauf, éventuellement, en tant que force d'appoint dans le cadre de missions de maintien de la paix, celles de l'ONU, de l'OTAN, etc. Mais c'est tout. Le Politologue plaide en outre pour un renforcement de la guerre contre le terrorisme. Le terrorisme, dit-il, est aujourd'hui la principale menace pesant sur la civilisation; il importe donc de le combattre avec détermination. Un certain nombre de mesures s'imposent: accroître le nombre des écoutes téléphoniques par exemple. On fait déjà beaucoup dans ce domaine, mais cela reste encore insuffisant. Pensez donc, explique-t-il, on ne sait toujours pas ce que faisait l'Epouvantail l'avant-veille du 11 septembre, ni non plus où et avec qui il a passé la soirée du 10, si c'était avec sa copine ou quelqu'un d'autre. De tels dysfonctionnements sont intolérables. Lui-même, le Politologue, se propose de lancer prochainement un grand programme de recherche à ce sujet. Une cinquantaine de chercheurs de haut niveau seront mis à contribution. Ils auront naturellement accès à toutes les archives, aussi bien privées que publiques. Mais ils seront aussi seuls à y avoir accès. On ne lésinera pas non plus sur les moyens. Le Parlement sera prochainement appelé à se prononcer à ce sujet. On a ainsi bon espoir de connaître un jour la vérité. L'opinion légitimement inquiète saura enfin ce que l'Epouvantail tramait l'avant-veille du 11 septembre. Et aussi bien sûr le 10, veille des attentats.

9/09/2007

En procèdent

J'ai en tête le titre de l'ouvrage de Hans Blumenberg, La légitimité des Temps modernes, dit l'Auteur. En quoi les Temps modernes sont-ils légitimes? Personnellement je dirais: en ce que l'homme a vocation à la liberté. Voilà ce qui les rend légitimes. Ca exactement, et rien d'autre. En même temps les Temps modernes ne viennent pas de rien. Si les Temps modernes s'inscrivent en rupture avec l'univers pré-moderne, par ailleurs aussi ils en procèdent. En procèdent, et ne sauraient donc se construire qu'à partir de lui. La bonne modernité, la modernité heureuse (car cette modernité-là, elle aussi existe), n'est pas celle tournant le dos à la tradition, lui tournant le dos ou encore l'ignorant, mais bien celle s'inscrivant en continuité avec elle, en assumant, bon gré mal gré, l'héritage (quitte, évidemment, à le réinterpréter). Beaucoup de modernes raisonnent sur la modernité comme si être moderne c'était tuer le père. C'est le schéma oedipien, à certains égards aussi celui du Fils prodigue. Mais comme le montre Sophocle le meurtre du père n'est pas vraiment libérateur. Oedipe tue le père, mais se condamne par là même au malheur. Il en va de même du Fils prodigue. Plus je relis ces textes (Oedipe Roi, la parabole du Fils prodigue), plus je m'émerveille de leur justesse. Textes qui s'éclairent d'ailleurs l'un l'autre, s'éclairent et se complètent. Certains les interprètent comme des textes anti-liberté. A mon avis non. Ce ne sont pas des textes anti-liberté, mais anti-hybris. Hybris, soit dit en passant, qu'il ne faut d'ailleurs pas toujours chercher du côté des fils mais des pères. Car aux pères aussi il arrive de commettre certaines erreurs. Pères butés ou cassants. Ou à l'inverse, absents, inexistants. L'idéal, en fait, serait que le père accompagne le fils dans sa démarche. L'accompagne et l'assiste. Ce n'est malheureusement que rarement le cas.

8/14/2007

Eux étaient intelligents

Ils n'aiment pas trop la subjectivité, dit le Sceptique. La subjectivité, pourquoi faire? Toutes les révolutions en découlent, quelle horreur. C'est l'anti-civilisation. Voyez Rousseau, ce mauvais écrivain. Qu'a-t-il à parler, comme il fait, du sentiment? A faire ainsi étalage de ses états d'âme? C'est profondément malsain, tout ça. Mais on ne s'en débarrasse pas comme ça, de la subjectivité. En 1921, ils firent paraître un manifeste intitulé le "parti de l'intelligence". Eux étaient intelligents, pas les autres. En toute objectivité, bien sûr. Sept ans plus tôt, en 1914, ils avaient fait campagne contre l'élection de Bergson à l'Académie française. Bergson était juif, or ils ne voulaient pas d'un juif à l'Académie. Ah, l'intelligence! Les uns se référaient à Auguste Comte, les autres au néo-thomisme. Tu as déjà lu Auguste Comte? Ouvre un peu, ça vaut le détour. En juin 1940, ce fut la "divine surprise". Je continue? Bref, il ne suffit pas de condamner certaines choses pour qu'elles disparaissent comme par enchantement. Eventuellement elles disparaissent, mais très vite ensuite elles réapparaissent, réapparaissent ou refont surface, pas forcément, d'ailleurs, sous la forme la plus agréable. En sorte que la personnalité se dédouble, se dédouble entre certaines attitudes qu'elle affiche et d'autres qui la trahissent, la trahissent au sens où elles en révèlent la vraie nature, les vraies tendances. Encore une fois cela n'a rien d'étonnant, c'est le contraire même qui surprendrait.

8/12/2007

Un mélange des deux

Ils n'aiment pas trop les émotions, dit le Sceptique. Ils disent que ça les perturbe. Ce qui les perturbe en fait, c'est d'entendre parler de certaines choses. Voilà ce qui les perturbe. Ces choses-là les angoissent, elles les obligeraient, s'ils les voyaient d'un peu près, à se remettre eux-mêmes en cause. Ils préfèrent donc les maintenir à distance. Mais laissons cela. Sur un point, je suis d'accord avec eux: quand ils disent qu'il faut rester maître de ses émotions. C'est toujours une faute que de se laisser envahir par ses émotions. Pour autant je n'irais pas jusqu'à opposer les émotions à la raison. Certaines colères sont saines. Saines, et parfois même "saintes" (Lytta Basset). Celles liées au sentiment d'injustice, par exemple. Certaines peurs sont également bien fondées. Celle de la charia, par exemple. Par parenthèse, je te signale un article de Monica Papazu dans le dernier numéro de Catholica (Eté 2007, pp. 141-157). Titre de l'article: "L'islam: mémoire et oubli de la chrétienté". C'est une bonne mise au point. Bref, les émotions ne sont pas toujours le contraire de la raison. J'irais même plus loin encore. Autant il faut veiller à ne pas se laisser envahir par les émotions, autant je me méfierais personnellement de la tendance inverse, celle consistant à en faire complètement abstraction, des siennes propres comme de celles des autres, d'ailleurs, pour tout sacrifier à la raison. Non seulement les émotions ne m'apparaissent pas comme quelque chose de négatif, mais je les considère comme particulièrement bénéfiques, bénéfiques à l'activité rationnelle elle-même. Elles contribuent utilement à l'aiguillonner, à la maintenir en mouvement. Autrement elle s'étiole. "La sublime raison ne se soutient que par la même vigueur de l'âme qui fait les grandes passions", disait Rousseau.

