12/31/2018

Elites

Tiens, écoute, dit l'Avocate*. On est en 1942. Juste cette phrase: "Car c'est une révolution, la plus grande de son histoire, que la France, trahie par ses élites dirigeantes et ses privilégiés, a commencé d'accomplir"**. Intéressant, non? C'est un discours de de Gaulle. Evidemment, 75 ans plus tard, cela résonne un peu étrangement. "La France, trahie par ses élites dirigeantes et ses privilégiés": qu'est-ce que ce charabia? De quoi parle-t-il? Et la révolution, dit le Collégien: imagine-t-on seulement les gens faire la révolution? C'est vrai, dit l'Avocate. Et même, qui se hasarderait à en parler? C'est pourtant bien ce que tu fais, dit le Collégien. C'est vrai encore, dit l'Avocate. Mais en même temps tu as raison: ce qu'il faudrait faire, on ne peut pas toujours le faire. Alors pourquoi en parler, dit le Collégien? Il est important de savoir ce qu'il faudrait faire, dit l'Avocate. Mais on ne peut pas le faire, dit le Collégien. Les deux choses sont importantes, dit l'Avocate: savoir ce qu'il faudrait faire, d'une part, qu'on ne peut pas le faire de l'autre. Bref, on ne peut rien faire, dit le Collégien. On est à l'époque de Néron, dit l'Avocate. Que faisait-on à l'époque de Néron? On se repliait sur la sphère privée. Fais la même chose. Replie-toi sur la sphère privée. Pense à toi-même d'abord: à toi et à ta santé. Ecoute les conseils du Colonel. Lis, promène-toi, observe, écoute de la musique. Pour l'instant encore au moins, il n'y a rien d'autre à faire.

* Publié une première fois le 4 juin 2017.
** Discours du 1er avril 1942.




12/27/2018

Mieux à faire

On est comme pris en tenailles, dit l'Ecolière. Ce n'est jamais très agréable d'être pris en tenailles. Nous avons deux ennemis prioritaires, dit le Colonel. Pas un mais deux. Mais l'un est plus prioritaire que l'autre. Plus prioritaire au sens où l'on ne saurait venir à bout du second sans s'être au préalable débarrassé du premier. C'est donc lui qu'il faut prendre en priorité. C'est une priorité temporelle. Une chose après l'autre. Et quand, comme c'est le cas aujourd'hui, ils unissent leurs efforts, dit l'Ecolière? Créent un état-major commun? Tu fais comment? Si tu dois te battre sur deux fronts, tu te bats alors sur deux fronts, dit le Colonel. Mais autant que possible, tu évites de le faire. C'est ce que je veux dire. En l'occurrence, je me tiendrais à l'écart. On préserve ainsi sa santé. Et au-delà, dit l'Ecolière? Au-delà, il faut être attentif au kairos, dit le Colonel. Autrement dit, à l'occasion, quand elle se présente. Etre prêt à la saisir. Mais quand elle se présente seulement. Le kairos, ce serait ce que tu disais l'autre jour*, dit l'Ecolière? Par exemple, dit le Colonel. Mais ce n'est pas limitatif. Les gens autour de moi s'impatientent, dit l'Ecolière. Eux c'est eux, toi c'est toi, dit le Colonel. Laisse-les prendre des risques si cela leur plaît. Toi, tu as mieux à faire.

* Voir "Par son nom", 19 novembre 2018.

12/23/2018

Sédition

Il faut en revenir à ces visites domiciliaires*, dit l'Ethnologue. Des députés se plaignent de ce qu'on vienne klaxonner à leur porte la nuit, cela les trouble dans leur sommeil. Parallèlement, des gens entrent dans les préfectures, parfois pour y mettre le feu. Il y en a même un, rendez-vous compte, qui a voulu entrer à l'Elysée. On l'a mis sous contrôle judiciaire. Il faut interpréter tout cela. L'ex-directeur de la Dégéèci, récemment créé ministre, traite les manifestants de "séditieux" et de "factieux"**. C'est le vocabulaire des dictateurs. Mais justement il dit une réalité. La réponse normale à l'instauration d'une dictature, à plus forte raison encore policière, effectivement, c'est la sédition. Allons plus loin. Lorsque des gens rendent visite la nuit à leur député, ou encore pénètrent en certains lieux de pouvoir (préfectures, ministères, Elysée, etc.), leur démarche s'inspire symboliquement de celle de l'Etat total: ce même Etat total qui a légalisé l'espionnage intérieur généralisé (sur Internet notamment), tout en s'arrogeant le droit d'entrer chez les gens à toute heure du jour et de la nuit pour y opérer des perquisitions (l'opposant Mélenchon en a récemment fait l'expérience, mais il n'est pas le seul). Elle s'en inspire et, en fait, l'imite. C'est la réponse du berger à la bergère. Puisqu'il n'y a plus aujourd'hui de sphère privée, celle-ci ayant été abolie par l'Etat total, on ne voit pas pourquoi l'Etat total échapperait au risque de se voir lui-même envahi et à la limite perquisitionné. Pourquoi non.

* Voir "Visites domiciliaires", 30 novembre 2018.
** France Info, 23 décembre 2018.

12/16/2018

Tendance

D'où vient cette hyper-violence, dit l'Ecolière: je parle de la violence policière? C'est sans équivalent ailleurs en Europe (au moins aujourd'hui: en remontant un peu dans le temps, on trouverait des points de comparaison). Qui plus est, tu l'auras remarqué, la police veille à ne jamais s'en prendre aux casseurs. Les gens qu'on gaze, sur lesquels on cogne un maximum, qu'on flash-balise avant de les mettre en garde à vue, etc., sont des non-casseurs: manifestants ordinaires, simples passants ou spectateurs, etc. Tu l'expliques comment? Les casseurs sont pour l'essentiel des petits chéris, dit l'Ethnologue. Tu ne voudrais quand même pas qu'ils s'en prennent aux petits chéris. Nos petits chéris. Première chose. Deuxième chose, ce qu'on demande à la police, ce n'est pas de prévenir les pillages et les déprédations. Evidemment non. Ce qu'on lui demande, c'est de prévenir les manifestations elles-mêmes, de dissuader les gens d'y participer. Pour cela il n'y a pas trente-six moyens. L'hyper-violence, en l'occurrence, a une fonction d'intimidation. Troisièmement, quand tu dis que cela ne se voit qu'en France, c'est inexact. Partout, aujourd'hui, en Europe occidentale, on assiste à une radicalisation (pour ne pas dire une fascisation) du système. La France a, certes, plusieurs longueurs d'avance en ce domaine (c'est dû à son histoire propre: 40-44, les guerres coloniales, etc.), mais ailleurs la tendance est la même. Le recours aux solutions policières est de plus en plus aujourd'hui la règle en Europe.



12/12/2018

D'ajustement

Et maintenant les fichés S, dit l'Ecolière. Eux aussi*, comme vous le voyez, sont de retour. Personne, vraiment, ne s'y attendait. Non, non, je ne plaisante pas. Est-ce au bon ou au mauvais moment, il me serait difficile de le dire. C'est peut-être la loi des séries, dit la Statisticienne. On voit ça parfois. Ou encore une variable d'ajustement, dit le Visiteur. En tout cas, ça nous changera des gilets jaunes, dit la Poire. On en avait vraiment assez, de ces manifestations. Tiens, je n'y avais pas pensé, dit l'Ecolière. Et dire que certains parlent d'opération de diversion, dit la Poire. C'est ignoble. D'autres vont même plus loin encore, dit l'Ecolière. J'en ai entendu un, il y a quelques jours, qui disait qu'on était à la veille d'un coup d'Etat*. Il faut vraiment être tombé sur la tête. Comme vous l'avez vu, ils ont décrété l'état d'urgence, dit la Poire. A mon avis c'est tout à fait insuffisant. Ils devraient aller beaucoup plus loin encore. Croyez-moi, vous ne serez pas déçue, dit l'Ecolière. Savez-vous ce que je pense, dit la Poire? Non, mais vous allez me le dire, dit l'Ecolière. On devrait interdire toutes ces manifestations, dit la Poire. Elles empêchent les forces de l'ordre de se consacrer entièrement, comme elles le devraient, à la guerre contre le terrorisme. Dites tout de suite que les gilets jaunes seraient objectivement complices des terroristes, dit l'Ecolière. On dit bien des terroristes qu'ils sont objectivement complices des dirigeants, dit la Poire.

* Voir "En application", 3 décembre.
** Voir "Après", 7 décembre.







