11/28/2019

Emprise

Après le délit de regard, le délit d'emprise (1), dit l'Ecolière. Quand cela s'arrêtera-t-il? L'objectif est assez clair, dit l'Avocate: c'est le contrôle total. Remarque, on pourrait aussi parler d'emprise. Cela tombe bien. Ces lois "attrape-tout" (Soljénitsyne) servent ici de moyen. Il en va à cet égard de l'emprise comme de l'incitation à la haine. Le flou dont s'enrobent de telles expressions autorise toutes les dérives. Les lois antiterroristes entrent également dans cette catégorie. N'importe qui, aujourd'hui, peut se les voir appliquer. C'est d'ailleurs ce qui se passe. Sauf que le contrôle total ne sera jamais assez total. Il lui manquera toujours un petit quelque chose pour l'être vraiment: assez total. En cause, la liberté humaine. D'où, en permanence, la nécessité de nouvelles lois, allant toujours plus loin dans tous les domaines. C'est une première réponse. Il convient ensuite de s'entendre sur ce qu'on appelle délit. Certains disent que si le terrorisme n'existait pas, il faudrait l'inventer. Cela vaut aussi pour le reste. Les gens croient qu'il y a d'abord ceci ou cela, ensuite les lois anti-ceci ou cela. C'est évidemment l'inverse. Il y a d'abord les lois en question, ensuite seulement ceci ou cela (au besoin, effectivement, qu'on invente). Le viol des foules (il est vrai, le plus souvent, consentantes) par la propagande politique n'est pas un vain mot. Ces techniques sont aujourd'hui bien rodées. Mieux encore: elles deviennent à elles-mêmes leur propre fin. Il n'y a donc aucune limite, dit l'Ecolière? Des limites, si, bien sûr, il en existe, dit l'Avocate. Mais c'est toi qui les poses. A tes propres risques.

(1) Le Figaro, 25 novembre 2019, p. 3.







11/16/2019

Une nouvelle ère

Ce qu'il y a de bien dans le Journal, c'est le soin qu'il met à donner la parole aux opposants, dit la Poire. J'entends aux vrais opposants, à ceux s'opposant réellement à la pensée unique (et non en apparence seulement, comme l'Avocate, l'Ethnologue, et surtout cette engeance, l'Ecolière, qui ne respecte rien). Eux n'ont en règle générale jamais droit à la parole. Le Journal s'est donc assigné pour mission de réparer cette injustice. C'est bien, le Journal. Merci le Journal. Titre de l'article: "Une nouvelle ère s'ouvre" (1). Cela réveille en moi de vieux souvenirs : Brejnev, l'avenir radieux, les lendemains qui chantent, etc. On croyait tout ça mort. Mais non, ces choses-là, en fait, ne meurent jamais. Elles meurent peut-être, mais très vite ensuite ressuscitent. En l'espèce, c'est une femme devenue homme qui prend la parole: une trans, autrement dit. L'"ancien régime patriarcal et colonial est en train de s'effondrer", articule-t-elle. C'est assez vrai comme remarque. En tout cas elle interpelle. Prenons le patriarcat. J'ai beau regarder autour de moi, je serais bien en peine de dire à quoi ressemblerait aujourd'hui le patriarcat. Il en subsiste encore peut-être quelques traces, mais en tant que système, effectivement, il a disparu. Au patriarcat, tout bonnement, s'est substitué le matriarcat. Moi je ne suis pas contre. Et même ça s'étale. On pourrait en dire autant du régime colonial. Lui aussi a disparu. Certains disent même qu'il se serait inversé. Je ne sais si une nouvelle ère s'ouvre ou non, mais pas mal de gens en tout cas le pensent. Et c'est ce qui compte.

(1) Le Temps, 14 novembre 2019, p. 21.

11/14/2019

Les deux choses

Certains disent que si le terrorisme n'existait pas, il faudrait l'inventer, dit l'Ethnologue. On pense évidemment aux lois antiterroristes. Le terrorisme, cette divine surprise. Et la crise climatique? Elle existe, on ne dira pas ici le contraire. Mais c'est un bon prétexte aussi pour faire avaler aux gens toutes sortes de médecines qu'on aurait peine, autrement, à leur faire avaler: de nouvelles taxes, par exemple. Les deux choses sont vraies: elle existe, d'une part, et c'est un bon prétexte de l'autre. On pourrait aussi parler des partis écologistes. A nous les places. Après, l'a-t-on inventée? Inventée, peut-être pas. Mais que fait-on pour la combattre? De sérieux, j'entends? Remarquez, on aurait intérêt. Tous les clignotants sont au rouge. Sauf qu'on n'en prend pas tellement le chemin. Jamais on n'a consommé autant de pétrole qu'aujourd'hui. Et la demande ne cesse de croître (au mépris, soit dit en passant, des engagements interétatiques: Kyoto, Paris, etc.). Bref, ce qui intéresse d'abord et avant tout le pouvoir, c'est le pouvoir. Le pouvoir c'est la fin, le reste le moyen. Qui croit un seul instant que le régime actuel combat le terrorisme? Il dit qu'il le combat. Comme il dit qu'il combat le réchauffement climatique. Ce sont de grands discours, en veux-tu, en voilà. Et de toute manière, pourquoi le combattrait-il? De nombreux Etats, et non des moindres, lui apportent aujourd'hui un soutien actif (à peine dissimulé, d'ailleurs). Irait-on jusqu'à dire qu'ils ne savent ce qu'ils font?



11/03/2019

Pianotaient

Une fois de plus, tous les trains avaient été supprimés, dit le Perdreau. Tous sauf un, archibondé. Nous étions donc debout les uns sur les autres, un peu comme dans le bus aux heures de pointe. Certains, même, assis par terre. A un moment donné, le train s'est arrêté, on était en rase campagne. Les minutes passent, d'abord 5, puis 10. La clim faisait se qu'elle pouvait, mais l'air se raréfiait. Portes verrouillées, comme il se doit. Pour sortir, il aurait fallu casser les vitres. Au bout de 15 minutes, l'Ecolière a actionné le système d'alarme ("tout abus sera puni"). Immédiatement les écrans intérieurs se sont animés: "obéissez aux ordres", etc. Une trentaine de secondes plus tard, le train redémarrait. C'était peut-être un test, je ne sais pas. Il faudrait que je me renseigne. J'ai un peu regardé autour de moi. Les gens pianotaient sur leur smartphone, l'air absent. Surtout pas d'histoires, n'est-ce pas. Et puis, mêlons-nous de ce qui nous regarde. Certains parleront de servitude volontaire: volontaire me semble ici de trop. Parlons plutôt d'apathie. Les gens sont aujourd'hui prêts à tout accepter, voilà ce que j'ai compris. Ils ont aussi très peur de la police. Mais ça, on le savait déjà. Ils se contentent donc de subir. C'est une petite histoire, mais emblématique. Une métonymie, dirions-nous. Elle se répète à quantité d'autres endroits aujourd'hui, mais en plus grand. L'Ecolière, elle aussi, est emblématique. C'est le grain de sable qui fait s'enrayer la machine. On pense à Assange. Il y aura toujours des gens comme ça. J'ai rédigé une note confidentielle à ce sujet, mais en changeant les noms.