5/18/2014

On peut très bien

A l'instar de toutes les idéologies, le mondialisme fonctionne comme "logique de l'idée", dit l'Ethnologue. Ce fonctionnement a été décrit en détail par Hannah Arendt dans le treizième et dernier chapitre des Origines du totalitarisme. On part d'une idée donnée ou d'un certain nombre d'idées pour en déduire les conséquences, avant de passer aux conséquences des conséquences, puis aux conséquences même de ces dernières, etc. On ne sait pas toujours où cela mène, mais parfois assez loin. Parfois aussi la réalité se venge, ce qui contraint les dirigeants à faire appel à la police. Je résume, bien sûr. Le mondialisme est un ensemble complexe, il comprend quantité d'éléments disparates, parfois même contradictoires entre eux. La théorie du genre, entre autres, y occupe une place importante, mais elle coexiste avec l'idée suivant laquelle l'... est une grande civilisation, plus grande encore que la civilisation chrétienne; un modèle, bien sûr aussi, de tolérance, d'aménité, etc. Les raisons pour lesquelles les dirigeants favorisent, comme ils le font, l'… sont connues de tous, je n'y insiste pas*. L'ennui est que l'… n'a que peu de rapport avec la théorie du genre, si même il ne lui est pas complètement antinomique. Il en résulte un certain nombre de tensions, comme on l'a vu récemment en France. On ne peut pas tout vouloir et son contraire: et le patriarcat, et le matriarcat. A un moment donné il faut choisir. On pourrait aussi ne vouloir ni l'un ni l'autre, dit le Collégien: ni le patriarcat, ni le matriarcat. On peut très bien ne pas être mondialiste, dit l'Ethnologue.

* Voir "Soumission", 23 décembre 2009.







5/14/2014

Moins vite

Dans une semaine ou deux, ce sont les élections européennes, dit le Cuisinier. Imaginons un parti inscrivant à son programme les points suivants: en vrac, injonction aux troupes américaines d'avoir à quitter le sol européen dans un délai de trois mois au plus; dissolution de l'OTAN; sanctions financières à l'encontre de ceux des officiels américains ayant trempé dans le récent coup de force états-unien en Ukraine, assorties d'une interdiction d'entrée et de séjour; instauration d'un visa d'entrée pour tous les ressortissants américains désireux de voyager en Europe (on en exige bien un des Européens se rendant aux Etats-Unis); abandon du dollar dans les transactions bancaires et commerciales entre l'Europe et le reste du monde (on le remplacera par l'euro, éventuellement par la monnaie chinoise); dénonciation de l'ensemble des conventions fiscales conclues sous la contrainte avec les Etats-Unis (Fatca, etc.), conventions consacrant l'assujettissement des institutions financières européennes au prétendu droit américain; activation du principe de compétence universelle à l'encontre d'un certain nombre de responsables américains, auteurs présumés de crimes de guerre et/ou contre l'humanité en Irak, en Amérique latine, ou dans les Balkans; octroi du droit d'asile à Edward Snowden, avec possibilité pour lui, s'il le souhaite, de siéger en tant que membre d'honneur au Parlement européen. Moins vite, dit le Décéèriste. J'en suis à "monnaie chinoise". Pourriez-vous répéter, s'il vous plaît?



