12/31/2011

Cronenberg

Je suis allé voir "A Dangerous Method", dit l'Ethnologue. Il y est question du conflit entre Jung et Freud, qui marqua les débuts de la psychanalyse. Les personnages parlent beaucoup entre eux, leurs discussions sont souvent intéressantes. C'est de la bonne vulgarisation. Cronenberg, le réalisateur, penche plutôt du côté de Freud, mais il n'est pas positivement hostile à Jung. Il se contente d'ironiser un peu à son propos, juste un peu. C'est le registre analytique, celui de la neutralité bienveillante. On aime ou on n'aime pas, moi ça me plaît plutôt. Le conflit Freud-Jung a bien évidemment une dimension oedipienne (Freud jouant le rôle du père). Mais l'accent est surtout mis ici sur la portée intellectuelle de cette dispute. Alors que Freud, en bon positiviste, assigne des limites strictes à la science, veillant en particulier à en écarter tout ce qui aurait trait à la mystique et à la religion, Jung, au contraire, cherche à jeter un pont entre les deux domaines. Il ne partage pas en particulier l'opinion de Freud selon laquelle la théorie sexuelle épuiserait les problèmes de l'âme humaine. Le débat, aujourd'hui encore, n'est pas clos. Le film baigne dans une douce lumière d'été, avec en fond de décor les vagues bleues du lac de Zurich.





de Sandor Ferenczi,

12/17/2011

Aucune victime

Je vous donne les dernières nouvelles, dit l'Etudiante. Selon un spécialiste, 400 meutes de loups pourraient bientôt trouver place sur le territoire allemand (Le Monde, 10 décembre 2011). Vous rendez-vous compte: 400 meutes! Cela étant, il faut bien l'admettre, aucune victime n'est encore à déplorer, dit le Double. C'est ce que tu crois, dit l'Ethnologue. Parce que, d'après toi, il y aurait déjà eu des victimes, dit le Double? Je n'en sais rien, dit l'Ethnologue. En revanche, ce que je sais, c'est que s'il y en avait eu, je ne le saurais pas. Ni toi non plus, d'ailleurs. L'information aurait été censurée. Il faut bien voir les problèmes, dit le Colonel. On évoquait ici même, il y a quelques mois*, leurs ballets d'hélicoptères: ces loups d'élevage qu'ils lâchent assez régulièrement dans la nature, comme tout le monde le sait maintenant. Dans quel but? L'écologie n'est bien évidemment chez eux qu'un prétexte. Leur véritable objectif est politique. A un moment donné, je pense, ils en viendront à interdire l'accès de certaines zones: forêts, montagnes, etc. Les gens ne pourront plus sortir des villes, à la limite, même, de chez eux. C'est ça l'objectif.

* Voir "Kilomètres", 4 juillet 2011.


12/05/2011

Les mieux classés

Et les gardiens de camp, dit le Visiteur? Il ne faudrait quand même pas les oublier, ces gens-là. Un grand avenir les attend. Je ne les oublie pas, dit l'Auteur. Sauf qu'il est encore trop tôt pour en parler. Ils sont en formation. Où donc, dit le Visiteur? Un peu partout, dit l'Auteur: dans la rue, le RER, certaines zones prioritaires, en prison, etc. Tout est axé sur la pratique, on a renoncé aux cours ex cathedra. Et les évaluations, dit le Visiteur: comment vous y prenez-vous? On leur fait passer des tests, dit l'Auteur: naturellement ils ne s'en rendent pas compte. C'est mieux comme ça. Pourquoi donc, dit le Visiteur? Parce qu'autrement, on peut le penser, ils manqueraient de naturel, dit l'Auteur. Ils prendraient, certains diraient la pose. Avec ce système,  non: ils se révèlent réellement tels qu'ils sont. On veille en revanche à créer un climat propice à leur épanouissement (par le développement de l'analphabétisme de masse, par exemple, ou encore de certaines formes de sous-culture). On tient aussi beaucoup à ce qu'ils puissent donner libre cours à leur créativité. Tout ce qu'ils ont envie de faire, ils le font. Ensuite, dit le Visiteur? Ensuite, c'est comme à l'ENA, dit l'Auteur: les mieux classés pourront choisir leur corps d'affectation.

12/01/2011

Très floue

Traditionnellement on distingue l'armée de la police, dit l'Auteur. Mais la frontière est aujourd'hui très floue. D'un point de vue fonctionnel, l'armée et la police ne sont que les deux branches d'un seul et même complexe, le complexe sécuritaire, complexe incluant en lui les forces armées, certes, mais aussi les personnels en charge de la sécurité intérieure: policiers, gendarmes, espions, contre-espions, police administrative, environnementale, etc. Quantité de gens, donc. On est au-delà aussi de la dualité public-privé. Si beaucoup de ces personnels, policiers ou militaires, appartiennent à la fonction publique, d'autres, en revanche, tout aussi nombreux d'ailleurs (sinon même davantage), travaillent pour des entreprises de sécurité privée, des sociétés de gardiennage, etc. Mais les donneurs d'ordre restent les mêmes. Contrairement à ce qu'on entend dire parfois, le monopole de la violence physique légitime (Max Weber) n'est donc en rien remis en cause. Il s'est même plutôt renforcé. Un mot encore. Quand on dit que l'armée et la police ont aujourd'hui fusionné, cela signifie en réalité que la fonction militaire s'est rabattue sur la fonction policière. Il n'y a plus aujourd'hui, comme vous le savez, d'ennemi extérieur. Il a été remplacé par l'ennemi intérieur. L'armée apparaît ainsi de plus en plus comme un simple appendice de la police. Les états-majors se recentrent sur le quadrillage des villes, la "guerre contre le terrorisme", la participation, sous supervision américaine, à de soi-disant opérations de "maintien de la paix", les "catastrophes naturelles", la virologie sur Internet, etc. Penser aujourd'hui la guerre, c'est penser la guerre civile.