2/20/2016

Fredonnent

Moi, ce que j'admire le plus chez eux, c'est leur sens aigu du pluralisme, dit l'Auditrice. Ce soin, réellement hors du commun, qu'ils mettent à donner la parole à tout le monde. Tenez, par exemple, êtes-vous déjà allés sur …?  Des invités triés sur le volet, jamais une fausse note. Et dire que certains parlent de dictature. L'éventail des thèmes abordés est aussi très large: le matin, les années 30, à midi les migrants, l'après-midi l'…, religion de paix, le soir la montée du populisme. Ou alors l'inverse: le matin, la montée du populisme, à midi l'…, etc. Il y a mieux encore, dit l'Etudiante: es-tu déjà allée sur … ? Eux, je t'assure, vont vraiment au fond des choses. La vérité, toute la vérité, rien que la vérité: là-dessus, ils ne transigent pas. Quelle honnêteté, aussi, dans le commentaire. Bon, forcément, il y aura toujours des  mécontents. Des gens qui critiquent. Certains vont même plus loin encore. Ils fredonnent: Radio Paris ment, Radio Paris est allemand. C'est ignoble. De tels rapprochements me choquent profondément. C'est vrai, qu'il y a une différence, dit l'Ethnologue: Radio Paris, aujourd'hui, n'est plus allemand.


2/19/2016

Au moindre écart

Quand on dit que la France est aujourd'hui une dictature, les gens objectent: ce n'est pas vrai, vous exagérez, dit l'Avocate. A mon avis non: on n'exagère pas. Prenez le droit à la liberté d'expression. Vous savez très bien qu'aujourd'hui, en France, il n'est plus possible de ne rien dire sur rien. Au moindre écart, les gens se retrouvent aujourd'hui devant des juges, avec à la clé des condamnations s'élevant parfois à plusieurs dizaines, voire centaines de milliers d'euros. Une manière efficace de museler les opposants, en même temps que de les ruiner. Au passage on admirera le zèle que mettent certains magistrats à défendre l'indépendance de la justice. L'indépendance de la justice, j'aime. Le droit de manifester ne se porte guère mieux. Si une manifestation leur déplaît, ce n'est pas compliqué, ils l'interdisent purement et simplement, laissant aux gardes mobiles le soin de gazer les manifestants et/ou de les passer à tabac. Pour compléter le tableau, vous avez maintenant l'état d'urgence, qui leur permet de fracturer des portes en pleine nuit, avant de saccager des maisons ou des appartements. Je n'irais pas jusqu'à prétendre que de telles scènes ne s'observent pas également ailleurs. C'est possible. Sauf que dans des pays comme l'Allemagne, l'Italie ou la Suisse, l'Etat total doit encore compter avec des restes de société civile: celle-ci jouant le rôle de frein, de tampon. En France, il faut le constater, pour diverses raisons sur lesquelles, d'ailleurs, il pourrait être utile une autre fois de revenir, il n'y a plus aujourd'hui de société civile. Et donc, je pense, le mot dictature n'est pas trop fort. On est bien en présence d'une dictature, même si, s'en étonnera-t-on, elle ne dit pas son nom.


2/12/2016

Seuil

Grâce à l'informatique, il est aujourd'hui possible de contrôler un pays en ne s'appuyant que sur un nombre relativement restreint de personnes, dit le Visiteur. En France, par exemple, la police secrète d'Etat (DGSE, DGSI, etc.) regroupe aujourd'hui entre 20 et 25'000 personnes. 25'000 personnes, si l'on y songe, sur une population de 60 millions, c'est très peu. Sauf qu'à ces 25'000 personnes, il faut ajouter Internet, une bonne centaine de banques de données (toutes, bien sûr, interconnectées), la monnaie électronique, la carte Navigo, le passeport biométrique, etc. C'est suffisant pour tout verrouiller, ou presque. Je dis presque, parce qu'il existe encore quelques fissures. On peut très bien, par exemple, décider de se passer d'Internet*. Ou encore ne pas avoir de portable. Payer ses achats en espèces. Etc. Beaucoup de gens sont dans cette démarche: ils passent ainsi entre les mailles. C'est tout à fait faisable (moyennant une certaine discipline de vie, il est vrai). Mais à la marge. Dans l'ensemble, le dispositif numérique actuel est très performant. Jamais, dans le passé, la police politique d'un pays donné n'avait disposé d'autant de moyens pour faire ce qu'on lui demande de faire (et bien sûr aussi de droits: car les droits suivent automatiquement). Ses possibilités d'intrusion, partant aussi d'intervention, sont sans commune mesure avec celles, par exemple, dont disposait autrefois la Gestapo (à l'époque nazie), ou encore le KGB (à l'époque soviétique). Sans commune mesure non plus avec les descriptions d'Orwell (1984), ou de Soljénitsyne (Le premier cercle). On ne peut même pas comparer. On a franchi un seuil.

* Voir "Julian Assange", 12 juillet 2015.




2/05/2016

Inapproprié

Max Weber définissait l'Etat par le "monopole de la violence physique légitime", dit le Visiteur. Or, selon certains, ce monopole serait aujourd'hui remis en cause. On ne pourrait plus dire aujourd'hui que l'Etat dispose du monopole de la violence physique légitime. Voyez les zones de non droit.  D'autres évoquent la guerre civile mondiale. Les frontières elles-mêmes ne sont plus aujourd'hui défendues. Etc.  En concluera-t-on pour autant que l'Etat est sur le déclin? Je ne le pense pas. Quand, par exemple, la police veut aujourd'hui coffrer quelqu'un (je dis bien: le veut), elle n'a pas trop de peine à le faire. On le vérifie au quotidien. D'une manière générale, quand la police veut faire quelque chose, elle le fait. Réciproquement, si elle ne le fait pas, c'est qu'elle ne le veut pas: elle ne veut pas le faire. Le problème n'est donc pas: "est-ce que je peux", mais bien: "est-ce que je veux". En ce sens, la guerre civile mondiale ne suffit pas à dire la réalité. C'en est un aspect important, mais non exclusif. L'autre aspect, complémentaire du précédent, est la mutation en cours de l'Etat, mutation qu'on pourrait résumer en disant que l'Etat n'a plus aujourd'hui pour fonction de protéger les citoyens (elle ne les protège plus de rien), mais de les contrôler. A ce point de vue, parler du déclin de l'Etat apparaît inapproprié. On peut même s'interroger sur le bien-fondé de la thèse selon laquelle l'Etat ne disposerait plus aujourd'hui du monopole de la violence physique légitime. Certains des faits sur lesquels elle s'étaye sont réels, je ne le nie pas. C'est l'interprétation qu'on en donne qui fait problème.