5/11/2014

Une autre

Le Colonel, il y a quelques semaines*, disait que le récent coup de force américain à Kiev pouvait être mis en parallèle avec l'épisode des fusées soviétiques à Cuba en 1962, dit l'Ethnologue. Dans les deux cas, en effet, on touche au "sanctuaire" de l'autre, ce qui, en théorie au moins, ne devrait pas se faire. Tu peux toucher à tout sauf à ça. Soit, par conséquent, les Américains ont perdu la tête, soit, comme beaucoup le pensent, ils veulent vraiment la guerre. C'est réellement ce qu'ils cherchent. Cela étant, la remarque du Colonel m'en inspire une autre. Jusqu'à la chute du mur de Berlin, le totalitarisme était à l'Est, la résistance au totalitarisme à l'Ouest. On pourrait se demander si la situation ne s'est pas aujourd'hui inversée. Le régime russe actuel ne saurait, certes, être qualifié de démocratique, personne ne le prétend. Mais ce n'est pas non plus un régime totalitaire. S'il fallait l'étiqueter, on parlerait de despotisme éclairé: Joseph II, Stolypine, etc. Quant au régime occidental, non seulement, c'est une évidence, il a cessé depuis belle lurette d'être démocratique, mais il s'est lui-même, au fil du temps, progressivement transformé en une espèce particulière, mais authentique, de totalitarisme. Les traits les plus souvent cités sont l'extension illimitée du contrôle social, la montée en puissance des services spéciaux, la militarisation de la police, les incarcérations abusives (souvent accompagnées de sévices, comme on l'a vu l'an dernier en France), les entraves au droit à la liberté d'expression, etc. Ce sont effectivement là des traits totalitaires. Mais il en est d'autres moins souvent cités. Regarde un peu, par exemple, la manière dont on traite aujourd'hui les gens au quotidien, les procédures de travail industrielles, la violence omniprésente, etc. Ce n'est pas nouveau, me diras-tu. Cela a toujours existé. Mais pas comme ça.

* Voir "A l'envers", 3 avril 2014.


5/04/2014

De quel côté

S'il se passait n'importe quoi, ceci ou cela, de quel côté te situerais-tu, dit le Collégien? Voyons, que je réfléchisse, dit l'Avocate. En fin de compte, quand même, du côté des dirigeants. Après tout, nous leur sommes redevables de beaucoup de choses. Ainsi, comme tu le vois, il n'y a chez nous ni misère, ni chômage de masse. Les anciennes classes moyennes ont, certes, été complètement éradiquées, c'est très regrettable. Mais elles étaient de toute manière condamnées. Mondialisation oblige. Que dire aussi de leurs efforts visant à protéger leurs propres populations contre certaines espèces prédatrices, le loup entre autres? D'aucuns prétendent que cela relève de la gesticulation, personnellement je m'inscris en faux. Ce devoir de protection leur incombant, ils le prennent très au sérieux. Tiens, l'autre jour encore… A leur crédit, également, le zèle réellement hors du commun qu'ils mettent à défendre les libertés personnelles, zèle d'autant plus méritoire que les technologies actuelles leur offrent nombre d'opportunités douteuses en la matière. Mais, respectueux comme ils le sont des lois existantes, ils se gardent bien de les exploiter. Enfin (last but not least), leur profond désintéressement. Voyez la modestie de leurs rémunérations, prébendes, etc. Bref, pour me résumer, quelle raison aurais-je aujourd'hui de rejoindre M. Poutine? Ce serait très mal de ma part, très mal et très ingrat. Contraire aussi à mes valeurs*. Je ne suis pas comme ça.

* France Info, 4 mai 2014, vers midi.


5/02/2014

Qualités

Il est très tentant de s'enfermer dans le tout ou rien, dit le Sceptique. On le voit par exemple en amour. Dans un premier temps, c'est l'extase, l'autre passe pour être le résumé même de tout ce qu'il y a de bien  sur terre. Puis c'est la désillusion, les gens se rendent compte que ce qu'ils imaginaient être la réalité n'est en fait que le produit de leurs fantasmes, de pures et simples projections, etc. Et donc ils décristallisent. Mais pas seulement. Beaucoup passent à l'extrême opposé, l'autre n'étant plus désormais, à les en croire, qu'un(e) sombre crétin(e), la pire des crapules, etc. On voit ça constamment, c'est très répétitif. Dans le meilleur des cas, l'amour se change en indifférence. On croise l'autre, mais sans seulement lui prêter attention, comme s'il n'existait pas. C'est très bien décrit dans Proust. On ne devrait pas être comme ça. Ce n'est pas parce que les gens ne ressemblent en rien à l'idée super-céleste qu'on s'en fait parfois qu'il faudrait, une fois surmonté le choc de la désillusion (inévitable), s'en désintéresser complètement, couper les ponts, etc. Ce serait dommage. Ces personnes n'ont peut-être pas toutes les qualités que nous leur prêtions, mais en ont peut-être d'autres que nous ne soupçonnions pas. A nous de les découvrir en continuant quand même à les voir, à les fréquenter, etc. Cela, certes, se fait en dehors des liens de l'amour, mais ce n'est pas plus mal. On est au moins là sur un terrain solide, celui de la réalité.