8/25/2014

Au lendemain

Je comprends bien leurs petits calculs, dit l'Auditrice: diviser pour régner, l'insécurité comme instrument de contrôle social, le grand remplacement pour accélérer l'émergence, en cours, d'une masse de producteurs-consommateurs interchangeables (donc aussi sous-payables), etc. Jusque là je comprends. Mais on est dans le court terme. Si un jour l'Europe devait ressembler à ce à quoi ils voudraient qu'elle ressemble (et au train où vont les choses, un jour c'est demain), quel pourrait être leur propre sort à eux: le leur propre et celui de leurs enfants? Croient-ils peut-être qu'en récompense de leurs bons et loyaux services, les ..., je ne dis même pas leur garantiraient la vie sauve, mais leur épargneraient une décapitation en direct ? Très peu de gens pensent au lendemain, dit l'Ethnologue. Les gens vivent dans le court, souvent même le très court terme. Dans le moment présent, en fait. C'est le cas aussi des dirigeants. L'économie fonctionne ainsi, la politique aussi. Tu t'interroges sur ces ordures, t'étonnes, non sans raison, de leur stupidité profonde, du zèle hors du commun qu'ils mettent à creuser leur propre tombe, etc. Or, symétriquement, se pose une autre question: pourquoi les gens ne se révoltent-ils pas? Rationnellement, me semble-t-il, c'est ce qu'ils devraient faire. Ils devraient même le faire assez vite, car aujourd'hui encore ils le peuvent. Ce ne sera pas toujours le cas. Qu'est-ce qu'ils attendent? L'image, il est vrai usée, du bétail qu'on mène à l'abattoir s'impose ici tout naturellement. Et encore, à ce qu'on raconte, certaines bêtes ne se laissent pas faire. Elles résistent.




8/15/2014

Mythe

Les Suisses viennent d'annuler une visite que devait leur faire le président du Parlement russe, dit le Collégien. Elle est belle, leur neutralité. La neutralité suisse est un mythe, dit le Colonel. On dit que la Suisse n'appartient pas à l'OTAN, or c'est inexact. En 1996, la Suisse a adhéré au Partenariat pour la paix de l'OTAN (PPP), une des branches importantes de l'OTAN (sa branche policière). Elle a donc un pied au moins dans l'OTAN: en réalité, je pense, les deux. Des responsables suisses participent régulièrement à des "réunions de travail" au quartier général de l'OTAN à Mons, en Belgique; ils effectuent des "stages de formation" aux Etats-Unis, etc. Si tu veux, je te fais un dessin. La collaboration avec les Américains est particulièrement étroite en matière d'espionnage électronique. Il y a une dizaine d'années déjà, Duncan Campbell décrivait la Suisse comme un "partenaire minoritaire" des Américains dans ce domaine*. Autrement dit, les Américains sous-traitaient aux Suisses un certains nombre de tâches dans le cadre de leur programme mondial de collecte généralisée et illégale de données personnelles. Or, nul ne l'ignore, ce programme, entre-temps, s'est encore intensifié. En Suisse comme ailleurs, la police secrète suit les gens sur Internet, intercepte leurs conversations téléphoniques, etc. Si tu penses sérieusement que les données ainsi collectées, en particulier celles concernant les citoyens suisses, ne sont pas transmises immédiatement et en temps réel aux Américains, je n'essayerai pas de te convaincre du contraire**.

* Cité par 24 Heures (Lausanne), 7 février 2001. Duncan Campbell a révélé à la fin des années 80 l'existence du réseau d'écoute international Echelon.
** Voir "Scrupuleusement", 29 novembre 2013.


8/06/2014

Deux coalitions

En gros, deux coalitions se font face, dit l'Ethnologue. La première est un axe qu'on pourrait qualifier d'américano-islamiste. Il s'articule sur les Etats-Unis et leurs alliés traditionnels au Proche et au Moyen-Orient: Turquie, monarchies pétrolières, etc. C'est une coalition en mouvement, elle veut faire bouger les lignes. Les princes-esclaves européens* jouent ici le rôle de force d'appoint. Ce ne sont pas des alliés, juste des pions sur l'échiquier. Demain ils disparaîtront**. En face, le mot coalition est peut-être impropre. Il n'y a pas de véritable coalition, tout au plus un ensemble de pays soucieux, comme la Russie, de préserver leur autonomie, quelque part aussi leur identité. La Russie est en première ligne, mais il faudrait aussi citer l'Inde, l'Iran, sans doute également la Chine, certains pays d'Amérique latine, etc. La question du terrorisme est à examiner dans ce contexte. Les Américains ne poursuivent pas les mêmes buts exactement que les djihadistes. D'une certaine manière, ils vont plus loin encore. C'est la formule de la tabula rasa. Voyez en quel état se trouve aujourd'hui l'Irak. Cela étant, ils n'en entretiennent pas moins avec eux des relations étroites. Dans le passé, ils leur ont souvent prêté main forte. Ils assurent leur logistique, leur livrent des armes, participent à des actions communes, etc. Les réseaux djihadistes sont principalement actifs sur un arc allant du Caucase à l'Afrique de l'Ouest (mais avec des foyers de présence également en Europe et en Extrême-Orient). L'Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL) en est l'émanation la plus récente. Si tu vois ce que je veux dire.

* Voir "Quelque part", 2 juillet 2013.
**Voir Alexandre del Valle, Islamisme et Etats-Unis, Une alliance contre l'Europe, L'Age d'Homme, 1997 (Préface du général Pierre-Marie Gallois).

8/05/2014

S'accélère

L'histoire est un long fleuve tranquille, dit le Cuisinier. Mais parfois elle s'accélère. Oui, je sais, c'est un cliché, on ne devrait pas s'autoriser ces facilités. C'est pourtant bien aujourd'hui ce qu'on constate. Elle s'accélère, et même, dirait-on, s'emballe. Beaucoup de choses, aussi, sortent de l'ombre, dit le Double. Par exemple, dit le Visiteur? Voyez, ces jours-ci, les nouvelles en provenance d'Irak, dit le Double. Les gens ne pourront plus dire désormais qu'ils ne savaient pas. Ne savaient pas quoi, dit le Visiteur? Ce qui les attend, dit le Double. A propos, dit l'Auditrice: on en est aujourd'hui à 93'000:  93'000 personnes ont débarqué sur les côtes italiennes depuis le début de l'année*. Quel rapport, dit la Poire? Aucun, dit l'Auditrice. Simple association d'idées. Et l'Ukraine, dit le Double: qui aurait dit il y a un quart de siècle que les Américains seraient aujourd'hui à Donetsk? Ils défendent la démocratie, dit le Métaphysicien.

* France Inter, 4 août 2014.