12/07/2018

Après

Les dirigeants mettent en garde la population, dit l'Ethnologue: demain, disent-ils, il pourrait y avoir des morts. La phrase doit bien sûr être lue à l'envers. C'est une menace camouflée. Nous avons donné l'ordre de tirer. Reste à savoir ce qui se passera après. Beaucoup parlent de guerre civile. C'est, certes, une éventualité envisageable, mais je n'y crois pas trop. Les gens ne sont pas préparés à cela. Ce n'est pas non plus ce que veulent les dirigeants (même s'ils jouent avec cette possibilité-là: au sens où certains jouent avec le feu. S'ils en instrumentent la possibilité objective: pour justifier leurs exactions). Ce à quoi il faut plutôt s'attendre, c'est à un renforcement de la dictature actuelle. Logiquement, ils devraient décréter l'état de siège: non pas l'état d'urgence, l'état de siège. L'état d'urgence existe déjà maintenant. Ce sont les lois antiterroristes. Les dirigeants les utilisent, comme vous le savez, à des fins de contrôle social et d'intimidation. L'état de siège permet d'aller au-delà. Jusqu'où exactement, difficile de dire. Sauf que les dirigeants supportent de plus en plus mal d'être bridés dans leurs initiatives. Ce régime est un régime d'administration directe (Direct rule)*. Il a été mis en place pour faire un certain nombre de choses. Or, des frictions se font jour. Elles ont un effet de frein. Pour les dirigeants, c'est inacceptable. Time is money. Au fond, on est à la veille d'un coup d'Etat, dit l'Ecolière. Ne me fais pas dire ce que je n'ai pas dit, dit l'Ethnologue.

* Voir "En marche (2)", 4 mai 2017.




12/03/2018

En application

Ouf, les petits chéris sont de retour, dit l'Epouse. Il n'était que temps. Juste au bon moment. Où donc étaient-ils passés? On se le demande. L'expression de divine surprise se légitime ici pleinement. Bon, il y avait la police. Mais la police elle-même donnait des signes de fatigue. En fait, de net relâchement: appelons les choses par leur nom. Quant à l'armée, chacun le sait, il n'y a plus un seul soldat aujourd'hui en France. Ils sont tous en Opex. Comprenez notre angoisse. Les bagages étaient prêts, nous avions déjà pris nos billets d'avion. Sauf que, grâce aux petits chéris, le régime a pu surmonter cette mauvaise passe. Que ferions-nous sans eux? Notre dette à leur égard ne saurait s'exprimer. Cela étant, il nous faut maintenant penser à l'avenir. La révolte est une chose, l'insurrection une autre. Une révolte, cela s'écrase. C'est ce qu'on vient de faire. L'insurrection, c'est plus délicat. La stratégie de la tension trouve ici ses limites. Il importe donc d'approfondir la réflexion, d'attaquer le mal à la racine. En premier lieu, pour cela, signer le pacte de l'ONU sur les migrations*. Je ne comprends d'ailleurs pas pourquoi cela n'a pas déjà été fait. Je l'ai dit à l'Apparatchik, il était d'accord avec moi. Ensuite, le mettre le plus vite possible en application. Comme ça au moins nous serons tranquilles. Nous pourrons enfin faire ce qu'on nous a demandé de faire, et le faire correctement, sans être à tout instant dérangés dans notre travail.

* Eric Ciotti, "Le pacte sur les migrations de l'ONU: vers un droit à l'immigration opposable", Le Figaro, 30 novembre, p. 20.

11/30/2018

Visites domiciliaires

C'est très mal d'entrer ainsi chez les gens, dit l'Apparatchik. Ces responsables politiques ont droit, comme tout le monde, à une vie privée. Vous pensez à nos petites visites domiciliaires, dit l'Ecolière? Les pauvres. Ce n'était pourtant pas bien méchant. En plus, s'ils le souhaitent, ils pourront en faire état dans leur CV. Comme vous le savez, la plupart de ces dignitaires ont été recrutées sur CV. Ce sont les représentants de la nation, dit la Poire. Vous manquez de respect à leur endroit. Vous savez très bien comment, en France, se font les élections, dit l'Ecolière : mode de scrutin, découpage électoral, médias, "justice", etc. Vous dites: les représentants de la nation. En fait, ces gens ne représentent rien: rigoureusement rien. C'est ça la réalité. S'il vous plaît, ne faites pas cette tête. C'est le retour des années 30, dit l'Epouse. Je suis très angoissée. Le médecin m'a mise sous neuroleptiques. Je vois du brun partout. Les chemises brunes, parlons-en, dit l'Ecolière. Nous au moins, quand on rend visite aux gens, on sonne à la porte. Les gens ouvrent, ensuite seulement on entre. Et l'on discute. Voyez la police secrète d'Etat: elle, au contraire, commence par casser la porte, puis tout le reste à l'intérieur. Aucun rapport, bien sûr, avec les années 30. Voyez aussi leurs robocops encagoulés, qui gazent, cognent, flash-balisent tout ce qui leur tombe sous la main. Rien à voir non plus.

11/24/2018

En trois parties

Comme à l'époque de César, la France est aujourd'hui divisée en trois parties, dit l'Ethnologue*: 1) l'oligarchie en place; 2) la France périphérique ; 3) les petits chéris. L'oligarchie en place considère la France périphérique comme son ennemi prioritaire. Elle lui fait donc la guerre: une guerre, même, qu'on peut qualifier de totale Dans cette guerre, elle s'est alliée aux petits chéris, qui jouent le rôle de force supplétive. En cas de besoin, on peut toujours faire appel à eux. Ils sont très disponibles. D'une manière générale, les petits chéris inspirent une peur salutaire. La peur est le commencement de la sagesse. Beaucoup de gens subissent cette situation, mais on peut aussi ne pas la subir. D'où, justement, le recours à la périphérie. Il y a en effet moins de petits chéris en périphérie qu'au centre.  Certains se mettent donc en marche du centre vers la périphérie. Logique. On pourrait aussi parler de repli stratégique. On quitte les grandes villes, réputées dangereuses, pour migrer vers les petites villes et les campagnes, qui le sont moins. Sauf que la guerre ne cesse pas pour autant. Elle continue. En périphérie, certes, il y a moins de petits chéris qu'au centre, en revanche le système d'extraction de la rente y est poussé à l'extrême. Dame, il faut bien les rémunérer, ces petits chéris. Tout travail mérite salaire. Les gens se retrouvent ainsi le dos au mur. Que se passe-t-il dans ces cas-là? Eh bien ils se révoltent. C'est ce qu'on voit aujourd'hui.

* "Gallia est omnis divisa in partes tres" (Jules César, De bello gallico, I, 1).

11/19/2018

Par son nom

Comment en venir à bout, dit l'Ecolière? Je parle du régime. Première chose à faire, l'appeler par son nom, dit le Colonel. C'est un régime policier, il faut donc dire: c'est un régime policier. Une dictature (1), en fait. En ce sens, le slogan entendu hier: "La police avec nous" est particulièrement débile. La police ne sera jamais avec toi, mon grand. Mets-toi ça dans la tête. Elle est sans état d'âme. Ce sont des mercenaires. Première chose. Deuxième chose, être attentif au rapport de force. Tu as vu le bilan d'hier: plus de 400 blessés, dont certains graves. Cela te montre l'ampleur de la répression. Des témoins ont également relevé des tirs de Flash Ball (2). Rappelons que les Flash Ball sont des armes létales. Elles tuent, ou alors éborgnent. Nulle part ailleurs en Europe on utilise de telles armes. Sans parler des arrestations, plusieurs centaines en une seule journée, prélèvements obligatoires d'ADN à la clé (en cas de refus, tu en prends pour un an: un an ferme). Les Manifs pour tous trouvent ici leur limite. Les autres aussi, d'ailleurs. En Angleterre, il y a une vingtaine d'années, ils avaient bloqué les dépôts de carburants, dit l'Ecolière. Au bout de quatre jours, toutes les raffineries du pays avaient arrêté leurs activités. Oui, ce serait une possibilité, dit le Colonel. Essaye un peu pour voir. Que faire alors, dit l'Ecolière? Jette un coup d'oeil sur les pages économiques des journaux, dit le Colonel. C'est intéressant. Ils parlent de 2025 (3). A mon avis, ce sera pour bien avant. Laisse les choses se faire. Le moment venu, tu finiras le travail.

(1) Voir "De tout", 19 juillet 2017; "Au haut de l'échelle", 7 novembre 2017.
(2) RT France, 18 novembre.
(3) Le Figaro, 13 novembre, p. 21.







