12/22/2010

Porosité

Ce sont donc des flics, dit l'Etudiante? Quelques-uns, dit l'Ethnologue. D'autres de simples auxiliaires. Tu as aussi beaucoup d'anciens flics. Certaines habitudes leur sont restées. Par exemple, dit l'Etudiante? Prenons l'ouvrage en question, dit l'Ethnologue: comme tu le vois, ce sont des nomenclatures, des listes de noms. C'est ce qu'on t'apprend à faire dans un commissariat. On est donc fondé à penser que leurs premières productions intellectuelles, je n'irais quand même pas jusqu'à dire scientifiques, ont probablement été des rapports de police. Ensuite ils se sont réorientés. Et donc, dit l'Etudiante? C'est cette porosité même des domaines entre la prétendue "recherche", telle qu'elle se pratique aujourd'hui à certains endroits, et les services de police qui interpelle, dit l'Ethnologue. On n'avait plus vu cela depuis l'époque ...

12/20/2010

Pour ce qu'ils sont

Regarde un peu cette bouillie, dit l'Etudiante. Un bon quart de leurs informations sont fausses, quant aux autres, celles qu'on pourrait éventuellement considérer comme vraies, elles proviennent de fichiers officiels. Normalement de telles informations sont confidentielles, seule la police y a accès. Ils ont donc bénéficié d'autorisations spéciales. En jargon spécialisé, cela porte un nom: la "tricoche". Comme tu le remarques, ce sont des écrits de commande, dit l'Ethnologue: tous les dix ou quinze ans, ils en sortent un de ce genre. Il faut les prendre pour ce qu'ils sont: une simple production du pouvoir. Autre chose encore, dit l'Etudiante. Ils égrènent un certain nombre de noms, des gens, bien souvent, qui ont écrit des textes (livres, articles, etc.). Or, jamais ils ne se réfèrent aux textes eux-mêmes. Leurs seules citations sont des citations de commentateurs. Ces derniers font souvent d'ailleurs de même: ils citent d'autres commentateurs. Lesquels, de leur côté, etc. Si on les paye, ce n'est évidemment pas pour qu'ils lisent les textes, dit l'Ethnologue, mais bien pour qu'ils ne les lisent pas.

12/03/2010

Quelqu'un

Il devrait lire L'insurrection qui vient, dit l'Avocate: "Voir la gueule de ceux qui sont quelqu'un dans cette société peut aider à comprendre la joie de n'y être personne". C'est page 103. Il n'a pas le temps de lire, dit l'Ethnologue. Colloques, audits, commissions, il ne touche plus terre. Effectivement c'est quelqu'un, dit l'Avocate. Mais il ne le sait pas, dit l'Ethnologue. Et la police, elle, le sait-elle, dit l'Etudiante? Oui bien sûr, dit l'Ethnologue. Eux ont le temps de lire. Mais ce qu'elle sait, elle ne le lui dit pas. Pourquoi donc, dit l'Etudiante? Le Politologue leur est trop utile, dit l'Ethnologue. Autant donc qu'il ne sache pas. Et l'insurrection, dit le Collégien: c'est pour quand?

12/02/2010

Tragique

Dites ce que vous voudrez, de toute façon cela n'a aucune importance, dit le Politologue: vos propos se perdent dans le vide, ils n'intéressent, en fait, personne. Les journalistes vous ignorent, votre nom même ne leur dit rien. Il est vrai que vous ne leur téléphonez jamais. La dernière fois qu'on vous a invité à l'Emission, c'était il y a trente ans. Vos ouvrages sont absents des rayons des librairies. On les trouve, il est vrai, dans les bibliothèques publiques, mais ils dorment dans la réserve. Vous pensez peut-être que vous êtes sur une liste noire? La vérité est plus triste encore: vous ne figurez sur aucune liste: ni noire, ni rose, ni rouge. Bref, vous n'êtes rien, personne ne sait seulement que vous existez. Si, peut-être, la police: elle, assurément, le sait. Et votre ex-employeur. C'est vrai, dit l'Ethnologue, ma situation est tragique. Il faut absolument que je me réforme.