10/31/2007

Autodéfense

Je viens de voir le dernier film de Neil Jordan, The Brave One, dit l'Etudiante. L'héroïne (Jodie Foster) règle ses comptes avec un certain nombre de raclures. C'est compliqué, ces questions. Autant que possible il faut être du côté de la vie et non de la mort. Mais voilà, qu'est-ce que ça veut dire, aujourd'hui, être du côté de la vie? A mon sens, cette fille n'est pas du côté de la mort mais de la vie. Je te choque peut-être en disant cela? L'autodéfense est une réponse possible à l'insécurité, dit l'Auteur. Non naturellement la seule, il y en a d'autres. Mais la dernière. Tu y a recours après avoir essayé toutes les autres. De même, avant de te faire justice toi-même, tu commences par suivre les procédures légales habituelles. Tu en appelles à la police et à la justice. Au besoin, même, tu prends un avocat. Ce n'est qu'en tout dernier recours, après t'être rendu compte, justement, que cela ne servait à rien d'en appeler, comme tu l'avais fait, à la police et à la justice, que tu en viens à prendre toi-même les choses en main (si tu le fais). Si cela me choque? Pourquoi est-ce que cela me choquerait? C'est conforme au droit naturel. Relis le Leviathan. Si cette fille se trouve du côté de la vie? Bien sûr qu'elle est du côté de la vie. Simplement, il faut élargir le problème. Ton film fait référence à un aspect particulier de l'insécurité, celle liée à la criminalité urbaine (ce que les dirigeants appellent les incivilités). Mais l'insécurité ne se limite pas aujourd'hui aux seules incivilités. Parallèlement aussi il te faut prendre en compte une autre menace, celle liée aux activités même des dirigeants: vidéos-caméras à tous les coins de rue, tests ADN pour un oui ou pour un non, constitution de méga-fichiers regroupant des dizaines de millions de personnes, instrumentation du terrorisme à des fins de contrôle social généralisé, arrestations abusives, violences policières, etc. Cette deuxième forme d'insécurité n'est pas moins préoccupante que la précédente. Peut-être même davantage encore. Ces choses-là, elles aussi, mériteraient qu'on leur consacre un film.

10/27/2007

Autocritique

Comme c'était à prévoir, l'Usurpateur vient de remporter les élections, dit le Sceptique. Ca n'a naturellement aucune importance, tout reste évidemment sous contrôle. Mais les dirigeants n'en emplissent pas moins l'air de leurs cris et gémissements. On croirait qu'on les égorge. En soi déjà ça fait plaisir. Il faudrait répéter plus souvent l'exercice. Dans le même contexte, dit l'Auditrice, le Secrétaire à l'Emission a présenté hier son autocritique. L'Emission, a-t-il reconnu, a beaucoup trop parlé de l'Usurpateur ces dernières semaines. Elle lui a également beaucoup trop souvent donné la parole. Beaucoup moins assurément qu'aux autres, mais c'était encore trop. On ne l'a pas non plus assez interrompu quand il prenait la parole: on ne s'est, certes, pas fait faute de l'interrompre, mais c'était trop peu encore. Pas assez souvent. Le Secrétaire s'est donc excusé auprès de la population. Il admet ses erreurs, et a promis de faire en sorte qu'elles ne se reproduisent plus. Sans remettre en cause la liberté de l'information, base de notre démocratie, il a fait part de son intention de renforcer encore à l'avenir les mécanismes d'autocontrôle d'ores et déjà en vigueur au sein de l'institution. L'Activiste a été chargé d'une mission spéciale dans ce domaine. Il sera assisté d'une commission d'Ethique et de Déontologie incluant le Politologue, le Génie modifié, Très-dans-la-ligne, Très-dans-le-vent et Suivons-le-mouvement. En outre, des observateurs de l'ONU, de l'OTAN et de l'OSCE lui feront régulièrement part de leurs remarques et recommandations. Je suis loin d'être toujours d'accord avec l'Usurpateur, dit l'Ethnologue. En bien des domaines il se trompe (l'écologie par exemple). Ce qui est sûr, en revanche, c'est qu'il les gêne.

10/11/2007

Pas tout de suite, peut-être

Le Politologue s'est exprimé l'autre jour à l'Emission, dit l'Auditrice. Il a dit que l'Usurpateur était en train de construire un parti totalitaire. En conséquence, il a appelé les républicains à serrer les rangs. Effectivement, dit l'Avocate, ça rappelle les années 30. Sauf, évidemment, que ce n'est pas l'Usurpateur qui est en train de construire un parti totalitaire, mais bien les gens d'en face: le Politologue et ses copains, entre autres. On pourrait même pousser plus loin encore la comparaison. Tu as vu ce qui s'est passé l'autre jour à S...? Le centre-ville mis à sac? Les flics au loin, pianotant sur leurs portables? Les gens sont maintenant habitués à ces choses, ils les considèrent comme normales. Moi non. Les "échelons de protection" (Schutzstaffel), si je puis me permettre, eh bien, les voilà. Encore un ou deux réglages, quelques petites mises au point, et ils deviendront opérationnels. Car il y aura des camps, dit l'Auditrice? Lorsqu'il y a des gardiens de camps, forcément aussi il y a des camps, dit l'Avocate. Pas tout de suite, peut-être. Au bout d'un certain temps seulement. Il faut, encore une fois, qu'ils terminent leur formation. Ca prendra encore quelques mois. Mais oui, bien sûr. Bien sûr qu'il y aura des camps. Et pire encore peut-être. Ils en ont tout à fait le profil. Sans compter les autres, ceux qui attendent encore leur heure. Parce qu'il y a aussi les autres. Tous les autres. Les dirigeants laisseront-ils les choses se faire, demanda l'Auditrice? Tu poses mal le problème, dit l'Avocate. Ils ne laissent pas les choses se faire, ils les font. N'ont-ils pas déjà tous les pouvoirs, dit l'Auditrice? Ca ne leur suffit pas encore, dit l'Ethnologue. Ils en veulent davantage encore.