11/10/2018

Définitions

Chacun est libre de ses définitions, dit l'Ethnologue. En d'autres termes, l'Etat de droit est très exactement ce qu'on veut qu'il soit. En France, comme vous le savez, on vient d'incorporer l'état d'urgence au droit ordinaire. Certains en ont conclu que la France ne pouvait dès lors plus être considérée comme un Etat de droit. A tort évidemment. La France est bien toujours un Etat de droit. Sauf, justement, que la définition de l'Etat de droit a changé. L'Etat de droit n'inclut désormais plus en son concept la référence à la justice, en tant que garante des droits individuels. La police a tous les droits. Ce travail de redéfinition s'étend également à d'autres domaines. On parlait hier de la présomption d'innocence. L'idée suivant laquelle il reviendrait à l'accusation d'apporter la preuve de ce qu'elle avance est aujourd'hui très largement battue en brèche. C'est à l'accusé lui-même, désormais, estime-t-on, de prouver son innocence. En ligne de mire, en particulier, les délits sexuels. D'où la volonté de faire évoluer les lois dans ce domaine. Personne ne dit qu'une telle revendication (le renversement de la charge de la preuve) serait contraire à l'Etat de droit. Et pour cause, puisque l'Etat de droit n'inclut désormais plus en son concept la présomption d'innocence. A partir de là, vous êtes couvert. Personne ne pourra plus vous accuser de porter atteinte à l'Etat de droit. On est d'accord ou non avec cette reconfiguration conceptuelle. Vous me direz peut-être que vous n'êtes pas d'accord. Mais je ne m'occupe pas de ce que vous pensez vous. Vous pouvez pensez ce que vous voulez. Ce qui compte, c'est ce que pensent les autorités.




11/09/2018

S'il le peut

Comme vous le savez, l'Etat allemand organise aujourd'hui encore des procès contre d'anciens gardiens de camp, dit l'Avocate. Pourquoi non. C'est plus de trois quarts de siècle après les faits, mais à partir du moment où la loi le permet (ce qui apparemment est le cas), on ne saurait dire que cela soit contraire à l'Etat de droit. Pardonnez-moi cette tautologie. D'ailleurs, la justice allemande semble aujourd'hui fermement décidée à rattraper le temps perdu. Comme l'explique le Journal, "il n'est plus nécessaire de prouver l'implication d'un accusé dans la mort d'un détenu particulier. La preuve d'un emploi dans un camp suffit pour être condamné (...)"*. Ce qui facilite évidemment bien les choses. Evidemment aussi c'est contraire à la loi. La loi adhère au principe de la présomption d'innocence. Il n'y a plus ici de présomption d'innocence. L'accusé est au contraire présumé coupable. C'est à lui, s'il le peut, de prouver son innocence. S'il le peut. Car comment prouver son innocence? Il est donc "condamné d'avance". C'est ce que relevait récemment Serge Klarsfeld**, en le déplorant d'ailleurs. C'est "tordre le cou à la loi", disait-il. On ne va pas ici défendre les gardiens de camp. Vraiment pas. Mais cela montre ce qu'est devenu aujourd'hui l'Etat de droit. On pourrait prendre d'autres exemples. "Tordre le cou" à la loi, c'est encore ce que les dirigeants savent aujourd'hui faire de mieux.

* Le Temps (Lausanne), 7 novembre 2018, p. 5.
** France Info, 21 août 2018.



11/05/2018

L'Orient désert

Vous connaissez la formule: "tous ...", dit l'Ethnologue. Ce n'est pas entièrement faux comme formule, mais certaines distinctions ne s'en imposent pas moins. On pourrait d'abord parler de leurs salaires: entre 280'000 et 350'000 francs par an, pour des jobs, il faut le reconnaître, dont la valeur sociale n'est pas toujours très évidente*. De tels montants s'analysent comme corruption institutionnelle. Ensuite il y a les abus de biens sociaux. La corruption pourrait être dite ici semi-institutionnelle. Semi-institutionnelle, car à défaut, comme la précédente, d'être régulièrement budgétée, elle s'est, avec le temps, quelque peu routinisée. Elle est entrée dans les moeurs. Conséquence, il est relativement rare, pour ne pas dire exceptionnel, qu'un édile se voie traîné en justice au simple motif qu'il aurait gonflé indûment ses notes de frais, ou encore confondu, sans trop le vouloir, bien sûr, ses deux cartes de crédit personnelle et professionnelle. On ne dérange pas les juges pour si peu. On est en Suisse. Vous remarquerez d'ailleurs que le mot corruption n'est pour ainsi dire jamais articulé dans ces affaires. Les articles de presse qui leur sont consacrés parlent de tout sauf de ça. Enfin il y a les voyages (privés ou non) dans "l'Orient désert" (Racine), voyages donnant lieu à des rencontres au plus haut niveau (mais on ne l'apprendra, en règle générale, qu'ex post). Il est très difficile ici de dire ce qui est ou non institutionnel. La question, en fait, qui se pose est celle du pouvoir: qui tient qui, quoi, comment. On s'accorde volontiers à dire que quand le diable vous invite, il faut venir avec une longue cuiller.

* "Ces dernières années, la Belgique a traversé une série de crises constitutionnelles qui l'ont temporairement privée de gouvernement: pas de Premier ministre, pas de portefeuille de la santé, des transports, de l'éducation. Bien que ces périodes de vacance du pouvoir aient parfois été exceptionnellement longues - le record s'établit pour l'instant à 541 jours - on n'a noté aucun impact négatif sur la santé, les transports ni l'éducation" (David Graeber, Bullshit Jobs, Les Liens qui Libèrent, 2018, p. 290).



10/27/2018

Et encore

Et encore*, dit l'Ecolière: "C'est chez les autres qu'on finira par s'asseoir. Retraçant leurs frontières et modifiant leurs histoires. Une histoire qu'on finira par oublier. Et qui à force de minutes de silence se tait". Si vous voulez, je vous fait un dessin. Variante: "Bam bam bam bam bam bam le public me crie: Achille refait l'Histoire de Troie. J'vais mettre tous leurs blases sur ma liste noire je crois"**. Vous pensez peut-être qu'on l'a prié de faire ses valises, et vite? Qu'est-ce que vous croyez. Un si grand artiste. En plus, ce serait contraire au droit international. Vous ne voudriez quand même pas qu'on touche au droit international. Bref, il est en concert ce soir. Oui, ici même, à Dope-City. Quel honneur, n'est-ce pas. Bam bam bam bam bam bam bam. Remarquez, c'est bien mérité. A Dope-City, il y a longtemps que l'histoire de Troie ne s'enseigne plus dans les écoles. Pourquoi faire? On peut très bien ici se passer de livres. Promenons-nous dans les bois. Si vous voulez, je vous sers de guide. Par ici messieurs dames. Nous sommes pour l'ouverture, le dialogue. Quoi? Qu'est-ce que vous dites? Que vous seriez tenté de développer les mêmes idées, mais à l'envers? Ah, ça, ce n'est pas possible. I call the police.

* Voir "Passer le temps", 30 septembre 2018.
** Cité dans Le Temps, 26 octobre 2018. Leurs blases = leurs noms.








10/21/2018

Lignes rouges

Lorsque le chef de la France insoumise reproche aux médias d'Etat de "mentir" et de "tricher", il a peut-être raison, dit l'Avocate. Peut-être. Admettons. Quand même, ce n'est pas tout à fait encore la Corée du Nord. Il est honnête de le reconnaître. Raison encore quand il parle de justice politisée. Mais de nouveau, ne dramatisons pas. Certains vont jusqu'à prétendre que les juges, en France, ne seraient que des policiers déguisés en juges. Ils forcent, me semble-t-il, exagérément le trait. Les juges, en France, font ce qu'on leur dit de faire, c'est vrai. On ne dira pas ici le contraire. Le contraire, d'ailleurs, n'est pas même imaginable. Mais c'est une chose. De là à suggérer, comme le font certains, que le degré d'indépendance des magistrats serait le même, très exactement, que celui d'un hacker de la Dégéèci, il y a un pas que je m'en voudrais, très franchement, de franchir. En sorte que je ne le franchirai pas. Il est irresponsable, en ce sens, de dire que la France ne serait pas un Etat de droit. Elle en est bien évidemment un, comme chacun le voit. Tout comme elle est assurément une démocratie. Voyez le mode d'élection des députés à l'Assemblée nationale. Avec 28 % des voix, vous obtenez 75 % des sièges. De cet état de choses, on peut tirer diverses conclusions, les unes théoriques, d'autres pratiques. Ce que, me semble-t-il, n'a pas encore fait le chef de la France insoumise. Mais peut-être le fera-t-il un jour. On le lui souhaite en tous cas, car, après ce qu'il a dit, il n'a plus grand chose à perdre. Il a déjà franchi plusieurs lignes rouges.