8/09/2007

L'édition du jour

Je te montre l'édition d'aujourd'hui, dit l'Etudiante. Pages 1, 2 et 3, les intempéries: les chefs, comme il se doit, se portent au créneau. Quelles photos! Tiens, en voilà un qui règle la circulation. La vie continue. Page 4, les "opinions libres". Comme toujours il y en a deux (pluralisme oblige). La première est celle de Très-dans-le-vent. Très-dans-le-vent dit qu'il ne faut pas mollir: "Ne mollissons pas". L'autre opinion libre est celle de l'Evêque. L'Evêque se dit prêt au dialogue. Page 5, un présumé pédophile a été cueilli chez lui au petit matin. L'article donne l'initiale de son patronyme. Une photo nous montre aussi l'immeuble où il réside. C'est gentil pour sa famille, en particulier pour sa fille (car l'article nous apprend qu'il a une fille, elle va même à l'école). Page 6, un outsider s'est récemment présenté aux élections, avec pour programme des mesures de lutte contre la corruption. Il veut en particulier lutter contre la corruption des juges. Une caricature illustre l'article, elle nous montre deux brancardiers accourant à toutes jambes, avec une ambulance en fond de paysage. Quel sens, effectivement, cela a-t-il de dire que la justice est corrompue? Il faut vraiment être fou pour inventer de telles histoires. Vite, une ambulance. Pages 7 et 8, des adeptes de l'Epouvantail viennent d'être arrêtés à H... Deux pages entières leur sont consacrées. Le Politologue nous livre son commentaire. P. 9, 80'000 personnes se sont rassemblées à V... pour écouter des décibels. La Cheffe a honoré le concert de sa présence. Un show d'exception, dit le journaliste. Et ainsi de suite. C'est toujours pour ton mémoire, demanda l'Ethnologue? Je vois que ça progresse. Je devrai peut-être changer de sujet, dit l'Etudiante. La prof commence à paniquer.

8/04/2007

Quelque chose de grand et de beau

Je crois à la force du désir, dit l'Avocate. Quand on désire vraiment quelque chose, quelque chose de grand et de beau, en règle générale on va jusqu'au bout de son désir. On va jusqu'au bout de son désir, car ce désir est le plus fort. Il est plus fort que tout le reste. Plus fort, en particulier, que la tendance à faire comme les autres, tendance, il est vrai, atavique, inscrite dans le programme génétique. Plus fort que la pression sociale. Toute la question est donc de savoir si un tel désir, on l'a véritablement. L'a-t-on ou ne l'a-t-on pas? C'est le seul vrai problème. Et la famille, demanda l'Etudiante? Que fais-tu de la famille ? Ce n'est pas vraiment un problème, dit l'Auteur. Ou si c'en est un, cela signifie que le désir qu'on a en soi n'en est pas vraiment un. Si tu ne trouves pas en toi la force nécessaire pour passer outre, c'est qu'un tel désir n'est pas réellement présent en toi. Tu crois peut-être qu'il l'est, en réalité il ne l'est pas. Il ne mérite donc pas son nom. Ce n'est qu'une simple image de désir, un faux désir donc. Car autrement tu l'aurais trouvée en toi, cette force. Tu l'aurais trouvée, car elle ne fait qu'un avec le désir. Elle est ce désir même, en sa manifestation essentielle. Et donc tu ne t'arrêtes pas en chemin, tu vas jusqu'au bout. Sais-tu que c'est très évangélique, dit l'Auteur?

Les bonnes recettes

Tu trouves en libairie quantité d'ouvrages intitulés: comment réussir sa vie, dit le Sceptique. Autant que je sache il n'en existe aucun intitulé: comment rater sa vie. C'est une lacune. Comment rater sa vie, les bonnes recettes ne manquent pas. La première est évidemment de faire comme tout le monde, d'imiter les autres. C'est très efficace comme recette. En plus ça n'exige pas d'efforts particuliers. C'est à la portée de tous. Tu peux aussi écouter les conseils d'un certain nombre de spécialistes. Comment rater sa vie, ça, c'est sûr, ils s'y connaissent. C'est une variante de la recette précédente. Troisième recette, maintenant, croire que la réussite d'une vie se mesure au niveau de tes revenus. C'est très courant comme croyance. Regarde le résultat. Autre recette encore, te dire qu'il ne faut pas confondre travail et plaisir. Si tu travailles, c'est pour gagner ta vie, pour ça seulement et pour rien d'autre. Pas pour le plaisir en tout cas. Un bon travail, c'est un travail 24 heures sur 24, avec beaucoup de stress, de chefs qui te font confiance, et bien sûr aussi un salaire au mérite. Dernière recette enfin, faire un suicide manqué et rester handicapé à vie. Arrête, tu me déprimes, dit l'Avocate. Je termine, dit le Sceptique. Tous ou presque croient que leur vie est une grande réussite. En un sens elle l'est puisqu'ils le croient.

8/02/2007

1 dimanche sur 2

Personnellement je ne crois à rien, dit l'Etudiante. Mais je n'en suis pas moins très pratiquante. Tous les dimanches ou presque, je vais au temple ou à l'église. Ca t'étonne? C'est ma manière à moi de marquer ma différence. Va par exemple te poster, le dimanche, au bord de l'autoroute. As-tu tellement envie de faire comme eux? Moi non. Vraiment non. Autre exemple encore. Comme le Journal te l'a appris sans doute, certains viennent de lancer une pétition: ils plaident pour l'ouverture, le dimanche, des grandes surfaces. 6 jours sur 7 pour dépenser leurs euros, ça ne leur suffit pas. Ils en exigent 7: oui, 7. 7 jours sur 7. La ministre, une pragmatique, n'est pas a priori contre, mais préférerait procéder par étapes. On commencera par ouvrir 1 dimanche sur 2, puis ce sera 2 dimanches sur 3, 3 dimanches sur 4, etc. Au passage on biffera le lundi de Pentecôte de la liste des jours fériés. Ca créera, paraît-il, des emplois. Je me résume. Je fais partie des 3, 4 ou 5 % des gens, croyants ou incroyants, qui pensent que l'être humain est autre chose qu'une simple machine à produire, avaler des kilomètres, s'intoxiquer aux pesticides et détruire la planète. Voilà pourquoi, tous les dimanches ou presque, je vais au temple ou à l'église. En plus, j'aime bien l'harmonie des cloches. Ca me change du reste.

7/30/2007

De grandes masses d'argent

Une autre donnée, encore, mérite d'être prise en compte, dit le Docteur: celle liée aux enjeux de la lutte pour le pouvoir. Ces enjeux sont considérables. C'est le cas en particulier en France. Tout, en France, est très centralisé, et donc celui qui exerce le pouvoir en France dispose d'un très grand pouvoir. En outre, tu n'es pas sans savoir que les principaux groupes industriels sont tous peu ou prou contrôlés par l'Etat, même et y compris lorsqu'ils sont nominalement en mains privées. Il y a le pétrole, mais aussi l'armement, l'aéronautique, le nucléaire, etc., un véritable complexe militaro-industriel, en fait, très comparable, toutes choses égales d'ailleurs, au complexe militaro-industriel américain. C'est le coeur même de l'économie française. Et donc de grandes masses d'argent vont et viennent d'un endroit à l'autre, se perdent et ensuite réapparaissent, redisparaissent ensuite, mais cette fois pour de bon, pour ne plus jamais réapparaître, etc. Voilà la donnée de base. Le reste en découle mécaniquement, entre autres et en particulier les cadavres sous influence. L'argent "est un miroir dans lequel il ne faut pas trop souvent regarder les élites françaises", écrit Eva Joly (p. 143). Quel remède, demanda l'Etudiante? Diminuer les enjeux de la lutte pour le pouvoir, dit le Docteur. Là où ils sont moins importants, il y a aussi moins de cadavres.

7/23/2007

Le bon côté des choses

Il y a deux espèces de catastrophes, dit l'Ethnologue. Celles qu'on aime, de très loin les plus nombreuses, et les autres, celles qu'on aime moins, voire, à la limite, pas du tout. La pire des catastrophes, tu la connais. Ce serait une prise du pouvoir par l'Epouvantail. Là, vraiment, ce serait la fin du monde. L'humanité n'y survivrait pas. Mais c'est un cas extrême. Les autres catastrophes, à y regarder de près, ne sont pas vraiment des catastrophes. Certaines d'entre elles ont même quelque chose de réjouissant. As-tu vu par exemple l'espèce de jubilation du Journal chaque fois qu'il est question du réchauffement climatique? Chaque fois, j'exagère un peu peut-être. Ce n'est pas toujours le cas. Mais assez souvent quand même. Tout est dans le ton, une petite musique en sourdine. Ca commence par un rappel à l'ordre, toujours le même, d'ailleurs, ce qu'ils appellent le sens d'histoire. De toute façon, disent-ils, c'est inéluctable, nous n'avons pas le choix. Préparons-nous y donc, apprenons à vivre avec. Cette consigne s'applique à toute espèce de calamité: drogue, insécurité, etc. Mais en particulier à ce dont nous parlons, le réchauffement climatique. On te montre ensuite le bon côté des choses. Par exemple, explique le Journal, il y aura des palmiers à 2000 mètres. Voyez votre bonheur: des palmiers à 2000 mètres. Vous n'êtes quand même pas contre les palmiers à 2000 mètres? Des tas d'animaux venus du Sud viendront par ailleurs nous dire bonjour. C'est plutôt sympathique comme démarche. Tant pis s'ils sont porteurs de parasites. Et ainsi de suite. Finalement on se demande pourquoi il faudrait combattre le réchauffement climatique. Vous le savez, vous, peut-être?

