11/20/2015

Seule

L'ennemi prioritaire, ce seraient donc les "Joe" (1), dit l'Ecolière? Les "Joe", comme tu le sais, ne sont que des exécutants, dit l'Ethnologue. Ils font ce qu'on leur dit de faire. C'est le cas aussi des terroristes, dit l'Ecolière. C'est le cas aussi des terroristes, dit l'Ethnologue. En quoi, alors, les "Joe" se distinguent-ils des terroristes, dit l'Ecolière? Il n'y a aucune différence, dit l'Ethnologue. Passons maintenant aux amis, dit l'Ecolière. Qui sont nos amis? Tu n'a pas d'amis, dit l'Ethnologue. Je me corrige. Tu as peut-être des amis, c'est même probable, mais à ce stade au moins, tu ne peux pas le savoir, je veux dire: en être certaine. Et par conséquent non plus, tu ne peux pas savoir qui sont tes amis (s'il y en a; mais très probablement, encore une fois, il y en a). Tes ennemis, en revanche, oui. Les "Joe", par exemple, sont clairement tes ennemis. Leurs "petits chéris" aussi, bien sûr. Les terroristes, n'en parlons pas. Mais qui sont tes amis, non, tu ne peux pas le savoir. Pas maintenant en tout cas. Tu le sauras assurément un jour, mais plus tard. C'est  la guerre elle-même qui te l'apprendra. L'ennemi est ce qui fait qu'il y a la guerre, la guerre elle-même est ce qui fait qu'il y a des amis. Et en attendant, dit l'Ecolière? En attendant, tu seras seule, dit l'Ethnologue. Seule et sans amis. Tu ne pourras compter que sur toi-même. Il te faudra te débrouiller avec les moyens du bord. Prendre toi-même les décisions qui s'imposent.

(1) Voir "Conséquences", 6 septembre 2015.


11/17/2015

Climat

Au début de l'été 2015, un auteur évoquait l'installation en cours d'un "climat de guerre civile moléculaire"*, dit l'Etudiante. C'est le mot moléculaire qui me gêne. Avec ce qui vient de se passer, peut-on encore parler de guerre moléculaire? Schématiquement, on est en présence de deux guerres, dit le Colonel. La première, effectivement, mérite d'être dite "civile moléculaire". C'est un produit de l'immigration planétaire de masse, telle qu'elle s'est développée en Europe depuis une quarantaine d'années : phénomène voulu et encouragé par les dirigeants (qui l'ont instrumenté pour casser le corps social, le réduire en petits morceaux: en molécules, justement). Guerre moléculaire, mais aussi vaporeuse, stochastique, épousant les formes diverses et variées de la criminalité au quotidien. Mais elle peut aussi se cristalliser en émeutes urbaines, comme on l'a vu en France en 2005. L'autre guerre est la guerre civile mondiale**, guerre, jusqu'ici, centrée sur le Moyen-Orient, mais qui, aujourd'hui, s'est étendue à l'Europe, à l'initiative de l'EI. Chacun, en fait, sait très bien ce qui se cache derrière l'EI: un certain nombre d'Etats comme la Turquie du dictateur Erdogan, le Qatar et l'Arabie séoudite. L'Etat états-unien est également à la manoeuvre. La logistique mais aussi les moyens utilisés sont ceux des services spéciaux. Chacune de ces deux guerres embraye sur l'autre, sert de moteur à l'autre. Mais elles n'en sont pas moins distinctes l'une de l'autre. Certains djihadistes sont peut-être d'anciens "petits chéris", mais ce n'en serait pas moins une erreur de ne voir en eux que des "petits chéris". Les événements auxquels nous venons d'assister sont à interpréter sous cet angle.

* Bernard Wicht, "Note prospective de l'été 2015", theatrum-belli.org (juin 2015).
** Voir "S'applique bien", 12 octobre 2015.







11/15/2015

Se vérifie

Rien ne vient jamais de rien, dit le Cuisinier. On recueille aujourd'hui les fruits d'une certaine politique.  On pourrait aussi citer Mao, dit l'Auditrice: "La théorie se vérifie par la pratique". La théorie est claire, tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. A partir de là, il est normal qu'il y ait des morts. Vous croyez, dit la Poire? Et maintenant l'état d'urgence, dit l'Ethnologue. A votre avis, qui exactement les dirigeants ont-ils en ligne de mire, quand ils décrètent, comme ils le font, l'état d'urgence: les terroristes? Les gens craignent beaucoup les terroristes, dit l'Auditrice. Mais ils craignent aussi beaucoup la police (que ne craignent, en revanche, pas les terroristes). A mes yeux, les gens craignent encore davantage la police qu'ils ne craignent les terroristes, dit l'Etudiante. Mais je parle ici pour moi. Les gens savent que la police ne les protège plus aujourd'hui de rien, dit le Cuisinier. Mais ils savent aussi que la police a tous les pouvoirs. Ce n'est pas contradictoire, dit le Logicien. Pour combattre le terrorisme, nul besoin de l'état d'urgence, dit l'Ethnologue. Il suffirait de reprendre un peu le contrôle des frontières: et d'une. De s'occuper ensuite des "petits chéris". Et de deux. Mais de s'en occuper sérieusement (sans trop prêter attention, par exemple, aux éventuelles remontrances de la CEDH). Voilà, ce serait au moins un début. Mais en est-il seulement question? L'état d'urgence ne sert donc pas à combattre le terrorisme, il sert à autre chose. Comment ça, dit la Poire?