10/18/2018

Même pas

Lorsqu'on parle du régime actuel, un mot s'impose presque forcément, dit l'Avocate: celui de  démocrature. C'est une dictature, mais camouflée en démocratie. Camouflée? En fait, même pas. Il y a un mois, des juges avaient décidé de soumettre à un examen psychiatrique la responsable du principal parti d'opposition (l'ancien FN). Cela renvoie aux belles années de l'ère soviétique, lorsque les dissidents étaient internés dans des asiles psychiatriques. Et maintenant, la France insoumise, autre parti d'opposition. Des centaines de policiers surarmés débarquent au petit matin dans des domiciles privés aux quatre coins du pays pour y saisir des téléphones portables et des ordinateurs. Ils arrêtent également des personnes, se livrent à des actes de violence, etc. En l'espèce, c'est la Turquie d'Erdogan qui pourrait servir de point de comparaison. De tels épisodes interrogent sur le rôle actuel de la police secrète d'Etat dans le fonctionnement d'ensemble du régime. Simple hasard ou non, vous aurez remarqué qu'à l'occasion du dernier remaniement, le responsable de la Dégéèci a été promu à un poste gouvernemental: vice-ministre de l'Intérieur. C'est juste une observation. En régime d'administration directe (Direct Rule), la police secrète d'Etat devient l'organe le plus important. Elle se situe tout au haut de la pyramide, chapeaute le tout. Voir aussi l'affaire Benalla.

10/07/2018

N'existe pas

C'était tout à l'heure sur ..., dit l'Auditrice. L'animatrice avait invité Sylvain Tesson, l'auteur de Sur les Chemins noirs (Gallimard, 2016). On discute du numérique. Tesson dit qu'il n'aime pas le numérique. Cela ne l'intéresse pas. Rien, là-dedans, n'est intéressant, dit-il: rien. Il n'a pas non plus de téléphone portable. Il ne veut pas devenir l'esclave des nouvelles technologies. Allez-vous au moins sur les réseaux sociaux, lui demande-t-on? Je ne sais même pas ce que c'est, répond Tesson. On sent la dame légèrement désorientée. Ne pas avoir de téléphone portable, passe encore. Mais quelqu'un qui ne va pas sur les réseaux sociaux, elle n'avait encore jamais vu ça. Elle hasarde une explication. Vous "cultivez votre imagination", dit-elle, presque maternelle. On voit le raisonnement. Le monde numérique se confond, pour elle, avec la réalité. C'est ça la réalité, il n'y en a pas d'autre. Si, dès lors, comme le fait Tesson, on fuit le monde numérique, on est forcément hors-réalité. On vit dans un monde autre: monde qui n'est pas la réalité: "votre imagination". Sauf qu'on pourrait aussi dire que le monde numérique n'existe pas. C'est justement ce que dit Tesson: "Le monde numérique n'existe pas". Là, tout vacille. Si ce qui est ou qu'on croyait être la réalité n'est pas la réalité, comment continuer à animer des émissions de radio?

9/30/2018

Passer le temps

Autant, quand on aborde ce genre de problèmes, ne pas trop s'éloigner de la réalité, dit l'Ecolière. Celui-là, par exemple. Il dit vouloir entrer dans des crèches pour y tuer "des bébés ...". Des bébés ..., mais aussi leurs parents: les ... en général, en fait. Tous les ... "Pendez les ...", dit-il. Il veut aussi les "écarteler": les écarteler "pour passer le temps". "Que ça pue la mort, que ça pisse le sang"*. On voyait venir ça depuis un bout de temps déjà. C'était dans l'air. Sauf que, maintenant, c'est dit ouvertement et publiquement. On franchit un pallier. C'est de la poésie, dit la Poire. Les créateurs ont leurs propres façons à eux de s'exprimer. Il ne faut pas tout prendre au pied de la lettre. Et si l'on inversait les rôles, dit le Collégien? Je dis ça comme ça. Moi aussi, tenez, je tiens à me montrer créatif. Il y a quand même un problème, dit l'Ecolière. Lorsque ces ... font quelque chose, il est rare qu'ils le fassent sans, au préalable, s'être assurés du feu vert des dirigeants. Qui paye commande. Tu veux dire que ce n'est pas possible, dit l'Avocate? C'est ce que tu penses? Tu connais bien mal les dirigeants. Bref, les gens sont maintenant prévenus, dit le Collégien. S'il leur arrive un jour d'être écartelés vivants, ils ne pourront pas dire qu'ils n'étaient pas au courant. Rassure-toi, dit l'Avocate. Ils le diront quand même. A quand le passage à l'acte, dit l'Ecolière? D'une certaine manière, c'est déjà fait, dit l'Avocate. Passer de la pensée à la parole, c'est en soi déjà un passage à l'acte. Au-delà, regarde autour de toi.

* "Entre la France et ses rappeurs, la fracture fait toujours mal", Le Temps (Lausanne), 28 septembre 2018, p. 4.




9/20/2018

Effleuré

Qu'est-ce que tu penses de cette audition, dit le Nourrisson? Il y a une nouvelle d'Edgar Poe intitulée La lettre volée, dit l'Avocate. C'est un peu pareil ici, mais avec une différence. Dans la nouvelle de Poe, on cherche quelque chose qui est là devant toi, en fait crève les yeux, mais tu as beau chercher tu ne trouves pas, alors qu'en l'occurrence on fait semblant de chercher quelque chose qui est également là devant toi, sauf que cette fois, quand même, tu as trouvé, mais tu ne peux pas le dire, car si tu le disais, ta carrière, alors, se briserait net, elle partirait en petits morceaux. En plus, tu aurais de bonnes raisons de t'inquiéter pour ta santé. Donc voilà. On a surtout cherché à noyer le poisson. A quoi crois-tu que servent ces commissions. Le seul moment où l'on a effleuré la vérité*, juste effleuré, c'est lorsqu'un des membres de la commission, par mégarde peut-être, a interrogé la personne auditionnée sur ses liens éventuels avec des sociétés privées de sécurité. Elle a reconnu en avoir eu quelques-uns: "il y a très longtemps". On peut effectivement penser qu'en 2015, c'était il y a très longtemps. Mais ça s'est arrêté là. C'était l'extrême limite. Au-delà tu pénètres en zone interdite (Restricted area: Do not enter). On aurait pu lui demandé des noms, des détails, pourquoi tel voyage à tel moment (tiens, par exemple, justement, en 2015), etc. Personne, bien évidemment, ne s'y est risqué. Tu sais maintenant ce qu'est un régime d'administration directe (Direct Rule)**.

* Cf. Drone de l'Antipresse, 16 septembre 2018.
** Cf. "En marche" (2), 4 mai 2017.



9/18/2018

Sacrificielle

En plus, il a l'impression, non complètement infondée, reconnaissons-le, de servir de bouc émissaire, dit l'Avocate. Il faudrait ici relire René Girard. Crois-tu par hasard que ce qu'il a fait, les autres ne le font pas également? Evidemment qu'ils le font. Ils font même bien pire, si tu veux savoir. C'est justement, d'ailleurs, parce qu'ils le font que lui-même, également, le fait. Autrement il ne le ferait pas. Tout ce que font ces gens, ils le font parce que les autres le font. On pourrait en dire autant de leurs opinions. Tout ce qu'ils pensent, ils le pensent parce que les autres aussi le pensent. Tu observeras d'ailleurs qu'ils pensent tous la même chose. A côté de ça, il y a les mythes, autrement dit les histoires que les gens se racontent à eux-mêmes (et sur eux-mêmes). Nous, on est blanc comme neige. On n'a jamais rien accepté comme cadeau. On ne sait même pas ce que c'est, en accepter un. Lui, bien sûr, mis à part. Mais c'est l'exception. René Girard parlait d'unanimité sacrificielle. Unanimité, c'est peut-être un grand mot. Les haines mutuelles subsistent. Mais en même temps il y a cette grande fraternité de saintes nitouches. Serrons les rangs. On aime ou on n'aime pas, mais socialement parlant, c'est assez rentable. Aux victimes émissaires consentantes la république bananière reconnaissante. Sauf, semble-t-il, que celui-là ne consent pas. C'est très ennuyeux.



