1/23/2012

Compare

On peut poser le problème autrement encore, dit l'Ethnologue. Je m'inspire ici d'une remarque de Georges Corm (Le nouveau gouvernement du monde, La Découverte, 2010, p. 283). Compare ce qu'ils gagnent avec ce que gagnent les gens exécutant, comme le dit cet auteur, "les tâches les plus essentielles à la survie des sociétés (ainsi le personnel infirmier, le personnel enseignant, les médecins généralistes ou les services d'aide à domicile, ou même, dans un autre registre, le balayage des rues, les travaux manuels et pénibles du bâtiment, les travaux de saisie informatique, etc.)". Compare, et ensuite dis-moi ce que tu penses d'un régime qui tolère de tels écarts, et non seulement les tolère mais les laisse se creuser toujours davantage, comme c'est aujourd'hui le cas. D'un tel régime et de son échelle de valeurs. A ton avis?

1/22/2012

Les regarde

Regarde ce qu'ils ont fait, dit l'Auditrice: ils ont retourné la statue de Rousseau. Oui, celle installée au milieu du Rhône, sur l'ancienne île des Barques. Jusqu'ici, Rousseau leur tournait le dos, il regardait vers le lac. Maintenant il regarde vers la ville. Ils ont certainement lu la Lettre à d'Alembert, dit le Double: "Jean-Jacques, aime ton pays"*. Aime ton pays, peut-être, dit l'Etudiante. Mais surtout respecte les autorités. C'est ça, d'abord, qui les intéresse. Tiens, ça me donne une idée, dit l'Auditrice. Et si la statue se mettait à parler? Comme tu le sais, il y a des précédents: chez Mozart, par exemple, la statue du commandeur. Ce que Rousseau dirait s'il vivait aujourd'hui, tout le monde le sait, dit l'Etudiante. En particulier les dirigeants. Tout le monde le sait, mais ce serait peut-être mieux encore s'il le disait, dit l'Auditrice. La statue ne parle peut-être pas, mais elle les regarde, dit l'Ethnologue. A ton avis, supporteront-ils longtemps son regard? Ou je me trompe fort, ou avant longtemps ils retourneront à nouveau la statue.

*Rousseau rapporte une phrase que lui aurait dite son père (Oeuvres complètes, Pléiade, t. V, p. 124).




1/20/2012

Rousseau

Le Journal consacre une page entière aux prochaines commémorations du tricentenaire de la naissance de Rousseau, dit l'Auditrice. Au programme, entre autres, un "banquet républicain". La question que je me pose, c'est comment ils vont faire: comment s'y prendront-ils pour organiser un banquet républicain? Il faudrait pour cela qu'il y ait des républicains. Eux-mêmes, par exemple, aurais-tu idée de les qualifier de républicains? Avec le genre de vie qu'ils mènent? Les salaires qu'ils s'octroient? L'amour réellement hors du commun qu'ils portent à leurs propres concitoyens? A la chose publique? Justement, dit l'Etudiante. S'ils mettent ça sur pied, c'est pour qu'on se l'imagine: qu'on croie que ce sont d'authentiques républicains. Ils y tiennent beaucoup. J'ai bien compris, dit l'Auditrice. Mais est-ce que les gens vont marcher? En Corée du Nord, dit l'Etudiante, les gens pleurent quand on leur dit de pleurer. De grosses larmes, même, leur coulent le long des joues.

1/15/2012

En attente

Les dirigeants, bien évidemment, n'ont aucune envie de mettre fin à la crise, dit le Cuisinier. Elle leur est d'un bien trop grand profit. En même temps, ils sont conscients des risques qu'elle leur fait courir. C'est-à-dire, dit le Collégien? L'un des faits marquants de la dernière décennie est sans conteste la montée en puissance de la police, dit le Cuisinier. Les Etats-Unis mènent la marche, mais l'Europe ne se défend pas trop mal en ce domaine. En France, par exemple, on ne compte pas moins de 80 bases de données au sein de la police (Le Monde, 23 décembre 2011): c'est beaucoup, 80. Dont, soit dit en passant, près de la moitié (45 %) sont en attente encore de légalisation (car, tiens-toi bien, on les crée d'abord, ensuite seulement on les légalise). Moi, ça ne me dérange pas, dit la Poire. Je n'ai rien à me reprocher. Il faut élargir encore le problème, dit l'Ethnologue. Au-delà de la crise, tu as le fait que les dirigeants sont aujourd'hui confrontés à des situations qu'ils ne maîtrisent plus, alors même qu'ils en sont les premiers responsables. L'exemple de Fukushima est à cet égard emblématique. On pourrait aussi citer le déréglement climatique, les épidémies, les scandales sanitaires, l'... en ..., etc. C'est le syndrome de l'apprenti-sorcier. Quel rapport avec la police, dit le Collégien? Au moins, pendant ce temps, les gens se tiennent tranquilles, dit l'Ethnologue.