6/28/2015

Moi qui croyais

Vous avez entendu les déclarations de sa moitié, dit l'Auditrice: "On est des ... normaux, on fait le ... On a trois enfants, une vie de famille normale"*. Elle dit la vérité. Ce sont des … normaux. Complètement normaux. Ils ressemblent à tous les autres. Moi qui croyais au vivre-ensemble, dit le Cuisinier. On ne peut plus croire à rien. Je suis désespéré. Il te faut écouter Radio France, dit l'Etudiante. Ils t'aideront à retrouver la foi.

Le Figaro, 27-28 juin 2015, p. 3.


6/23/2015

Risque

Pourquoi la France ferme-t-elle sa frontière avec l'Italie, et pas la Suisse, dit le Collégien? D'abord la France ne ferme pas sa frontière, dit l'Ethnologue. Qu'est-ce que tu crois. Elle fait seulement semblant de la fermer. Elle le fait, parce qu'autrement il y aurait un risque: "l'insurrection qui vient". Ce risque est minime, pour autant il n'est pas inexistant. 1789 est dans toutes les têtes. Mais aussi 1830, 1848, 1871, 1944 (surtout). Elle le fait donc, mais sans plus. La Hongrie a voulu l'autre jour fermer sa frontière, elle a très vite été rappelée à l'ordre. En Suisse il en va différemment. Personne, en Suisse, ne s'est jamais révolté. Cela n'existe pas et n'a jamais existé. Sauf, peut-être, au tout début, au XIIIe siècle. Depuis lors, les gens ont appris à se tenir tranquilles. Ils se montrent même d'une grande docilité. Régulièrement on les amuse avec des référendums, cela les rend plus dociles encore. Le risque d'insurrection n'existe donc pas, et donc aussi le gouvernement se sent moins gêné aux entournures. Plus libre de ses mouvements. Il n'a pas besoin, comme en France, d'imaginer des mises en scène complexes, des dispositifs en trompe l'oeil, etc. Il lui arrive bien sûr de le faire (et même en permanence) mais davantage pour montrer qu'il sait le faire (et surtout qu'il fait comme tout le monde: chose importante à notre époque), que par besoin réel ou nécessité. En l'occurrence, il ne l'a pas fait. Est-ce que j'ai répondu à ta question?




6/22/2015

Evidence tranquille

J'ai cessé depuis longtemps d'acheter la presse, dit le Cuisinier. Acheter ces feuilles, c'est les subventionner. Mais elles traînent parfois dans le train, et donc je les ramasse. L'autre jour, c'était l'International New York Times*. L'éditorial s'intitulait: "Paris fails the migrants", autrement dit ne se conduit pas comme il le devrait avec les migrants. Le journal reproche en particulier à la France d'avoir fermé sa frontière avec l'Italie, imitant en cela l'Autriche, la Slovénie et la Suisse (mais là, le journal se trompe: la Suisse n'a rien fermé du tout). Ensuite viennent les ordres: "France must commit adequate ressources to deal with growing number of migrants (…)". Je souligne ici le must: la France doit. Paris doit faire ce que l'International New York Times lui dit de faire: rouvrir sa frontière, d'une part, mais aussi et surtout débloquer les montants appropriés (adequate) pour subvenir aux besoins des migrants. Le ton est celui de l'évidence tranquille, presque de la constatation. "Nous constatons que la France doit." L'article ne dit rien, bien sûr, des raisons pour lesquelles on assiste aujourd'hui à une migration des peuples vers l'Europe, ni de la manière dont tout cela a été organisé, canalisé, probablement aussi planifié. France must: soit la France obéit aux ordres, elle fait ce qu'on lui dit de faire, soit ... Tout le monde sait ce qui se passe aujourd'hui quand on n'obéit pas aux Américains.

* 18 juin 2015.



6/18/2015

D'ailleurs

D'ordinaire, quand on parle de déchristianisation, on pense aux églises qui se vident, dit l'Ethnologue. Il faut distinguer. Les églises qui se vident sont une chose, la déchristianisation une autre. Le christianisme peut, en fait, très bien se passer des églises (comme réciproquement, d'ailleurs, les églises du christianisme). J'entends, il est vrai, le mot christianisme au sens large. Il enveloppe la decency orwellienne, qui n'est elle-même que l'autre nom de la civilisation. Prenez par exemple le cinéma occidental. Il n'a évidemment plus rien aujourd'hui de chrétien. Mais plus rien non plus, à vrai dire, d'humain. C'est un cinéma, si l'on y réfléchit, complètement déshumanisé (comme l'est, d'ailleurs, la société occidentale elle-même, qu'il reflète, en ce sens, fidèlement). L'hyper-violence qui l'imprègne traduit bien cette déshumanisation. C'en est l'expression métaphorique. On s'en rend compte aussi lorsqu'on le compare au cinéma venu d'ailleurs. Je pense en particulier à deux films iraniens récemment sortis en salle: Taxi Téhéran* et Une femme iranienne**. Ces films disent des choses qu'aucun réalisateur occidental n'oserait plus dire aujourd'hui, ne serait-ce que par fausse honte. On en reste la bouche ouverte. Ils réinventent la civilisation. Les églises vont sans doute un jour disparaître, c'est ce que je pense. Mais le christianisme lui-même, me semble-t-il, non. L'esprit souffle où il veut.

* Film de Jafar Panahi, 2015.
** Film de Negar Azarbay Jani, 2015.