7/22/2007

La charia

Dieu merci, il n'y a plus aujourd'hui de charia en Occident, dit le Cuisinier. Il y en a eu une peut-être dans le passé, mais maintenant c'est fini, il n'y en a plus. Il faut y voir une influence chrétienne. Le christianisme, en son acception authentique, ignore toute espèce de charia. Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu, dit l'Evangile. Il y a aussi cette scène où le Christ refuse de s'impliquer dans une histoire d'héritage. Le philosophe Rémi Brague commente ainsi ce texte: "Les règlements interhumains ne seront pas chargés du poids de l'Absolu, mais laissés au soin des hommes. L'Absolu ne portera que sur l'exigence morale, qui devra normer toutes les règles juridiques" (Europe, la voie romaine, Folio Essais, 2007, p. 202). Les normer, mais rien d'autre. C'est un cadre, tout au plus. Ce qu'il y a l'intérieur du cadre, ça dépend de toi. C'est de ta responsabilité propre. Je ne le conteste pas, dit l'Ethnologue. Mais tu as plein de gens aujourd'hui qui en rêvent, de la charia. Ils ne rêvent même que de ça. Ecoute un peu l'Activiste, l'Apparatchik, Très-dans-la-ligne, etc. Ce n'est pas pour rien qu'ils fraternisent, comme ils le font, avec le Frère. Vraiment, ça les attire. Ne leur parle pas en revanche du christianisme. Leurs compagnes, il est vrai, maîtresses ou concubines, ne portent pas encore le voile, mais, un jour ou l'autre, tu verras, très spontanément, elles y viendront. Je les imagine même très bien avec une burka (tu sais, avec la grille d'entrée). Eux-mêmes, de leur côté, se laisseront pousser la barbe. L'islam est la religion naturelle de l'homme, de l'homme en tant qu'être naturel, veux-je dire.

7/19/2007

Je les porte en moi

Comme tu le sais, l'Autorité morale croit aux essences, dit l'Ethnologue. Personnellement je n'irais pas jusqu'à dire que les essences n'existent pas. Si, bien sûr, elles existent, mais autrement que ne l'imagine l'Autorité morale. L'Autorité morale part de l'histoire, plus exactement encore de ce qu'il croit être l'histoire (car ses conceptions historiques sont largement mythiques), alors que, selon moi, il faut partir de la géographie. Je rejoindrais sur ce point Ramuz. Relis Raison d'être, ou encore Aimé Pache, peintre vaudois. Pour Ramuz, ce n'est pas tant l'histoire qui te fait être ce que tu es que la géographie. L'identité est d'abord liée à la nature, au paysage. Je les porte en moi comme eux-mêmes, de leur côté, me porte en eux. Le paysage, en l'occurrence, c'est le lac, avec les vignes de Lavaux en surplomb. Ce "beau lac", comme le dit Rousseau dans les Confessions. Et encore: "Celui autour duquel mon coeur n'a jamais cessé d'errer". Soit, dit l'Avocate. Mais tu connais la phrase de Montaigne: "Le monde n'est qu'une branloire perenne. Toutes choses y branlent sans cesse: la terre, les rochers, du Caucase, les pyramides d'Egypte", etc. Il y a vingt mille ans, le lac n'existait pas. A la place, il y avait un glacier, il descendait même jusqu'à Lyon. Je ne m'occupe pas de ce qui se passait il y a vingt mille ans, dit l'Ethnologue. Il y a deux mille ans, le lac était déjà là. Personnellement, ça me suffit.

7/17/2007

Beaucoup de bruit pour rien

L'Etouffeur vient de rendre son rapport, dit l'Ethnologue. En clair, il se plaint d'avoir été dérangé pour rien. Pour rien, pas exactement. Il signale bien deux ou trois dysfonctionnements. Sur un tel budget, n'est-ce pas, c'est inévitable. Par exemple, certaines factures ont été gonflées artificiellement. Evidemment c'est mal. On ne devrait pas faire des choses pareilles. De là à dire que... Bref, beaucoup de bruit pour rien. Tout le monde est blanchi, hormis l'Adjoint, auquel l'Etouffeur reproche son mauvais esprit. N'est pas Monsieur Propre qui veut, il y faut une autorisation spéciale. L'Adjoint s'est trop mêlé de ce qui ne le regardait pas. En conséquence l'Etouffeur recommande l'ouverture d'une enquête administrative à son encontre. Elle devra déterminer si l'Adjoint a agi seul ou en bande organisée. L'Etouffeur n'est pas toujours une nécessité, dit l'Avocate. On peut occasionnellement s'en passer. Exemple, il y a quelque temps, lors d'un contrôle de routine, certaines irrégularités ont été découvertes dans les comptes de la Sous-Cheffe. La Sous-Cheffe était une proche amie du Ministre. Très proche, même. On a pu ainsi se passer des services de l'Etouffeur. Par là même aussi l'Etat a fait des économies. Car les interventions extérieures, tiens donc, il faut les payer. Et elles ne sont pas bon marché: honoraires, frais d'hôtel, de secrétariat, etc. A propos, dit le Sceptique, avez-vous suivi l'Emission d'hier? Il y était question de gouvernance: la gouvernance au défi de l'Ethique (ou l'inverse, je ne me souviens plus bien). Intéressant comme débat. Zède figurait au nombre des invités. Mais aussi Zède bis, d'autres encore. Ixe et Igrecque, par exemple. Le Politologue a parlé de l'accélération de l'histoire.

7/04/2007

Quelques menus services

Lis-ça, dit le Cuisinier: c'était hier dans le Journal. Un article sur la situation de l'édition dans notre région. En fait, l'article ne parle que de trois maisons d'édition. De ces trois-là seulement et pas des autres. Etrange, non? Les autres, tout simplement, n'existent pas. Or on n'en compte pas moins d'une cinquantaine. Il y a des consignes, demanda le Collégien? Même pas, dit le Cuisinier. Imagine une sorte de microcosme. Soit ils appellent, soit on les appelle. Ils papotent entre eux, se communiquent leurs petits secrets. Ils se connaissent depuis toujours, ça remonte au temps de leurs études. En plus ils partagent les mêmes idées, tu vois plus ou moins lesquelles. Quoi d'étonnant dès lors à ce qu'il s'entraident un peu? Se rendent quelques menus services? Ca se fait tout seul, ils n'y pensent même pas. Les subventions, c'est la même chose. Car, évidemment, tout est très subventionné. A l'Etat aussi ils ont le téléphone. Ils règlent ça entre eux. Et les autres, demanda le Collégien? Ceux n'appartenant pas au microcosme? Ils se débrouillent comme ils le peuvent, dit le Cuisinier. Certains y parviennent, d'autre non. Mais ce qu'ils éditent est souvent assez intéressant (en fait très intéressant). Très dérangeant aussi, parfois. Eux, on ne les appelle pas.