9/16/2018

Huit moins six

A ..., tu peux toucher une rente à vie après huit années seulement passées à l'exécutif, dit l'Avocate. En plus, elle est plutôt confortable: deux ou trois fois le salaire médian. Encore faut-il les avoir faites, ces années-là. Tu vois de qui je parle. C'est un ... comme les autres. Simplement, il a commis une ou deux petites erreurs. Qu'il reconnaît, d'ailleurs. La "justice" enquête à leur sujet. Et donc, comme on pouvait s'y attendre, tout le monde s'indigne (ou feint de s'indigner): ses ex-copains et ... en particulier. Plus, bien sûr, les journalistes (les mêmes, il y a quelques semaines encore, qui multipliaient les courbettes à son endroit). Tous exigent maintenant sa démission. Or lui refuse. Démissionner? Allez vous faire voir. Il faut ici préciser que, dans son cas à lui, la loi ne prévoit pas de procédure de destitution. Elle aurait pu en prévoir une. Non, elle n'a rien prévu. Personne ne peut donc l'obliger à démissionner. De son côté, pourquoi le ferait-il? Il a au contraire de très bonnes raisons de ne pas le faire. Lesquelles? Oh, c'est très simple. Il n'a passé que six ans à l'exécutif. Huit moins six égale deux. S'il veut donc la toucher, sa rente à vie, il lui faut durer deux ans encore. Je ne sais pas s'il réussira à durer deux ans encore. Deux ans, ça me paraît beaucoup. Entre-temps il risque une "condamnation". Mais il pourrait aussi faire recours. Or les recours sont suspensifs. Bref, ce n'est pas a priori impossible. Marrant, non? A sa place je ferais pareil. Les médias parlent de confiance rompue, d'atteinte au bon fonctionnement des "institutions", et patati et patata. J'aime.




8/31/2018

S'il vous plaît

C'était tout à l'heure sur ..., dit l'Avocate. On demande à une universitaire, spécialiste de l'Allemagne, ce qu'elle pense de la révolte anti-... dans les Länder de l'ex-Allemagne de l'Est. Elle dit d'abord quelque chose de juste, à savoir que les réactions là-bas sont les mêmes que dans d'autres pays de l'ancien bloc de l'Est. On lui demande ensuite: à quoi doit-on s'attendre désormais? La voix de la journaliste se fait tremblante, on sent l'angoisse qui la tenaille. Réponse de la spécialiste: il faudrait envoyer là-bas "plus de police". Etrange, cette fascination de certains universitaires pour la police et les solutions policières. D'autant que Mme .., autre spécialiste estampillée, en a envoyé là-bas déjà pas mal, de police. Pas mal, mais pas assez encore. Il faudrait en envoyer davantage encore. Mme ..., s'il vous plaît, encore un effort. S'il vous plaît. On vous en supplie. On parlait en début d'année de la Stasi, l'ancienne police politique de l'Allemagne de l'Est*. Aucun rapport naturellement. Tu veux dire que la Stasi, aujourd'hui, est à l'Ouest et la liberté à l'Est, dit le Nourrisson? La Stasi, aujourd'hui, est partout, dit l'Avocate: à l'Est comme à l'Ouest, au Nord, au Sud, etc. C'est quoi, par exemple, la Dégéèci? Comment ça, dit la Poire? Et la liberté, dit le Nourrisson? Elle est où, la liberté? En 1989, la Stasi n'a pas pu empêcher la chute du régime, dit l'Avocate.

* Cf. "Dans le temps", 9 janvier 2018.




8/17/2018

Se déchirent

Les féministes, aujourd'hui, se déchirent entre elles, dit l'Avocate. Faut-il ou non parler des agressions dont sont victimes les femmes de la part de ... ? Il y a les pour et les contre. Les pour disent qu'ils ne faut pas céder à "l'angélisme", les contre qu'il ne faut pas faire le jeu des ... Le problème est mal posé. Ces idéologues raisonnent comme si seules les femmes étaient victimes d'agressions de la part de ... En réalité c'est tout le monde: les hommes comme les femmes. Sans doute, même, davantage encore les hommes que les femmes. Mais personne ne s'en soucie. Il peut leur arriver n'importe quoi, je parle des hommes: se faire tabasser, voler, insulter, humilier, tuer, c'est comme si cela n'existait pas. Sauf, bien sûr, s'ils se défendent. Là, on les traite de criminels. On pourrait aussi parler des enfants. Qui parle des agressions dont sont victimes les enfants ..., les nôtres, dans les cours d'écoles et même en dehors, de la part de ... ? Donc je veux bien qu'on parle de ces agressions, c'est bien d'en parler. Mais, d'une part, il faut élargir la perspective, traiter du phénomène dans son ensemble, d'autre part ne pas se tromper dans l'interprétation. On parle de "sexisme", cela n'a évidemment rien à voir avec le "sexisme". L'incrimination "sexiste" joue ici le rôle d'écran de fumée. Si des femmes se font aujourd'hui, comme, effectivement, c'est le cas, massacrer dans la rue, ce n'est pas en tant que femmes, mais en tant que femmes ... et ... C'est ça la réalité.


8/15/2018

S'arrêter là

C'était aujourd'hui même sur ..., dit le Collégien. La radio du service public. A un moment donné, l'un des activistes présent a dit: "Imaginez un peu, ces populations vont doubler deux fois d'ici 2100. Nous devons prendre nos responsabilités". Il n'a pas précisé ce qu'il voulait dire exactement par: prendre nos responsabilités. Mais ce n'était pas vraiment nécessaire. Donc voilà. En certaines régions déjà surpeuplées de la planète, les gens ont des familles de 8-10-12 enfants, parfois même davantage encore. Ils ne savent ni comment ils vont les nourrir, encore moins les éduquer, leur trouver plus tard un emploi, etc. Mais ça ne fait rien. Ils continuent. Les autres sont là pour "prendre leurs responsabilités". Tu sais que quand tu causes en public, ta marge de manoeuvre est étroite, dit l'Auditrice. Sur certains sujets, elle l'est même tellement qu'elle se réduit à une seule et unique possibilité: la boucler. Tu peux aussi, il est vrai, aligner un certain nombre de niaiseries. La preuve. Ce n'est pas nous qui en paieront le prix, mais nos enfants et petit-enfants. D'une manière générale, sur ce genre de questions (et d'autres connexes), il y a un tel écart entre ce que tu es autorisé à dire et la réalité que le mieux encore, effectivement, est de ne rien dire. Autrement, tu en prends pour trente ans. Donc, nous aussi, on va s'arrêter là.

7/24/2018

Risque zéro

Comme quoi, quand on en recrute un, pour cette fonction-là en particulier, on a intérêt à ne pas se tromper, dit l'Etudiante. Car si l'on se trompe, c'est beaucoup d'argent dépensé pour rien. Cela passe par des stages, des séminaires, des entretiens en tête à tête, bref, tout un cursus, comme ils disent. Ils le mettent aussi sous observation. A chaque étape, un bilan d'évaluation. Ils font très attention à tout. Cela étant, le risque zéro n'existe pas. C'est ce qu'ils doivent aujourd'hui se dire, les pauvres. Hybris, un mot grec. On peut le traduire par démesure, perte du sens des réalités, mépris des personnes, etc. A l'évidence, dans le cas qui nous occupe, ils ont sous-estimé le risque. Ils vont très certainement, ces prochains mois, être amenés à revoir leur programme d'études, peut-être même le bouleverser de fond en comble. Sauf que l'hybris n'est pas extérieure au travail pour lequel il a été recruté, dit le Visiteur. C'est ce que vous semblez oublier, chère .... Elle lui est consubstantielle. On ne peut pas leur reprocher d'avoir mal évalué les risques liés à l'hybris, puisque, justement, pour mener à bien le travail en question, pas n'importe lequel, comme vous savez, ils avaient besoin de quelqu'un ayant ce profil-là. Ils l'ont aussi choisi pour ça. Pas seulement pour ça, mais aussi pour ça. C'est pour eux une qualité, non un défaut. Ce qui vient de se passer était donc inévitable. L'hybris forme un tout, elle ne se laisse pas découper en lamelles.

