10/16/2017

Les deux

L'Etat ne nous protège plus aujourd'hui de rien, dit l'Ecolière. Mais ce n'est pas grave. Puisqu'il ne nous protège plus de rien, nous voici dès lors légitimés à nous protéger nous-mêmes. Nous redevenons sui juris: libres, autrement dit, de faire ce que bon nous semble en la matière. Je suis contente d'avoir appris le latin. Tu n'imagines quand même pas qu'ils resteront les bras croisés, dit le Collégien. La répression sera féroce. C'est un autre problème, dit l'Ecolière. Je ne parle pas de ça. De quoi alors, dit le Collégien? De ce que je viens de dire, dit l'Ecolière. Je me place au plan des principes. Je récuse leur pseudo-Etat de droit. Il n'y a plus d'Etat de droit. Je suis à moi-même mon propre Etat de droit. Se battre sur deux fronts, ce n'est pas si simple, dit le Collégien. Je n'ai jamais dit que c'était simple, dit l'Ecolière. Qui est l'ennemi prioritaire, dit le Collégien? Les deux ont la priorité, dit l'Ecolière.




10/14/2017

Subite

Décris-la moi un peu, cette vidéo, dit l'Ethnologue. Je ne l'ai pas vue. Que montre-t-elle? L'agresseur est un adulte, dit l'Etudiante. Assez baraqué. Un petit chéri, comme je te l'ai dit. La victime, un jeune de 15-16 ans, l'air plutôt frêle. L'agression est subite. Le jeune ne l'a manifestement pas vue venir. Normalement, que fait-on quand on voit venir quelque chose? On s'écarte, on veille, en tout état de cause, à se mettre hors de portée des mains de l'agresseur. On essaye aussi de créer de l'espace (pour les pieds). Ici, rien de tel. A l'évidence, le jeune a été pris par surprise. A ton avis, pourquoi, dit l'Ethnologue? Pourquoi ne s'est-il ainsi méfié de rien? Tu sais ce que je vais te répondre, dit l'Etudiante: parce qu'il a trop intériorisé la marmelade officielle: tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. Cette marmelade même, et le reste. Les médias officiels racontent beaucoup de choses dans ce domaine. On y croit ou on n'y croit pas. Lui, apparemment, y croyait. Le pauvre. Quoi d'autre encore, dit l'Ethnologue? On vient de le dire, le jeune a été pris par surprise, dit l'Etudiante. Mais il aurait pu au moins se défendre. Or il ne le fait pas. Il n'esquisse aucun geste de défense, il est complètement passif. Peut-être était-il tétanisé, je ne sais pas. Mais une autre explication encore est possible: la peur des autorités. S'il s'était défendu ou seulement même débattu, il aurait eu affaire à la justice. Il a donc préféré ne pas se défendre. Autrement dit mourir. Car il aurait très bien pu mourir.

10/13/2017

Sénèque

Tenez regardez, dit le Cuisinier: ça se passe sur un quai de gare. Lui, c'est un petit chéri. A vue de nez, comme ça, 25-30 ans. Il saisit sa victime à la gorge, un jeune avec une sacoche, le pousse gentiment devant lui. Puis, subitement, lui fait une prise. Le type vole en l'air, avant de s'écraser au sol. Il essaye de se relever, mais le petit chéri l'en empêche. D'autres petits chéris assistent à la scène. Voilà, on peut recommencer si vous voulez. Ces images sont disponibles sur le net. Vous dire la joie qu'en éprouvent les autorités est inexprimable. N'est-ce pas Sénèque* qui disait que les hommes en croient plus leurs yeux que leurs oreilles, dit l'Etudiante? Je comprends l'angoisse des dirigeants. Ce qu'il faudrait savoir, c'est qui a tourné la vidéo, dit le Cuisinier. Pour l'instant encore, mystère. Quelqu'un, en tout cas, était là au mauvais moment. On peut émettre une hypothèse, dit l'Avocate: très probablement la police. Dans une gare il y a toujours une présence policière. La police était présente, mais elle n'est pas intervenue. On ne touche pas aux petits chéris. En revanche elle a tout filmé. Je n'ai aucune preuve de ce que j'avance. Mais c'est ce que je pense. Soit, dit le Cuisinier. Mais pourquoi la police a-t-elle ainsi laissé fuiter la vidéo? C'est peut-être une initiative individuelle, dit l'Avocate. Quelqu'un qui en a marre.

