8/23/2013

Branche morte

A quoi bon une armée si elle ne sert pas à défendre les frontières, dit le Collégien? C'est une branche morte, autant s'en débarrasser*. Si ce qu'on attend d'une armée est qu'elle défende les frontières, évidemment on risque d'être déçu, dit le Colonel. Les armées ne sont plus aujourd'hui faites pour défendre les frontières. Elles ont au contraire pour consigne stricte de ne pas les défendre**. Les frontières doivent rester ouvertes. Au besoin même ils tirent sur ceux qui voudraient les défendre. C'est bien ce que je dis, dit le Collégien. Sauf que cela n'épuise pas le débat, dit le Colonel. Il est plus complexe. Oublions un instant la protection des frontières. Personne, encore une fois, n'imagine un seul instant que l'armée serve à défendre les frontières. Pour autant, ce serait une erreur de lui dénier toute utilité. Toute utilité, non. En l'occurrence, comme tu le sais, on est en présence d'un système de milice. En d'autres termes, l'Etat offre à tous les citoyens, hommes et femmes, la possibilité, une fois au moins au cours de leur vie, d'apprendre à se servir d'une arme. Par les temps qui courent, cela peut avoir son utilité***. Ils n'en ont pas tellement autrement l'occasion. Et donc, dit le Collégien? C'est ça, en fait, le sujet, dit le Colonel.

* En septembre 2013, les électeurs suisses seront appelés à se prononcer sur le maintien ou non du service militaire obligatoire.
** "Redéfinition", 15 août 2013.
*** "En profiter", 3 novembre 2010.

8/16/2013

Standardisé

Tout est aujourd'hui très standardisé, dit le Colonel. Les uniformes sont les mêmes, mais pas seulement les uniformes: les véhicules, les herses, les meubles de bureau, etc. Les chefs ont tous effectué un ou même plusieurs stages aux Etats-Unis. Ils participent également à des réunions communes dans le cadre du partenariat pour la paix de l'OTAN (PPP), un organisme créé dans les années 90 et regroupant, outre les pays membres de l'OTAN, un certain nombre d'autres pays non membres (mais, comme les précédents, très liés aux Etats-Unis). En 20.., par exemple, lors du sommet du G8 à ..., l'un d'eux prit prétexte de cette réunion pour décréter l'état de siège sur une partie de son territoire, histoire de tester son aptitude à gérer d'éventuels troubles civils. Un exercice grandeur nature, en quelque sorte. Le directeur de l'exercice venait, comme par hasard, d'effectuer un stage de longue durée aux Etats-Unis. S'il est un domaine où l'intégration est aujourd'hui devenue réalité, c'est bien celui-là.

8/15/2013

Redéfinition

Allez voir, si vous ne l'avez pas déjà vu, le récent film de Daniele Vicari, Diaz, crime d'Etat*, dit le Cuisinier. Il décrit ce qui s'est passé à Gênes en 2001, à l'occasion d'une réunion du G8. C'est très spécifique à l'Italie, dit la Poire. Jamais une chose pareille ne se produirait chez nous. Non bien sûr, dit l'Etudiante. Ce n'est pas ce que je voulais dire. On assiste aujourd'hui à une redistribution des tâches entre l'armée et la police, dit le Colonel. Autrefois il revenait à l'armée de faire la guerre (à l'extérieur), et à la police d'assurer le maintien de l'ordre (à l'intérieur). Aujourd'hui c'est l'inverse exactement. Il revient à la police de faire la guerre (à l'intérieur), et à l'armée d'assurer le maintien de l'ordre (à l'extérieur). Le vrai ministère de la Guerre, aujourd'hui, c'est le ministère de l'Intérieur. Militarisation de la police d'un côté, transformation des membres des forces armées en agents de la circulation, pompiers ou travailleurs humanitaires de l'autre: voilà ce qu'on observe. Il faut mettre cette double évolution croisée en rapport avec l'actuel redéploiement stratégique de l'OTAN, redéploiement marqué par un recentrage sur les problèmes dits de "maintien de la paix", avec à la clé une redéfinition de l'ennemi prioritaire. L'ennemi prioritaire, aujourd'hui, ce sont les populations elles-mêmes, leurs propres populations.

* 2012.

8/12/2013

Voilà mieux

Vous vous souvenez peut-être de la Vache, dit l'Etudiante: cette femme d'un grand courage qui, il y a quelques mois, proposait d'introduire des peines de prison ferme pour tout revendeur de drogue pris en flagrant délit*. Juste le minimum, disait-elle: un an. C'est déjà beaucoup, un an. Les gens en étaient tombés par terre. Or voilà mieux. On doit cette proposition au Copain, le nouvel adjoint à la sécurité à ... Il propose, au moins de jour, de rétablir les patrouilles d'agents en uniforme en ville. Car, semble-t-il, on les avait supprimées. Simple proposition, dit-il. Je reste ouvert à la discussion. A quels excès le tout-répressif ne conduit-il pas? C'est vrai, dit l'Etudiante. Un beau matin, vous verrez, on apprendra qu'ils ont réintroduit la peine de mort. En suspendre une petite centaine sur la place de la ..., quel bonheur. La difficulté, avec la peine de mort, c'est qu'ils devraient commencer par se l'appliquer à eux-mêmes, dit l'Avocate.

* "Le problème", 6 novembre 2011.

8/11/2013

En élargir le concept

Le temps de la légitime défense est un temps court, dit l'Auteur. Tout se passe, en règle générale, très vite, en moins de temps, bien souvent, qu'il n'en faut pour le dire. Il est, en revanche, possible d'en élargir le concept. Mettons que des policiers te mettent abusivement en garde à vue, avant de te passer à tabac et d'exiger de toi, comme ils le font maintenant systématiquement (c'est pour cette raison même, soit dit en passant, qu'ils te mettent en garde à vue), que tu te soumettes à un prélèvement ADN. Tu refuses bien sûr, ce qui te vaudra une condamnation à tant de mois de prison pour "rébellion". On est typiquement là dans une situation où le droit à la légitime défense pourrait être invoqué: on a le droit aussi de se défendre contre la police. Et contre la justice, dit l'Avocate. Et contre la justice, dit l'Auteur. Pour autant, ce qui est légitime est une chose, opportun une autre. C'est ce que je veux dire lorsque je dis qu'il faut en élargir le concept. On n'est pas ici dans le temps court mais long. Laisse un peu de temps au temps.