7/16/2018

Dissentiment

Et vous remarquerez que personne n'exprime le moindre dissentiment, dit l'Avocate. On ne se le permettrait pas. Panem et circenses. Sauf qu'il y a de moins en moins de pain aujourd'hui. Avec de tels jeux, il est vrai, on peut s'en passer. Plus ou moins. Combien d'argent injecté là-dedans, on ne le saura sans doute jamais: des milliards peut-être. Alors même que l'Etat fait eau de toute part: hôpitaux, prisons, enseignement supérieur, patrimoine, lignes de trains secondaires, etc. Et ces allers-retours en jet de l'administrateur direct*. Là aussi on devrait publier les montants. Sans même parler de l'empreinte carbone. On pense au phénomène Me Too, il y a quelques mois. C'est la même chose, en fait. Le même délire. La même hystérie. On crée un nuage psychique, et hop, ça démarre. Tout est disproportionné. Et à l'Elysée, la garde républicaine qui rend les honneurs. Là, carrément, ça tourne au grotesque. On pense à Caligula et à son cheval Incitatus. A lui aussi on rendait les honneurs.

*Voir "En marche (2)", 4 mai 2017.




7/13/2018

Les taux

Je ne fais que dire la réalité, dit le Géologue. Interrogez mes collègues : tous vous diront la même chose. On travaille avec ce qu'on nous donne. Or ce qu'on nous donne est très insuffisant. Impossible donc de satisfaire aux exigences du cahier des charges. L'Etat le sait, mais fait comme s'il ne le savait pas. Voyez cette voie: c'est deux cents trains au quotidien. Un jour ou l'autre il y aura un accident. L'Etat se veut économe de l'argent des contribuables, dit la Poire. C'est tout à son honneur. En anglais on dit: New Public Management. Je trouve cela très bien. L'Etat est un acteur économique comme les autres. Il lui faut donc réduire les coûts. Je comprends bien que l'Etat veuille faire des économies, dit le Géologue. Mais il y a les conséquences. Qu'il assume, en ce cas, aussi les conséquences. Les morts, il les fait passer par profits et pertes. On ne peut pas. Ce que l'Etat achète, il doit le payer au juste prix. Soit, dit le Visiteur. Mais ce n'est pas l'Etat qui décide. Ce sont les banques. L'Etat, aujourd'hui, appartient aux banques. Et donc ce sont les banques qui décident. Et si l'Etat n'obéissait pas aux banques, dit l'Ecolière? Je dis ça comme ça. S'il disait aux banques d'aller se faire voir? Les taux, alors, montent très vite, dit le Visiteur.




6/28/2018

Limiter

Le problème est celui des risques, dit le Colonel. Comment limiter les risques? Je me suis à plus d'une reprise déjà exprimé à ce sujet. Je n'y reviens pas. Un mot, quand même, à propos de l'Internet. C'est le professionnel ici qui s'exprime. Il faut être très bête et très stupide, d'une grande légèreté également, pour utiliser l'Internet quand on entreprend aujourd'hui un certain nombre de choses. On ne devrait jamais l'utiliser. Et quand je dis jamais c'est jamais. Partez de l'idée que tous vos mail sont lus, y compris ceux soi-disant cryptés (ces derniers surtout). Ensuite, si vous tenez absolument à être filé, tracé, localisé, continuez tranquillement, comme jusqu'ici, à utiliser votre portable. Vous ne serez jamais déçu. Autrement apprenez à vous en passer. Quand vous avez quelque chose de particulier à dire à quelqu'un, vous vous déplacez vous-même pour aller voir la personne (prenez le bus ou le train). Ou alors utilisez une boîte aux lettres morte, comme on le faisait autrefois. C'est un pied de nez à la modernité. Dans ce domaine comme en d'autres, il est parfois utile, que dis-je: vital, de se démoderniser. Vous disparaissez alors très largement des radars, devenez invisibles*. Pour le reste, ne gardez jamais rien d'important chez vous. Faites comme le faisait déjà Jean Valjean dans Les Misérables: les choses importantes, enterrez-les dans la nature. Pas n'importe comment, bien sûr. Mais enterrez-les. Etc.

* Cf. J.J. Luna, How to be invisible, St. Martins's Press, 2012.

6/08/2018

Avant même

Il y a, comme vous le savez, deux espèces très différentes de ..., dit le Visiteur: le ... ciblé, d'un côté, aveugle de l'autre. Les deux sont tout à fait condamnables. Mais le premier passe pour plus civilisé que le second: ce qu'il est dans une certaine mesure, puisqu'il épargne des innocents (c'est le thème d'une pièce de Camus: Les Justes). Mais il demande aussi plus d'investissements: en temps, en argent,  en vérifications diverses, etc. Parallèlement aussi, il expose à plus de périls. C'est souvent l'oeuvre de résistants, d'opposants au régime, etc. La police n'a pas trop de peine à prévenir de tels actes. Avant même, bien souvent, que leurs auteurs aient seulement commencé d'y penser, l'Etat de droit débarque déjà avec ses robocops. Vous voulez dire quoi par là, dit la Poire? Rien de particulier, dit le Visiteur. Ne vous affolez pas. Les services spéciaux, il faut en convenir, ont un peu plus de mal avec le ... aveugle, dit l'Avocate. Là, ils arrivent régulièrement en retard. Etrange. Les services spéciaux ont bien d'autres tâches à accomplir que d'organiser eux-mêmes des attentats, dit la Poire: si c'est ça que vous voulez dire. Même pour terroriser la population. On devrait écrire une suite aux Justes, dit l'Ecolière: ne trouvez-vous pas? Non pas les Injustes, mais les Hyper-justes. Les Justes encore plus justes que les autres. Allez, on s'y met.







6/06/2018

Bien-aimés

Ce n'était, à l'origine, qu'une petite scène ouverte, comme il en existe un certain nombre d'autres en ..., dit l'Auditrice: une petite zone de non-droit. Mais avec les années elle s'est étendue à la ville dans son ensemble*. Juste une remarque. Te viendrait-il seulement à l'esprit de dire que cette scène ouverte serait une suite normale et logique de l'actuelle politique d'..., celle voulue et mise en oeuvre depuis je ne sais combien de décennies par nos dirigeants bien-aimés? Allons même plus loin: un très bon abrégé: Dope-City comme métonymie? Tu le penses, peut-être. Mais le dire? Les gens ont une famille, un emploi, etc. Bref, ils enfouissent tout cela en eux. Sauf que les dirigeants eux-mêmes sont parfois amenés à dire ce qu'ils interdisent aux autres de dire. Pas directement, certes, mais indirectement. Par exemple: "Si vous critiquez cette scène ouverte, c'est nécessairement aussi que vous nourrissez de coupables pensées à l'endroit de nos petits chéris: nos sacro-saints petits chéris. Autrement, vous ne le feriez pas. Vous êtes des ..., de sales ..." Ont-ils complètement tort en le disant? Ce n'est peut-être pas le plus important. L'important, c'est que, lorsqu'ils le disent, ils disent aussi ce qu'il est par ailleurs interdit de dire. Non pas, il est vrai: "je les nourris", mais: "un tel (qu'ils désignent rituellement à la vindicte publique) le fait". On ne savait pas que cela existait: pouvait seulement exister. Maintenant hélas, oui, on le sait. C'est très préoccupant.

* Cf. "On ne le voit plus", 10 mai 2009.

6/01/2018

Tu verras

Petit résumé, dit le Nourrisson. Cet élu est sous enquête depuis maintenant près d'un an. Motif (je cite): "obtention d'avantages indus". On ignore s'il y a eu ou non des contreparties, certains pensent que non. Et si oui, lesquelles. C'est sa propre police à lui, celle placée sous ses ordres, qui est chargée de l'enquête. Tu me diras que c'est impossible. Comme c'est la réalité, c'est forcément aussi possible. Jusqu'au mois dernier, personne n'était au courant de rien. Black-out total. Ils attendaient que les élections soient passées. Les élections sont maintenant passées, et donc les choses sortent. Mais ils s'en fichent. Comme quoi, quand ils le veulent bien, ils sont tout à fait capables de respecter le secret de fonction, dit l'Avocate. Tu découvres la vie, mon bébé: c'est bien. Tu verras, le monde est plein d'autres merveilles significatives de ce genre. Hier, c'était leur prestation de serment à la ..., dit le Nourrisson. Ils étaient tous là, je te tiens, tu me tiens, etc. Cérémonie sous haute surveillance, des flics partout. A la fin, ils ont chanté le... C'est ce qu'on appelle une république ..., dit l'Avocate. Retiens bien l'expression. Et tout cela au grand jour, dit le Nourrisson. Ils ne prennent même plus la peine de se cacher. Pourquoi en prendraient-ils la peine, dit l'Avocate? Pour qu'ils y songent seulement, il faudrait qu'ils risquent quelque chose. Dis-moi un peu ce qu'ils risquent.