* Lettres à Lucilius, 6, 6.



10/11/2017

Rien à voir

Ils parlaient ce matin même de la Hongrie, dit l'Auditrice. Un pays qu'ils aiment bien, comme chacun sait. Surtout depuis qu'il s'est refusé, il y a deux ans, à appliquer les directives européennes en matière ... Ils reprochent également au premier ministre Orban d'avoir établi un lien entre lesdites directives et le terrorisme. Il n'y a bien évidemment aucun lien. Bref, disaient-ils, les médias hongrois se livrent à une "propagande à la Goebbels"*. Eux-mêmes, faut-il le rappeler, n'ont rien à voir avec Goebbels. Il serait même absurde de faire la comparaison. N'est-ce pas Goebbels qui disait que "plus le mensonge est gros, et plus le peuple le croira", dit la Poire? C'est naturellement faux comme formule. Si vous le pensez, dit l'Auditrice. C'est vrai ou faux, dit l'Ecolière? C'est sans importance, dit l'Auditrice. Je ne comprends pas, dit l'Ecolière. Comme tu le sais, les médias officiels sont très largement aujourd'hui discrédités, dit l'Auditrice. Personne ne croit plus à ce qu'ils racontent. Eux-mêmes d'ailleurs le savent: ils savent très bien qu'on ne les croit plus. Dans ce domaine-là, en particulier, mais pas seulement. Mais ils s'en moquent. Ils ne cherchent pas vraiment à ce qu'on les croie. Ce qu'ils veulent, c'est qu'on les craigne. Et ça, ça marche.

* France Info, vers 6 h 15.

10/06/2017

Sensibles

On parle de ratés, de dysfonctionnements, dit le Visiteur. Il n'y a bien sûr aucun raté. Le système fonctionne au contraire très bien. Il n'a même jamais mieux fonctionné. Je ne dis pas qu'ils sont très heureux de ce qui se passe. Certains oui, il ne faut pas en douter. Mais ce n'est pas la majorité. La plupart sont comme vous et moi. Ce sont des êtres sensibles. Ils n'aiment pas trop le sang versé, surtout comme ça. Ce n'est pas leur culture, ils n'ont pas été éduqués à ça. Mais ils se sont fixés des objectifs, plus exactement encore vont dans une certaine direction. Ils pourraient très bien dire: c'est trop cher payé. On ne peut pas. Sauf, justement, qu'ils ne le disent pas. C'est le prix à payer, on paye. Prenons le problème à l'envers. Mettons (simple supposition) que vous vous disiez un jour: je vais combattre le terrorisme. Cela n'arrivera bien sûr jamais, mais imaginons. Vous vous dites: tous ces meurtres anti-..., anti-..., anti-..., trop c'est trop. Stop, on arrête. Vous prenez cette décision. Admettons. Si vous la prenez, il n'y a pas trente-six solutions. Vous savez ce que vous avez à faire. Si vous ne le faites pas, c'est que vous ne voulez, en fait, pas combattre le terrorisme. Vous dites que vous le voulez, en fait non: vous ne le voulez pas. Vous ne faites que semblant. Vos lois anti-terroristes, par exemple. On retombe dès lors sur le cas de figure précédent. Vous me suivez?