6/29/2007

Ne vous approchez pas des fenêtres

Je viens de lire les souvenirs d'Eva Joly (La force qui nous manque, Les Arènes, 2007), dit l'Avocate. Tu vois qui est Eva Joly: c'est ce juge d'origine norvégienne, française par mariage, qui, avec sa collègue Laurence Vichnievsky, a instruit l'affaire Elf, avec à la clé une cinquantaine de mises en examen: des gens, tout simplement, qui piquaient dans la caisse (ben quoi?). Parmi eux, nombre de représentants de la nomenklatura, des représentants en vue, je précise bien. Ils se croyaient intouchables, et à certains égards l'étaient. En fin de compte, ils n'ont été condamnés qu'à des peines symboliques, le plus souvent d'ailleurs avec sursis. La dame a donc instruit l'affaire, puis elle s'est fait mettre en congé, car, assez vite, elle en est venue à craindre pour sa santé. Un des plus hauts magistrats de France, aujourd'hui membre du Conseil constitutionnel, lui aurait dit un jour: "Madame, je tiens de source incontestable que vous êtes entrée dans une zone d'extrême danger. Ne vous approchez pas des fenêtres...". Intéressant, non? C'est très spécifique à la France, dit le Docteur. L'ouvrage de référence est celui de Christophe Deloire: Cadavres sous influence: Les morts mystérieuses de la Ve République (Jean-Claude Lattès, 2003). Bigre, dit l'Etudiante. Et ça vient d'où, tout ça? Il faut, je pense, remonter à la dernière guerre, dit le Docteur. A la guerre proprement dite (40-44), mais aussi à l'immédiate après-guerre: 44-45, à ce qu'on appelle l'épuration sauvage. C'est le titre d'un ouvrage bien documenté (Philippe Bourdrel, L'Epuration sauvage, Perrin, 2002). Ensuite il y a eu le SAC, les polices parallèles, la Françafrique, etc. Certaines habitudes se sont prises.

6/22/2007

1 + 1 = 2

Autrefois, un seul et unique salaire suffisait pour faire vivre une famille, dit l'Ethnologue. On se serrait un peu la ceinture, mais on y arrivait. Essaye un peu maintenant. Aujourd'hui, il en faut au minimum un et demi, le plus souvent, en réalité, deux. Et donc les deux parents travaillent. Or, à l'époque, les familles étaient beaucoup plus nombreuses qu'aujourd'hui. Des fratries de cinq, six ou même sept enfants étaient alors chose courante. Et donc, dit l'Etudiante? Ca te montre où en est aujourd'hui le pouvoir d'achat, dit l'Ethnologue. Au minimum, il a été divisé par deux. Par deux, puisque pour faire vivre aujourd'hui une famille, même de taille modeste, il faut travailler deux fois plus. 1 + 1 = 2, si je sais compter. On pourrait aussi dire que l'heure de travail est aujourd'hui payée deux fois moins. Mais on ne fait encore qu'effleurer le problème. Car il faut aussi tenir compte du travail lui-même, en clair de l'accélération des cadences, du stress, etc. L'heure de travail est aujourd'hui beaucoup plus remplie qu'elle ne l'était autrefois. On exige beaucoup plus de toi. Je ne dirais donc pas que l'heure de travail est payée deux fois moins, mais bien trois ou même quatre fois moins. Je parle bien sûr du salaire réel, du salaire converti en pouvoir d'achat. Puisque tu parles de ces choses, dit l'Auteur, je te recommande un film: Volem rien foutre al païs. Certains, effectivement, ne foutent rien. Ne foutent rien parce qu'ils ne veulent rien foutre. Ils expliquent aussi pourquoi.

6/19/2007

Même lorsqu'il avait tort

Je l'ai beaucoup critiqué dans le passé, dit le Cuisinier. Pas complètement à tort, je crois. Il s'est pas mal planté, il faut le reconnaître, et en plusieurs occasions. Il a également pas mal affabulé. Mais sur l'essentiel il ne se trompait pas. J'irais même jusqu'à risquer ce paradoxe: même lorsqu'il affabulait, il disait la vérité. Car si ce qu'il disait était matériellement faux, l'histoire qu'il racontait, bien souvent, aurait pu être vraie. Pas toujours, peut-être, mais bien souvent quand même. Bref, même lorsqu'il avait tort, il avait raison. Et ce sont les autres, ceux qui lui reprochaient ses affabulations, qui avaient tort. Moi-même, par exemple. J'avais raison en surface, mais tort en profondeur. Tu parles de qui au juste, dit l'Etudiante? Du Grand Ventilateur, dit le Cuisinier. Il ne se distingue assurément pas par son sens de la nuance. Souvent même, il verse dans le manichéisme. Nombre de ses amitiés et fréquentations pourraient par ailleurs le faire passer pour un ennemi particulièrement féroce de la société ouverte. Mais il a eu le mérite de briser certains tabous. Quand, dans les années 70, il s'en est pris à des pays volontiers étiquetés comme "au-dessus de tout soupçon", tout ce qu'il disait n'était pas faux. Comment également ne pas l'approuver, cette fois-là complètement, quand il dénonce, comme il le fait dans ses livres récents, le rôle des multinationales dans les dysfonctionnements actuels de l'économie-monde? Par parenthèse, il est interviewé dans We Feed the World, ce documentaire sur la faim dans le monde sorti ces dernières semaines en salle*. Va voir ce film, on y apprend plein de choses.

Erwin Wagenhofer, We Feed the World (2005).

6/10/2007

Et leur fameux local, dit l'Auteur?

J'ai dû m'absenter ces dernières semaines, dit l'Auteur. Quoi de neuf dans la région? Les priorités restent ce qu'elles étaient, dit l'Ethnologue: drogue, insécurité, un peu de terrorisme, mais pas trop quand même, une nouvelle campagne contre l'Epouvantail, etc. Ah, j'oubliais, des meutes de loups ont récemment été repérées sur les montagnes: une très bonne nouvelle, selon le Ministre. Des visites guidées seront prochainement organisées à l'intention des touristes. Et leur fameux local, dit l'Auteur? Leur local d'injection? Où en est-il, ce projet? L'inauguration est prévue pour l'automne, dit l'Ethnologue. Il y aura là le Maire, la Cheffe, l'Expert, l'Autre Expert, qui sait même, peut-être, l'Evêque, s'il est disponible. Tout le monde se réjouit d'avance. On a affaire à des flux, dit le Colonel. Les flux, ça se régule. Ils ouvrent ou ferment le robinet, ça dépend des circonstances. Il en va, à cet égard, de la drogue comme du pétrole, des "flux judiciaires" (notion qui s'est banalisée au cours des années 90), du terrorisme, de bien d'autres choses encore. Tantôt ils ouvrent, tantôt ils ferment. Vous connaissez le titre de Foucault, dit l'Avocate: Surveiller et punir. Personnellement je modifierais la formule: surveiller sans punir. Ils veulent tout voir, tout savoir. Ce qui les gêne, ce n'est pas exactement la drogue. La drogue, en elle-même, ne les gêne en rien. Ils s'en moquent. Ce qui les gêne, c'est qu'elle circule sans autorisation: ça, c'est inacceptable. Donc ils l'autorisent.

5/10/2007

C'est plus simple encore

Pardonnez-moi de vous interrompre, dit l'Etudiante, mais qui aperçois-je là-bas: ne serait-ce pas Sa Magnificence? Sa Magnificence en personne? Effectivement, c'est lui. A votre avis, il pèse combien? On voit que tu ne lis pas le Journal, dit l'Avocate. Le Journal te donne tous les détails. Il te dit aussi à quel âge il a eu ses premiers rapports sexuels, combien de fois par semaine il se masturbe, etc. Mais oui. Les duchesses, à certaines époques, voyaient-elles quelque inconvénient à paraître nues devant leurs domestiques, dit le Sceptique? C'est la même chose. Les domestiques, aujourd'hui, c'est nous. Je l'ai un peu fréquenté autrefois, dit l'Ethnologue. C'était quelqu'un d'intéressant. Je dis bien, c'était. En quelques années, le pouvoir lui est complètement monté à la tête. L'hybris, en quelque sorte. Le Journal a-t-il pensé à lui demander combien de fois il se lavait par semaine, demanda le Cuisinier? Car, je peux te dire, il sent assez fort. A moins de 30 centimètres, tu as intérêt à te boucher les narines. J'enchaîne, dit l'Etudiante. Vous avec vu le nouveau président? Ces nuits au Fouquet's à 2 SMICS et demi la nuit? Lui qui s'autodésignait comme le "candidat du peuple"... Et ces yachts de luxe en Méditerranée! Wouah! On croit que c'est du mépris, dit le Sceptique. Mais non, pas du tout. C'est plus simple encore: Ce que tu peux penser d'eux, d'eux et de leurs attitudes, très exactement ils s'en moquent. Ils n'en ont rien à faire. Tu n'existes pas pour eux. Voilà le message.