5/17/2018

Différées

Qu'y a-t-il de pire, dit l'Ecolière: faire des morts en défendant ses frontières ou ne pas faire de morts en ne défendant pas ses frontières? Tu poses mal le problème, dit l'Avocate. Quand on ne défend pas ses frontières, on fait quand même des morts. Pas tout de suite, certes. Mais plus tard. Souvent même bien plus tard (cinq, dix, vingt, cinquante ans plus tard). En très grand nombre, par ailleurs. En beaucoup plus grand nombre, même, que lorsqu'on défend ses frontières. Ce sont des morts différées. Mais des morts quand même.

5/16/2018

S'en passer

Juste une question, dit l'Ecolière: ces gens, a priori, qui défendent leurs frontières, les défendent-ils bien ou mal ? Oh là là, dit l'Avocate. Je sens que je vais avoir des ennuis. Voyons voir. Machiavel écrit: "Ce qui est à désirer, c'est que si le fait l'accuse, le résultat l'excuse"*. Le résultat est là. Soit on a une armée et l'on s'en sert, soit autant s'en passer. On devrait peut-être s'en passer. Autre question, dit l'Ecolière: ce qu'ils font, ont-ils la légitimité nécessaire pour le faire? On peut soutenir le pour et le contre, dit l'Avocate. Les deux se soutiennent. Et chez nous, dit l'Ecolière? Il faudrait ici renverser la formule de Machiavel, dit l'Avocate: "Si le fait l'excuse, le résultat l'accuse".

* Machiavel, Discours sur la Première décade de Tite-Live, I, 9.




5/07/2018

Eventuellement

Ecoute-les un peu, dit l'Ecolière. On dirait qu'on les étrangle. Sacré Trump. Il ne dit pourtant rien de très extraordinaire. Il est clair que si les personnes présentes ce soir-là au ... avaient été armées, elles seraient aujourd'hui encore en vie. Il enfonce une porte ouverte. Ce qui les gêne, ce n'est pas tant ce qu'il dit que ce qu'il ne dit pas, dit l'Avocate. Revenons-en à cette soirée du 13 novembre 2015. Lorsque les ... pénètrent dans le ..., il est 21 h 40. L'assaut final de la police a lieu à 0 h 18. 0 h 18, c'est deux heures et demi plus tard. Autre chose encore. A proximité même du ..., il y avait une patrouille de l'opération Sentinelle. Quand les soldats contactent leur hiérarchie pour lui demander l'autorisation d'intervenir, la réponse est: "Négatif, vous n'engagez pas les militaires, on n'est pas en zone de guerre"*. Tu me suis? Je pensais que tu allais me parler du soutien qu'ils apportent à un certain nombre d'organisations ... au Moyen Orient, dit l'Ecolière. Soyons justes, dit l'Avocate. Ils ne sont pas seuls à le faire. Beaucoup d'autres aussi le font. Ce n'est d'ailleurs qu'un simple soutien moral. Rien d'autre. Ou encore de leurs liens présumés avec certaines catégories de petits chéris, dit l'Ecolière: ceux, justement, qui se trouvent là-bas (au fait, par quel miracle?). Il ne faut pas croire tout ce qu'on raconte, dit l'Avocate. Et donc, dit l'Ecolière? En disant ce qu'il dit, Trump se place au plan des faits, dit l'Avocate: quid facti? Moi, je me place au plan du droit: quid juris? Quand l'Etat ne te protège plus de rien, ce qui est le cas aujourd'hui, que se passe-t-il? Ce qui ne se passe justement pas aujourd'hui. Mais pourrait éventuellement se passer demain. C'est un droit naturel.

* Source: "Chronologie des attentats du 13 novembre 2015 en France et leurs conséquences", Wikipédia (consulté le 7 mai 2018).

4/25/2018

Points aveugles

Climène, féministe, enseigne les études genre à l'Université de ..., dit la Lectrice. Dans un entretien au Journal*, elle déclare: "Le féminisme doit réfléchir sur ses propres points aveugles, en particulier au sujet de l'...phobie". Tout le monde sait plus ou moins quelle est la place de la femme dans l'... Les études à ce sujet ne manquent pas (Chahdortt Djavann, Anne-Marie Delcambre, etc.). Il serait donc logique que le féminisme en vienne à réfléchir sur l'...philie ("point aveugle", s'il en est: pas seulement, d'ailleurs, du féminisme). C'est ce que Climène devrait recommander. Non, c'est le contraire. Il faut, dit-elle, réfléchir sur l'...phobie. Elle parle d'aveuglement. Peut-on, à ce degré-là, s'aveugler ainsi soi-même sur la réalité? Peut-être, effectivement, ne la voit-elle pas, dit l'Avocate. C'est une idéologue, elle vit donc dans sa bulle. Ou alors la voit-elle. Mais cette réalité-là la gêne. Elle s'arrange donc pour ne pas la voir. C'est assez classique. Bref, non seulement elle n'éclaire aucun point aveugle, mais elle contribue à rendre plus aveugle encore un point qui l'est déjà beaucoup, dit la Lectrice. C'est quoi ce magma? Elle dit ce qu'elle croit (à juste titre, d'ailleurs) qu'on attend d'elle qu'elle dise, dit l'Avocate. Beaucoup de gens sont comme ça. Imagine un peu ce qui se passerait si elle s'écartait du droit chemin. Quel scandale. Dans ses livres, Zinoviev évoque les lois générales du comportement humain. Ce sont les lois générales du comportement humain.

* 18 avril.



4/14/2018

Se décline

Apparemment, ils se tâtent, dit l'Ecolière. Quelque chose me dit qu'ils ont peur. La dissuasion repose sur la peur, dit le Colonel: peur, en l'occurrence, qu'on peut bien comprendre. Ce qu'on ne comprendrait pas, c'est qu'ils n'aient pas peur. Quid, alors, de ce qui s'est passé aujourd'hui, dit l'Ecolière: comment l'interpréter? Tous leurs plans se sont effondrés, dit le Colonel. L'Etat ... qu'ils ont créé (et ont continué d'ailleurs, jusqu'à la fin, d'armer et de financer) n'existe plus. Les groupes ... à leur solde sont en pleine déroute. A un moment donné, ils se devaient de marquer leur mécontentement. Leur rage, si tu préfères. Et maintenant, dit l'Ecolière? Le postulat de base de la dissuasion, c'est que les acteurs politiques ne perdent pas tout sens rationnel, dit le Colonel. Si on le perd, on sort alors de la dissuasion. La dissuasion n'a plus cours. On entre dans autre chose. L'apocalypse, par exemple. Jusqu'ici, ils ont respecté certaines limites. Mais pour combien de temps encore les respecteront-ils? Il faut bien voir à qui l'on a affaire. La raison ne pèse que très peu au regard de l'instinct de mort. L'instinct de mort se décline, en l'espèce, comme affairisme, incurie, corruption, paresse, hypocrisie, inculture, cynisme, absence totale de moralité, d'autres choses encore de ce genre. La haine qu'ils éprouvent à l'égard de leurs propres populations est par ailleurs notoire. A partir de là, tu conclus.



4/10/2018

Répéter l'opération

Il y a longtemps, en fait, qu'ils y pensent, dit le Colonel. Mais cette fois ils semblent déterminés. Tu parles des Etatsuniens, dit l'Ecolière? Remontons à 1941, dit le Colonel. A l'époque, pour forcer le Japon à entrer en guerre, ils l'avaient, comme tu le sais, soumis à un blocus. Les Japonais se laissèrent ainsi piéger, et ce fut Pearl Harbour. Les Etatsuniens essayent aujourd'hui de répéter l'opération. Les sanctions russes, c'est quoi? Or ils se heurtent à deux difficultés. D'une part, la Russie n'est pas le Japon. On peut la mettre sous blocus, elle résiste plutôt bien. Mais surtout, Poutine n'est pas l'amiral Tojo: ça, c'est très ennuyeux. Dès lors, quelle alternative? Un Pearl Harbour à l'envers, peut-être. On va peut-être vers ça. Avec utilisation, cette fois, d'armes nucléaires (First Strike Strategy). Pourquoi les Etatsuniens veulent-ils la guerre, dit l'Ecolière? Pourquoi voudraient-ils la paix, dit le Colonel? Regarde un peu l'état de leur monnaie, celui aussi de leur balance commerciale. La guerre résout bien des problèmes. Et les Européens, dit l'Ecolière? Pourquoi s'alignent-ils, comme ils le font, sur les Etatsuniens? Si tu parles des dirigeants, il n'y a là aucun mystère, dit le Colonel. Polanski a très bien décrit cela dans un de ses films*. Quant aux populations elles-mêmes, elles pensent comme on leur demande de penser. C'est tout. Elles sont complètement anesthésiées. Mais je te l'accorde, c'est impressionnant. Jamais l'image des foules qu'on mène à l'abattoir n'aura été aussi appropriée.