10/07/2007

Paradoxe

Autrefois, dit le Double, les églises étaient pleines, mais on s'y ennuyait ferme. Aujourd'hui, c'est presque le contraire. On s'y ennuie assurément moins qu'autrefois, mais elles sont vides. L'ennui est une notion subjective, dit le Sceptique. Ce que tu considères, toi, comme ennuyeux, ne l'est pas forcément aux yeux des autres. Et inversement. Il faut aussi tenir compte des effets d'entraînement, dit l'Ethnologue. Si les églises aujourd'hui sont vides, c'est pour les mêmes raisons exactement qu'autrefois elles étaient pleines. Les gens n'aiment pas trop se singulariser, ils suivent le courant dominant. Par là même aussi ils contribuent à le renforcer. Ils trouveraient aujourd'hui bizarre d'aller à l'église, alors que personne n'y va. Et donc, effectivement, personne n'y va. C'est comme ça. Mais il y a des exceptions, dit le Double. Certains continuent d'aller à l'église, ou encore, moi par exemple, y vont, alors qu'auparavant ils n'y allaient pas. Sur 100 personnes, il y en a toujours 5 qui ne font pas comme tout le monde, dit l'Ethnologue. Les autres font comme tout le monde. Comme tout le monde, à l'exception, justement, des 5 en question. Soit, dit le Double, mais le paradoxe reste entier. Le christianisme, aujourd'hui, se porte plutôt bien. Mieux en tout cas, me semble-t-il, qu'il y a 100, 200 ou 500 ans. Les études bibliques se sont largement renouvelées ces dernières décennies. On connaît incomparablement mieux la Bible que ce n'était le cas autrefois. La pensée théologique elle-même s'est affranchie d'un certain nombre de carcans. Elle est devenue moins répétitive. Plus fondamentalement encore, on s'est remis à l'écoute du texte. Et le texte lui-même est redevenu parlant. Parlant, et par conséquent aussi vivant. On s'attendrait donc à ce que les églises soient combles. Or il n'en est rien. Tu confonds le destin du christianisme avec celui de la chrétienté, dit l'Auteur. Ces deux destins évoluent en sens inverse l'un de l'autre. Quand le christianisme va bien, la chrétienté va mal, et vice-versa. Effectivement, comme tu le dis, le christianisme se porte plutôt bien aujourd'hui. Il est donc normal que les églises se vident.

10/01/2007

Certaines traces

Tout est prétexte à diversion, dit le Double. Tantôt c'est du rock, tantôt une création musicale contemporaine, tantôt encore une conférence de Très-dans-le-vent, etc. Ils ne savent plus quoi au juste inventer pour se rendre intéressants. Ils communiquent, dit l'Auteur. C'est très important à notre époque, de communiquer. Avec qui communiquent-ils, demanda le Double? Avec eux-mêmes, dit l'Auteur. Dommage, dit le Double, car quand ils se recentrent sur l'Evangile, ils sont plutôt bons. Meilleurs, en tout état de cause, qu'ils ne l'étaient à une certaine époque. Personnellement, en tout cas, j'ai du plaisir à me déplacer pour aller les entendre. Pourquoi ne se limitent-ils pas à ce qu'ils savent faire? Pose leur la question, dit l'Auteur. De plus, dit le Double, ils ne brillent pas particulièrement par leur amabilité. Au culte, le dimanche, c'est à peine s'ils te disent bonjour. N'essaye pas non plus de les contacter sur Internet. Le Sceptique, comme tu le sais, l'a fait, il n'a jamais reçu de réponse. C'est une ex-Eglise d'Etat, dit l'Auteur. Autrement dit, ils ont longtemps été associés au pouvoir. C'était même une branche importante du pouvoir. Leurs ministres comptaient au nombre des notables. Cette époque est aujourd'hui révolue, mais il en subsiste certaines traces. Fais comme moi, inscris-toi dans une paroisse parisienne. Eux, là-bas, n'ont jamais été associés au pouvoir.

Les forces profondes

L'Usurpateur leur fait de l'ombre, dit l'Avocate. Lui, tout simplement, a un bilan, alors qu'eux n'en ont aucun. Evidemment c'est dur à avaler. D'où leur haine à son égard, haine inextinguible, comme tu le constates. Certains, même, en bégayent. Et ça se terminera comment, demanda le Collégien? Par un pogrom, je pense, dit l'Avocate. Tu veux que je t'explique ce qu'est un pogrom? Un pogrom est une manifestation d'unanimisme. C'est très ludique comme démarche. Ensuite, demanda le Collégien? Ensuite ils se partageront les dépouilles, dit l'Avocate. Ca donnera lieu à des disputes. C'est tout, demanda le Collégien? Non, bien sûr, dit l'Avocate. Le soir même, le Politologue interviendra à l'Emission. Il dira que des forces profondes étaient à l'oeuvre. Il dessinera aussi un parallèle avec le passé. Le Génie modifié déclarera de son côté que ce n'est pas à la nature de commander à l'homme mais bien à l'homme de commander à la nature. Quant à la Cheffe, elle s'offrira un nouveau tour du monde. Il y a des tas d'endroits qu'elle ne connaît pas encore: les deux pôles par exemple. Elle expliquera qu'elle a besoin de se documenter sur le changement climatique. Elle veut se rendre compte sur place. Et comme elle privilégie les voyages en groupes, elle invitera quelques copains-copines.