4/29/2007

Effets de miroir

Ah, la droite, dit l'Ethnologue. Elle me cause bien du souci, la droite. Entre nous je m'en fiche, mais bon... J'en parle quand même, il faut bien en parler. Il y a droite et droite, d'ailleurs. Quand je parle de la droite, je parle de la vraie, la vraie de vraie, celle qui ne s'est jamais ralliée à rien, s'est toujours refusée à tout compromis (sauf, bien sûr, en 1940, mais là c'était spécial). Celle, en fait, qui voudrait remonter le cours du temps, en revenir à l'Ancien Régime, que dis-je: aux chansons de geste, aux Mérovingiens, etc. C'est elle qui m'intéresse. Tu rêves, dit le Cuisinier. La droite dont tu parles ne veut pas en revenir aux Mérovingiens. C'est un air qu'elle se donne, c'est tout. La droite est comme la gauche, elle défend l'ordre existant. Ca et rien d'autre. C'est intéressant quand même, dit l'Ethnologue. La droite est le double en miroir de la modernité. La même chose, si tu préfères, mais à l'envers. Esthétiquement parlant ça me plaît. J'aime bien les effets de miroir. Et pour le reste, demanda le Cuisinier? Alain de Benoist s'est récemment exprimé à ce sujet, dit l'Ethnologue (Eléments, No118, Automne 2005, pp. 45-50): selon lui, il n'y a plus aujourd'hui de pensée de droite. La droite s'indigne, la droite se lamente, mais elle a désappris à penser. "Elle ignore même ce que peut être le travail de la pensée". Je suis assez d'accord. Son discours a au moins cent ans d'âge. Il est hors réalité.

4/26/2007

Sans rien laisser dans l'ombre

Beaucoup pensent qu'il suffit de ne pas parler du passé pour l'effacer, dit l'Auteur. Si tel était le cas, évidemment ça se saurait. On peut très bien ne pas parler du passé, le taire, mais en le taisant on ne l'efface en aucune manière, on ne fait que le refouler, l'enfouir en soi. Et donc il est toujours là, il continue à nous hanter. Il nous hante, et les autres se rendent naturellement très bien compte qu'il nous hante. Car il "suinte", pour reprendre l'expression du psychanalyste Serge Tisseron (Secrets de famille, Marabout, 2006). C'est très inconfortable comme situation. Très inconfortable, et l'âme en souffre. Tu connais ce passage de l'Evangile (Luc, 11, 35): "Quand ton oeil est sain, ton corps tout entier est aussi dans la lumière; mais si ton oeil est malade, ton corps aussi est dans les ténèbres". L'âme a donc besoin de clarté, elle vit très mal le fait d'être dans les ténèbres. Or c'est bien ce qui se passe quand on enfouit en soi un secret: on est dans les ténèbres. Que faire alors? En parler, justement, ne rien laisser dans l'ombre. Tout dire, tout publier. Certains, avec plus ou moins de succès, ont tenté de le faire (saint Augustin, Montaigne, Rousseau). Dois-je préciser que quand je parle de l'âme, je ne parle pas seulement de l'âme individuelle mais aussi collective. Car, bien évidemment, les collectivités, elles aussi, ont leurs "secrets de famille". Tu ne va quand même pas me parler du devoir de mémoire, dit le Double. En elle-même, la mémoire ne me gêne en rien, dit l'Auteur: c'est l'instrumentation qui en est faite qui me gêne. La mémoire ne se décline d'ailleurs pas seulement en termes de devoir mais de droit: le droit de mémoire. J'en parle en passant, parce qu'il ne va pas toujours de soi. Ainsi, ce n'est que tout récemment que les Allemands se sont vus reconnaître le droit de parler de ce qui leur est arrivé pendant et après la Seconde Guerre mondiale, des catastrophes qu'ils ont subies (Der Brand, Die Flucht, etc.). Pendant très longtemps, un demi-siècle en fait, ce droit leur a été refusé. C'est aussi ça, la mémoire.

4/19/2007

Très dans la ligne

Il y a quelque temps, exactement quand je ne me souviens plus, on parlait de Très-dans-la-ligne, dit l'Ethnologue. Des gens comme lui, très dans la ligne, il y en a des tas. Prends le Génie, par exemple: je parle du Génie modifié. Tous les jours ou presque les journalistes lui téléphonent, car ils veulent avoir son avis. Son avis sur quoi? Sur tout. Car il a un avis sur tout. En sorte que tous les jours aussi on parle de lui dans le Journal, à l'Emission, etc. Imagine un moment (lui, il est vrai, ne l'imagine même pas: pour lui c'est proprement inimaginable, ça n'arrivera jamais), qu'un jour ou l'autre on oublie de lui téléphoner. C'est forcément, alors, lui qui téléphonerait. Car il vit de ça, ne vit même que pour ça. Il carbure aux médias comme d'autres au canabis, à l'alcool, etc. Evidemment, comme toujours, il y a une contrepartie: c'est d'être très dans la ligne. Or, très dans la ligne, il l'est: presque davantage encore que Très-dans-la-ligne lui-même. Un vrai Génie, te dis-je (même modifié). Dois-je ajouter qu'il n'apprécie guère l'Auteur. Quand il le voit, il change automatiquement de trottoir. Tiens, il y a quelques années...

4/14/2007

Très peu de choses, en fait

Je ne suis pas sûr de croire en l'existence de Dieu, dit le Double. C'est sans importance, dit l'Auteur. Ne te demande pas si tu crois ou non en l'existence de Dieu, demande-toi d'abord dans quel esprit tu abordes ces questions-là, interroge-toi sur toi-même. Sois attentif aussi à la manière dont les autres les abordent, à leur disposition d'âme. C'est ça le critère. Tiens, ce matin, je suis allé entendre la Pasteure. C'était Pâques, elle a donc évoqué la Résurrection: les saintes femmes qui se rendent au tombeau du Christ, et le tombeau est vide: il n'y a personne à l'intérieur, aucun corps. Voilà ce que dit le texte: très peu de choses, en fait. La Pasteure a développé ce point. Le plein et le vide, les fausses attentes liées au plein, les illusions qu'elles engendrent, etc. Elle a insisté ensuite sur le fait que la Résurrection était inséparable des mots qui l'accompagnent, mots d'abord qui se disent, ensuite se fixent, s'écrivent, se transmettent, etc.: de tout un travail de symbolisation, donc (qui se continue aujourd'hui encore). Ce discours-là, je peux le comprendre, il fait du bien à l'âme. Et pour le reste, demanda le Double? Pour le reste, c'est très variable, dit l'Auteur. Prends par exemple le Libraire. C'est un idéologue fondamentaliste, il a une bonne connaissance d'ensemble de la Bible. Mais les propos qu'il tient font parfois peur. Ou, dans un autre style, le Disciple. Lui aussi est grand amateur de citations: la Bible encore, mais surtout Thomas d'Aquin, les encycliques pontificales, le droit canon, les conciles, etc. Il s'est fabriqué une prison sur mesure, il vit maintenant dedans. Que dire encore du Coadjuteur, du Latiniste, du Créationniste, de l'Homophobe, du Sedevacantiste, du..., etc. Bref, ignore les dogmes, ne t'occupe pas de ces choses.