10/05/2017

Tout seul

Tu as entendu cette ..., dit l'Ecolière? Ses déclarations? Et cette autre, qui se permet de dire que ...? J'en ai marre. Tu as lu le Qohéleth*, dit l'Avocate. ll y a un temps pour tout: un temps pour enfanter et un temps pour mourir, un temps pour planter et un temps pour arracher le plant, etc. Je sais ce que tu as en tête. Crois-moi bien, tu n'es pas la seule. Mais ce n'est pas le moment. En plus, ils sont en bout de chaîne. Si l'on fait les choses, autant les faire sérieusement, méthodiquement. Prends peut-être leurs ... et ... Juste comme ça, pour passer le temps. Eventuellement même, si tu y tiens, trouve un moyen de les conserver (pas dans ton ordinateur, s'il te plaît). Deux ou trois autres choses encore de ce genre. Mais je vais te dire: ce n'est même pas nécessaire. A un moment donné, tu verras, ça se fera tout seul. Comme en 19.., dit l'Ecolière? Tu n'imagines même pas, dit l'Avocate.

* 3, 2-8.



10/03/2017

En bref

Tiens regarde, dit l'Avocate. C'est le Figaro d'aujourd'hui*. Il n'y a rien qui te frappe? Pas vraiment, dit le Collégien. Tourne un peu les pages, dit l'Avocate. Voyons ça, dit le Collégien. Pages 2 à 4, "ISF: Macron pressé de lâcher du lest par sa majorité". Deux pages entières. Page 5: Las Vegas. Page 6: la Catalogne. Page 8: politique anglaise. Page 9: "Coup de semonce contre l'homéopathie". Ah oui, page 10: "Clandestin et délinquant multirécidiviste, le tueur de Marseille n'a jamais été inquiété". C'est vrai, ça vient tout à la fin. Page 10! Tu connais leur grand souci, dit l'Avocate: "apprendre à vivre avec le terrorisme". Eh bien voilà. C'est une aide à l'apprentissage. Autre chose encore? Peut-être, dit le Collégien. Tout en bas de la page, à droite, il y a une rubrique intitulée "En bref". Les faits divers, je pense. En l'occurrence, deux: une histoire d'euthanasie, d'une part, d'incendie criminel de l'autre. Cette scène à Marseille est donc présentée comme un fait divers. Juste, dit l'Avocate. Le vocabulaire utilisé le prouve aussi: "Le tueur de Marseille". La routine, quoi. Des tueurs comme ça, on en croise tous les jours. En page 10 du Figaro, par exemple. Sauf que ce type n'est pas simplement un tueur. C'est un égorgeur. A aucun moment, l'article ne dit qu'une des deux filles a été égorgée. S'il l'avait dit, l'effet de banalisation aurait été annulé**. Il ne l'a donc pas dit.

* 3 octobre 2017.
** Cf. Anne-Marie Delcambre, L'Islam des interdits, Desclée de Brouwer, p. 65-66.





10/01/2017

Les résumer

Mon colonel, nous sommes particulièrement heureux de vous accueillir ce soir à ce micro, dit la Sous-cheffe. Vous êtes un spécialiste reconnu des problèmes de ..., problèmes auxquels vous avez déjà consacré plusieurs ouvrages importants. On ne trahira ici aucun secret en disant que vous occupez de hautes fonctions à la ... Dans votre dernier livre, vous décrivez en détail certaines situations auxquelles vous avez été récemment confronté. Vous-même, personnellement, quelles leçons en avez-vous tiré? Question délicate, dit le Colonel. Première leçon, quand on se lance dans ce genre de choses, le mieux encore est de n'en parler à personne. Je reconnais que je ne donne pas ici l'exemple, mais l'exception confirme la règle. N'en parler à personne, autrement dit agir seul. Autant que possible. C'est ce que disait déjà Machiavel. On limite ainsi les risques. Deuxième leçon, veiller à ne laisser aucune trace. Je n'entre pas ici dans les détails. On y passerait la soirée. Juste un mot à propos du téléphone cellulaire. On dit qu'il n'est pas possible de s'en passer. Je m'en passe moi-même très bien. Troisième leçon, adapter son action à ce qu'on est capable de faire. Autrement, on en prend pour trente ans. Voilà, je crois avoir fait le tour du sujet. Merci mon colonel, dit la Sous-cheffe. Vos propos sont très clairs, j'ose espérer que les auditeurs en auront retenu la substantifique moelle.