4/08/2007

Une fois que tu es né

On n'est pas, comme vous semblez le croire, dans un système winner-loser (gagnant-perdant), mais bien loser-loser, dit l'Auteur. Tout le monde est perdant, je dis bien: tout le monde. As-tu lu par exemple l'ouvrage de Maria Pace Ottieri: Une fois que tu es né tu ne peux plus te cacher (Xenia, 2007)? C'est intéressant comme ouvrage. Il traite de l'immigration, en particulier des gens qui débarquent à l'heure actuelle à Lampedusa. A Lampedusa, mais aussi ailleurs: sur la côte adriatique par exemple. L'auteur parle de leurs conditions de vie en Italie, conditions d'une extrême précarité. On est en pleine jungle, celle de l'économie grise. En fond de paysage, l'activité des réseaux de passeurs, pourvoyeurs de main d'oeuvre à bon marché. Il faut aussi voir comment ça se passe chez eux, je veux dire: dans leur pays d'origine. Ce n'est pas vraiment la joie. S'ils choisissent de quitter leur pays, c'est souvent qu'ils y sont contraints (par la guerre, les catastrophes naturelles, etc.). Tu dis que tout le monde est perdant, dit l'Avocate. Non, tout le monde n'est pas perdant. Les dirigeants actuels, par exemple, peuvent difficilement être considérés comme des perdants. Ils vivent au contraire très bien. Divide ut impera, etc. De quoi se plaindraient-ils? Tu as toi-même souvent parlé de ces choses. C'est très fragile comme système, dit l'Auteur.

4/04/2007

Pourquoi cette manie

C'est arrivé à H..., dit l'Auditrice. Comme j'adhère aux droits humains, je tairai, n'est-ce pas, leur nationalité. Que leur reprochait-on d'ailleurs? Oh, rien de grave: la participation à un viol collectif. La victime était âgée de 13 ans. On les arrête donc, mais le soir même un juge ordonne leur élargissement. Oui, le soir même. Ah, quelle époque, dit l'Etudiante. Pourquoi cette manie, comme ça, d'arrêter les gens, de les mettre en garde à vue: ça confine à l'acharnement. Ce n'est pas le seul exemple, reprit l'Auditrice. Il y a quelques mois, ils arrêtent une racaille, un type qui en avait poignardé un autre, un jeune de la région. Sa tête ne lui convenait pas. Six semaines à peine plus tard ladite racaille est remise en liberté. Le père de la victime, s'est dit "écoeuré". Ecoeuré pourquoi, dit l'Etudiante? Vraiment je me le demande. On devrait le mettre en examen, celui-là. Il incite à la haine. Soit, dit l'Avocate. Mais ça ne se passe pas toujours comme ça. Vous connaissez, je pense, l'Epouvantail, qui ne le connaît. Un beau matin, lui et sa copine décident d'aller faire une balade, une balade en forêt. Bien sûr tout est enregistré, la police avait pris ses précautions. La forêt était truffée de micros. A leur retour, un juge les attendait. Ils en ont pris pour ixe années. Ferme. Plus un traitement médical en application de la législation sur les délinquants anormaux.

4/03/2007

Antigone

Soit, dit l'Auteur, ce n'est qu'une figure littéraire, un pur produit de l'inventivité philosophique, celle de Sophocle en l'occurrence. Antigone n'a jamais eu d'existence historique. Mais c'est une figure emblématique. Elle n'a peut-être jamais existé en chair et en os, mais le destin qu'elle s'est choisi continue, aujourd'hui encore, de hanter l'imaginaire collectif, au même titre que celui d'autres grandes figures littéraires (Achille, Oedipe, Roland, Tristan et Yseut, le Cid, etc.). A ce titre elle n'est pas extérieure à la réalité. L'Avocate évoquait l'autre jour le souvenir de Charlotte Corday, arrière-petite fille de Corneille, qui, en application même du droit de résistance (originellement mis en forme par les scolastiques, avant d'être avalisé par la Première République), exécuta Marat dans sa baignoire, avant d'être elle-même envoyée à la guillotine. Le paradigme d'Antigone, comme elle le relève, est très présent en arrière-plan. On pourrait aussi évoquer le souvenir de Sophie Scholl et de son frère Hans, décapités à la hache en 1943 pour avoir distribué des tracts antinazis. Eux aussi, tout comme Antigone, étaient à eux-mêmes leur propre loi (autonomos). Ils étaient à eux-mêmes leur propre loi, et tout comme Antigone encore, ils n'avaient demandé le conseil de personne (autognôtos). Bref, Antigone est un mythe, mais l'idéal de vie auquel elle s'identifie, lui, n'a en revanche rien de mythique. On en suit même assez aisément la trace tout au long des siècles. Par le pouvoir de fascination qu'il exerce (et n'a jamais cessé d'exercer), il rejoint l'histoire concrète."Nul ne réalise seul sa destinée", dit Alain de Benoist. Or il y a une exception à cette règle: Antigone justement. Antigone réalise bel et bien seule sa destinée. C'est le sens de son grand dialogue avec Ismène, tout au début de la tragédie. Elle ne doit rien à personne, elle n'est rien d'autre que ce qu'elle a décidé d'être. Du passé elle a fait table rase, elle est subjectivité pure. Par là même, elle transcende la diversité des époques et des cultures. Elle accède à l'universel.

3/29/2007

Distraire les gens

Regarde un peu cette campagne, dit le Cuisinier. C'est extraordinaire. Aucun des vrais problèmes n'est abordé. Aucun. Au contraire ils passent leur temps à les éluder, à parler d'autre chose. Occasionnellement, il est vrai, ils les effleurent. Mais en usant de quels euphémismes! Moyennant quelles précautions de langage! Et ça marche. Les gens ont même l'air très contents. Soyons sérieux, dit l'Ethnologue. Vous semblez croire que ce n'est qu'en période électorale qu'on élude les vrais problèmes. La réalité, vous la connaissez. C'est en permanence qu'on les élude, qu'on s'emploie à en inventer d'autres, de faux, pour distraire les gens, les empêcher de penser aux vrais, etc. De quoi, par exemple, est-il question dans le Journal? Des vrais problèmes? Vous plaisantez. Et à l'Emission? Ne me dites quand même pas qu'à l'Emission on aborde les vrais problèmes. Ou alors on ne parle pas de la même chose. C'est quoi les vrais problèmes, demanda le Collégien? Ouvre un peu les yeux, dit l'Ethnologue. Regarde autour de toi. Tiens, là, par exemple. Oui, là, juste en face de toi. Mais aussi à côté: ça, et encore ça. Et ça. Plus deux ou trois petites choses qu'on ne voit pas (mais il suffit de gratter un peu pour voir). Bon, il y a du monde. On reprendra cette conversation une autre fois.

3/26/2007

L'autonomie

Ca tombe bien, dit l'Auteur, je viens de lire le dernier ouvrage d'Alain de Benoist: Nous et les autres, problématique de l'identité (Krisis, 2006). C'est intéressant comme ouvrage. A. de B. dit que l'identité "ne peut être pensée que dans une dynamique, une dialectique, une logique de la différence toujours confrontée au changement" (p.79). Ca devrait plaire au Sceptique. Le Sceptique, comme vous le savez, ne croit pas aux essences éternelles. Moi non plus, d'ailleurs. A. de B. dit aussi: "Nul ne réalise seul sa destinée" (p. 71). Ici je serais plus réservé. Effectivement, comme il l'explique, le sujet individuel n'existe qu'en lien étroit avec l'élément communautaire (famille, peuple, Etat, nation, culture, etc.). Il est aussi le produit d'une certaine histoire, histoire qui se prolonge en lui, en même temps qu'il la transmet aux autres après lui. La société est donc bien première par rapport à l'individu. Tout cela est vrai. En même temps, il n'est pas niable que les valeurs individualistes ont aujourd'hui beaucoup gagné en importance. De plus en plus de gens aspirent à l'autonomie. Nul, peut-être, ne réalise seul sa destinée, mais beaucoup aujourd'hui le pensent (qu'ils réalisent seuls leur destinée). Non seulement, d'ailleurs, ils le pensent, mais ils vivent d'une certaine manière comme s'il en était déjà ainsi. C'est très nouveau comme attitude. Par là même, l'écart originel entre les valeurs individualistes et la réalité, s'il subsiste, n'en tend pas moins sensiblement à se réduire. L'idée d'un sujet "désengagé", libre de toute détermination a priori, acquiert une part au moins de vérité. C'est très typiquement un processus d'auto-réalisation. Le paradoxe, évidemment, est que cette évolution s'impose aux individus de l'extérieur: c'est la société elle-même qui pousse à l'autonomie! La société reste donc bien, en ce sens, première par rapport à l'individu. Tu ne parles pas d'Antigone, dit le Double. C'est un chapitre à part, dit l'Auteur. Mais tu as raison, on ne peut pas, dans ce contexte, ne pas en parler. Une prochaine fois peut-être.

3/21/2007

Eh bien, ils passent

Aujourd'hui je me retrouve complètement seul, dit le Double. Je ne sais plus où aller. Il te reste encore les orthodoxes, dit le Cuisinier. Le ritualisme intemporel de l'orthodoxie. Croyez-moi, dit le Moine: ce n'est même plus la peine. Tenez, dit l'Etudiante, dimanche dernier je suis allée au temple. Habituellement les pasteurs sont en noir, celui-là pour une fois était en blanc: l'aube du prêtre, j'imagine. L'homélie a duré une dizaine de minutes, on ne peut pas dire qu'il se soit foulé. En fait ce n'était même pas un culte mais un concert-culte, avec le choeur du conservatoire local. Les églises transformées en salles de concert, pourquoi pas, je ne suis pas contre. Mais de préférence pas le dimanche matin, n'est-ce pas? En prime, il faut le dire, la musique n'était pas terrible. Qu'est-ce que je dirais: fin XIXe, début XXe. Et ça traînait, ça traînait... Au bout d'une quarantaine de minutes je me suis levée pour rentrer chez moi. Vous connaissez l'Evangile, dit l'Auteur: le ciel et la terre passeront, etc. Eh bien, ils passent. Mais mes paroles ne passeront pas, lit-on aussi. Ce qui est intéressant, c'est ce type en blanc, dit le Double. Si j'étais ce que je ne suis pas (ou n'étais pas ce que je suis), je dirais qu'il a un problème d'identité. Que je sache, le pasteur n'est pas un prêtre, mais un enseignant. Il porte donc normalement la robe noire de l'enseignant. Nous avons tous aujourd'hui des problèmes d'identité, dit l'Auteur. Toi, moi, l'Etudiante, le Moine, le Cuisinier, tout le monde. C'est ce qui rend la vie intéressante. Autrement, elle serait très ennuyeuse.

3/14/2007

La limite invisible

Quand même, dit l'Etudiante, je m'étonne. Les données disponibles sont sans appel, tout le monde les connaît. Exactement quand la catastrophe se produira, ça, peut-être, on ne le sait pas. Ce qu'on sait, en revanche, c'est que si on ne fait rien, et je vais même plus loin encore: si on ne change pas radicalement de style de vie, ça se terminera comme ça. C'est tout le système qui est en cause, le système de production, mais aussi de consommation. Or rien ne change. Tiens, hier encore, ils ont inauguré une nouvelle autoroute. Leur logique à eux n'est pas la tienne, dit le Colonel. Le désastre dont tu parles, pour le dire honnêtement, ils s'en fichent. Non seulement d'ailleurs ils s'en fichent, mais ils l'appellent de leurs voeux. Si, tout à fait. Ils ne demandent que ça. Comme le dit Hervé Kempf dans Comment les riches détruisent la planète (Seuil, 2007), "ils jouent à se rapprocher toujours plus de la limite invisible du volcan". C'est très typique de leur part. Il en va du réchauffement climatique comme de la vache folle, de la grippe aviaire, de l'amiante, des cancers industriels, des risques nucléaires, des pesticides, des OGM, de bien d'autres choses encore. C'est le paradigme du conatus. On en parlait l'autre jour avec l'Auditrice. Ils iront toujours aussi loin qu'ils le peuvent. Aussi loin qu'ils le peuvent, cela veut dire jusqu'à l'extrême limite (et même au-delà). Le reste, effectivement, ils s'en moquent. Ils n'en ont rien à faire.

3/08/2007

Salon de l'auto

Tiens, le salon de l'auto, dit l'Etudiante. C'est la saison. Il y a quand même un paradoxe, dit le Double. Tout le monde le sait: la voiture, aujourd'hui, c'est fini. Dans trente, au maximum quarante ans, il n'y en aura plus une seule sur les routes. Et pourtant ça continue. Ils font comme si de rien n'était. Te représentes-tu un peu ce que ça leur rapporte, dit le Philosophe? Ca se chiffre en milliards. La bagnole est leur vache à lait, que feraient-ils sans elle? C'est elle qui leur assure leur train de vie. C'est un élément de réponse, dit l'Ethnologue. Mais il y en a un autre, le plus important peut-être: le rôle que joue la voiture en matière de contrôle social. Si tu aimes le contrôle social, vite, dépêche-toi, cours t'en acheter une, n'importe laquelle. Flics, radars, contrôles alcoolémiques, caméras-vidéos, lecteurs automatiques de tes plaques d'immatriculation, tu seras comblé. Sans compter les amendes d'ordre, les jours d'amendes-prison, les retraits de permis, les queues aux guichets de l'administration, etc. Certains ne le savent peut-être pas, mais c'est ça la voiture. La plupart le savent, d'ailleurs. Mais ça leur est égal. Mieux même, ils en redemandent. C'est pourquoi ils sont si nombreux à se presser au salon de l'auto. A contrario, les gens qui aiment la liberté font comme moi: lorsqu'ils se déplacent ils prennent l'autobus, le train, ou encore vont à pied. Là aussi ils te surveillent, mais moins.

3/02/2007

A l'âme

La religion s'exprime aujourd'hui avant tout au cinéma, dit l'Auteur. Soyons clairs, je ne parle pas ici de Mel Gibson, lui n'a évidemment rien à voir avec la religion. C'est même complètement anti-religieux. Je parle d'autre chose. J'ai vu hier le dernier film de Clint Eastwood, Lettres d'Iwo Jima. Si tu veux voir un film religieux, en voilà un, un vrai. C'est magnifique comme film. J'en dirais autant du film de Florian Henckel von Donnersmarck, La vie des autres. Ces deux films traitent du bien et du mal, du mal qui est la règle par opposition au bien qui est l'exception. Mais il y a toujours des exceptions. C'est ce que disait aussi Hannah Arendt. Même dans les pires situations, il y a toujours des gens qui s'écartent des voies habituelles, celles du mal, pour faire le bien. Dans La vie des autres on les appelle des "hommes bons", bons, justement, parce qu'ils accomplissent des actes de pure bonté, de bonté désintéressée. De tels films relèvent du théâtre liturgique, ils jouent à l'époque moderne un rôle analogue à celui de l'ancienne messe tridentine. En même temps, il n'y a aucun dogme. Leur contenu est purement laïc. L'accent est ici mis sur les valeurs, les attitudes. Par ailleurs, ça s'adresse à tout le monde: tout le monde peut comprendre. C'est comme ça que je conçois aujourd'hui la religion. Ces deux films parlent à l'âme.

1/16/2007

Des airs absents

Les gens ne sont pas aveugles, dit l'Avocate. Tout ce que tu vois, les autres le voient comme toi. En revanche, ils ne tiennent pas à ce que cela se voie. Ils ne veulent pas, si tu préfères encore, qu'on voie qu'ils le voient. Ni par conséquent non plus qu'on voie ce qu'ils pensent lorsqu'ils le voient. Car, bien sûr, cela aussi se voit. Or, justement, ils ne le veulent pas. Ils ne veulent pas que cela se voie (ce qu'ils pensent). Leurs pensées, ils préfèrent les garder pour eux-mêmes. Pourquoi donc, me demanderas-tu? Simplement parce que la vie est déjà assez compliquée comme ça. Ils ont déjà bien assez d'ennuis. Tout ce qu'ils voient, donc, ils font semblant de ne pas le voir. Ils prennent des airs absents, feignent d'avoir l'esprit ailleurs. Ils ont l'oeil vide, un peu comme ces jolies filles qui se savent regardées mais ne veulent pas rendre leur regard aux hommes qui les regardent. Et leur regard se perd ainsi dans le lointain. Comme aussi certains snobs quand ils vous croisent dans la rue, mais ne veulent pas donner l'impression de vous connaître (car, à leur goût, vous n'êtes pas assez haut placé dans l'échelle sociale). C'est très bien décrit chez Proust. Mais ils voient tout cela très bien. Je dis bien, tout. Le voient, et même l'enregistrent avec un soin particulier. Ils n'ont guère besoin pour cela de banques de données, leur propre cerveau leur en tient lieu. Ils retiennent tout: noms, lieux, dates, etc. Et le jour venu...

1/11/2007

Tu veux faire quoi?

J'étais l'autre jour dans le train, dit l'Economiste. En fait c'était le soir. Il en est monté un à une station intermédiaire. Tout de suite il s'est mis à téléphoner, les pieds sur la banquette d'en face. Il parlait si fort que les conversations dans le wagon se sont très vite arrêtées. Toutes les conversations. De vrais braiments. Un couple s'est d'abord éclipsé, puis le reste du wagon. Tous sont passés dans le wagon d'à côté. Que pouvaient-ils faire d'autre, dit l'Avocate? Lui faire une remarque? Essaye un peu pour voir. On sait comment ça commence, on ne sait jamais comment ça finit. Ensuite, devant un tribunal, c'est toujours toi qui auras tort. Moi je paye mon billet, eux non, dit le Collégien. Tu m'expliques pourquoi? Volontiers, dit l'Avocate. Ca s'appelle le droit du plus fort. Ton prof te dira peut-être que ce n'est pas un vrai droit, à mon avis il se trompe: c'en est un tout à fait vrai, le principal même, peut-être. Ainsi, entre 40 et 44... J'en ai vraiment marre, dit l'Economiste, et quand je dis ça je le dis sérieusement. Encore une fois, tu veux faire quoi, dit l'Avocate: avoir ton nom dans le Journal? L'entendre revenir en boucle dans l'Emission (avec un commentaire approprié de l'Activiste)? Tu cherches quoi: que les flics, à l'impromptu, débarquent chez toi au petit matin? Te prennent tes empreintes génétiques? Non, laisse les choses se faire. Elles se feront très bien toutes seules. Le moment venu.

1/06/2007

Imagine les conséquences

A mon avis ils s'illusionnent, dit le Sceptique. Ils connaissent mal les nouvelles générations. Il y a vingt-cinq ans encore, peut-être, ç'aurait donné des résultats. Aujourd'hui j'ai des doutes. Si tu veux mon avis, c'est encore trop compliqué pour eux: ça leur passe au-dessus de la tête. Très au-dessus, même. Regarde un peu là-bas, de l'autre côté de la place. Oui, là-bas, tu m'as bien compris. Ces gens-là ou d'autres, n'importe lesquels. S'ils réussissent à déchiffrer le nom de la Cheffe, ce serait déjà bien. Comment faire plus simple encore, dit l'Auditrice? Tu peux toujours, dit le Sceptique. Ce n'est pas en soi un problème. A la limite, tu mobilises des psys, ou encore des spécialistes du fonctionnement du cerveau. Pour ce genre de choses, l'argent ne fait jamais défaut. Au besoin on fera une demande au Fonds national de politologie appliquée. Comment, tu ne connais pas le Fonds national de politologie appliquée? C'est eux, il y a une quinzaine d'années, qui avaient financé une recherche sur l'Epouvantail. Recherche est peut-être un grand mot. Mais, enfin, ça s'appelait comme ça. Un ouvrage en était même sorti, ils s'étaient mis à six pour l'écrire. Six, tu te rends compte. Sans compter le Ministre, qui s'était fendu d'une préface. Je proposerais cette fois qu'on porte l'effectif à vingt-cinq. Beaucoup de jeunes chercheurs, comme tu le sais, sont actuellement au chômage. On pourrait aussi, c'est juste une idée, réintroduire l'apprentissage de la lecture à l'école, dit l'Auditrice. Qu'en penses-tu? Ta suggestion est intéressante, dit le Sceptique. Elle mérite réflexion. Ca m'étonnerait quand même qu'ils la retiennent. Imagine les conséquences.

1/04/2007

En plus élémentaire

Tiens, dit l'Auditrice, le Journal se diversifie. Je parle du gratuit. Ca ressemble beaucoup au payant, sauf justement que c'est gratuit. Le problème est le suivant, dit l'Ethnologue. Comme tu le sais sans doute, les jeunes en âge de voter rencontrent aujourd'hui de grandes difficultés en lecture. Le Journal lui-même est devenu trop compliqué pour eux. Donc ils ne le lisent plus. Selon certaines enquêtes, ils seraient même de moins en moins nombreux à regarder la télévision. Néanmoins, comme je viens de le dire, ils votent, en sorte qu'on ne saurait complètement s'en désintéresser. On le voudrait bien, mais ce n'est pas possible. On ne saurait en prendre le risque. D'où l'idée du gratuit. Le concept en est simple. On y trouve la même propagande que dans le payant, mais en plus primitif encore. Prends le numéro d'aujourd'hui, par exemple. A première vue, ça ne sort pas trop de l'ordinaire: sexe, sport, people et compagnie. Tu remarqueras quand même qu'un nom revient à plusieurs reprises dans ce numéro: celui de notre Cheffe bien-aimée: en pages 1 et 2 (des jeunes des quartiers lui demandent de bien vouloir leur accorder son soutien pour la construction d'un terrain de foot), et à nouveau en page 13 (la Cheffe a maintenant sa plaque de chocolat personnelle, un emballage spécial à son nom). Les jeunes, le foot, le chocolat, le tout associé au nom de la Cheffe, c'est ça le gratuit. Tu répètes l'exercice une dizaine de fois, et ça finit par s'imprimer dans leur tête (ou ce qu'on désigne de ce nom). Petit rappel, au cas où tu l'aurais oublié: les élections ont lieu cette année.

1/01/2007

Au bout d'une corde

A Nuremberg, dit l'Etudiante, les vainqueurs de la Deuxième Guerre mondiale pendirent un certain nombre de dignitaires nazis, des gens coupables de crimes de guerre et contre l'humanité (1). Dis-moi juste, que se serait-il passé si Truman, Churchill et Staline avaient eu à répondre de leurs propres crimes, bien réels eux aussi, devant un tribunal international, pas celui-là, bien sûr, mais un autre, imaginaire peut-être, jugeant en équité? Crois-tu que cela se serait tellement bien passé pour eux? Comme tu le relèves toi-même, dit l'Avocate, de telles juridictions sont imaginaires. Cela n'existe pas, et n'a jamais existé. Ou alors cite m'en une: une seule. Saddam n'était assurément pas un saint, dit l'Etudiante. Je ne le défends pas. Cela étant, personne n'est encore venu demander de comptes aux gens d'en face, leur en demander pour les crimes en grand nombre dont eux-mêmes se sont rendus coupables au cours de cette guerre, l'utilisation d'armes à uranium appauvri par exemple. Pense aussi au blocus irakien des années 90, plus de deux millions de victimes, dont un million d'enfants. Ou encore, en 1999, à la guerre de Serbie. Malheur au vaincu, dit l'Avocate. Je me réjouis du jour où l'on verra un président des Etats-Unis se balancer au bout d'une corde, dit l'Etudiante. Vraiment je me réjouis. Patience, dit l'Avocate.

(1) Publié une première fois le 1er Janvier 2007.