* The Ghostwriter.


4/08/2018

Nul ne l'ignore

A la radio*, tout à l'heure, ils ont une nouvelle fois dit tout le bien qu'ils pensaient de la Hongrie, dit l'Auditrice. Et plus particulièrement des médias hongrois. A les en croire, ces derniers n'auraient rien à envier à leurs homologues de Corée du nord. Ce serait même pire encore. Oui, car ils parlent de choses dont, en fait, personne ne devrait jamais parler: de la ... des ... Il est totalement inadmissible de parler de ces choses. Qui d'ailleurs, comme vous le savez, n'existent pas. Les ..., faut-il le rappeler, sont des personnes d'une très grande douceur. Leur culture d'origine les y prédispose, d'ailleurs. Ils n'ont jamais agressé personne. En plus, ils aiment beaucoup les Européens, leur civilisation, etc. Ces mêmes médias poussent la désinformation jusqu'à prétendre que des villes comme Paris et Berlin seraient aujourd'hui devenues, de leur fait, des endroits dangereux. Du pur délire, n'est-ce pas. Nos propres médias en apportent immédiatement, d'ailleurs, la démonstration. Leur est-il arrivé une seule fois, ces douze derniers mois, d'évoquer ces problèmes qui n'en sont pas? Il n'y a qu'en Hongrie, un peu peut-être aussi en Pologne, en Tchéquie et en Slovaquie, qu'on le fait. Mais ces pays ne sont justement pas des Etats libres (ce qu'est, en revanche, indiscutablement la France). Savent-ils seulement aussi ce que veut dire le mot probité (pour ne pas même articuler celui d'objectivité)?

* 8 avril, en soirée.

3/29/2018

Imaginez

Juste une chose, dit l'Ethnologue. Imaginez ce qui se passerait si un militaire, celui-là même ou un autre, laissait un message sur Internet pour dire, comme l'a fait un jour le président Poutine, que les ... devraient être poursuivis jusque dans les chiottes. Ou, mieux encore, passait à l'acte. En plus, en tirant la chaîne. Cela n'arrivera bien sûr jamais. Mais imaginez. Imaginez aussi les commentaires dans le Journal, à l'Emission, etc. La Russie nous pose un réel problème, dit l'Apparatchik. Il y a des limites à ne pas dépasser. On ne transige pas sur les valeurs. Nous devons nous montrer très fermes.



3/28/2018

Son arme

Cet homme jette son arme, lève les mains en l'air, très logiquement ensuite on l'égorge, après quoi l'Etat organise une cérémonie en son honneur, dit l'Ecolière. Je ne comprends pas. Qu'est ce que tu ne comprends pas, dit l'Avocate? Il a fait ce que l'Etat lui demandait de faire. Il est donc normal qu'on lui rende hommage. On lui demandait de se suicider, dit l'Ecolière? Tous les jours, si tu tends un peu l'oreille, on te dit de jeter ton arme, de lever les mains en l'air, dit l'Avocate. C'est même, aujourd'hui, devenu le discours dominant. Les bras en l'air, jette ton arme, on n'entend plus que ça: dans le Journal, à l'Emission, etc. Autrement dit, effectivement, suicide-toi. Ou des variantes : allez, dégage, ôte-toi de là, couche-toi, tais-toi, soumets-toi, etc. Si tu critiques tant soit peu ce qui précède, te voilà aussitôt mis en examen, invectivé, moqué, traîné dans la boue, etc. Donc oui: cet homme a fait ce qu'on lui demandait de faire. Il a aussi pris la place d'un otage, dit l'Apparatchik. C'est un acte de grande bravoure. Je ne parle pas de ça, dit l'Avocate. Bien sûr, c'est très courageux. Et alors? On pourrait aussi citer Soljénitsyne, dit le Visiteur: "Le christianisme est la foi des forts en esprit. Nous devons avoir le courage de voir le mal sur cette terre et de l'extirper"*. De l'extirper, pas de s'offrir soi-même en holocauste.

Le Premier cercle.







3/25/2018

Différence

Tiens, ils ont quand même fini par l'attraper, dit le Double. Quelle idée, aussi, d'aller se promener en Allemagne. Ignorait-il qui était Mme ...?  Ce qu'il y a d'intéressant, dans ce kidnapping, c'est la différence qu'il fait apparaître entre grands et petits pays, dit le Cuisinier. Dans les petits pays (Belgique, Pays-Bas, Danemark, Finlande, Suisse), tu peux encore circuler sans trop de risques. L'habeas corpus y est, dans une certaine mesure encore, une réalité. Je dis dans une certaine mesure, car même dans ces pays relativement encore favorisés on ne sait jamais trop ce qui peut arriver. Eux-mêmes, ces pays, n'échappent pas à l'évolution générale: lois antiterroristes, juridictions assujetties, atteintes aux droits individuels, etc. Mais, enfin, toute trace d'Etat de droit ne s'y est pas encore complètement effacée. Les services spéciaux s'astreignent encore à une certaine retenue. Etc. Il en va différemment des grands pays: France, Espagne Allemagne. Personnellement j'évite d'y mettre trop souvent les pieds. En fait, je ne le fais plus. C'est beaucoup trop dangereux. On n'évoque que rarement cette ligne de fracture entre grands et petits pays en Europe. Mais elle est importante, aussi importante, sinon davantage encore, que celle, souvent évoquée, entre l'Est et l'Ouest du continent. Ces deux lignes de fracture ne se recoupent pas, mais objectivement parlant, parfois, se chevauchent, et un jour ou l'autre, effectivement, pourraient se recouper.



3/23/2018

D'actualité

Tiens, lis ça, dit l'Avocate. C'est d'actualité. "Il n'y a plus à réagir aux nouvelles du jour, mais à comprendre chaque information comme une opération dans un champ hostile de stratégies à déchiffrer, opération visant justement à susciter chez tel ou tel, tel ou tel type de réaction; et à tenir cette opération pour la véritable information contenue dans l'information apparente"*. Tu penses à cette mise en examen, dit l'Ecolière? Pas particulièrement, dit l'Avocate. Mais bon, on peut en parler, si tu veux. L'information apparente, c'est que la justice fait son travail. Soit, la justice fait son travail. Voyons maintenant l'information véritable. Rappelle-toi ce que le Visiteur disait il y a quelques mois. C'était juste après l'élection présidentielle. L'ère des princes-esclaves, aujourd'hui, est close, disait-il. On est entré dans une ère nouvelle, celle de l'administration directe (Direct Rule)**. Quel rapport, dit l'Ecolière? On n'a plus besoin aujourd'hui de valises de billets, dit l'Avocate. Tu exécutes les ordres, c'est tout. C'est pour ça qu'ils l'ont mis en examen, dit l'Ecolière? Ce qu'ils attendent de toi, c'est que tu t'adaptes, dit l'Avocate. Les juges en montrent l'exemple, ils se sont adaptés. Il n'y a pas de raison pour que tu ne t'adaptes pas toi aussi. Soit tu t'adaptes, soit ils te mettent en examen. L'information véritable, elle est là.

* Comité invisible, L'insurrection qui vient, La fabrique, 2007, p. 83.
** Voir "En marche (2)", 4 mai 2017.

3/06/2018

Tel numéro

Tiens, regarde, dit l'Ecolière. On est vraiment en 1984. Je parle de ces affiches. Question bête: dans le roman d'Orwell, 1984, les personnages ont-ils conscience de l'être, en 1984 ? Tu dis qu'on est en 1984, dit l'Avocate. En fait, on est très au-delà. Les gens en ont-ils conscience? Tu donnes toi-même la réponse. De quoi les gens ont-ils aujourd'hui encore conscience? L'Etat incite à la délation, dit l'Ecolière. Appelez tel numéro, écrivez à telle adresse, etc. On n'avait plus vu cela depuis Vichy. N'exagérons rien, dit l'Avocate. L'Etat en a toujours appelé à la délation. Autrement, comment fonctionnerait-il? Simplement, à certaines époques, il se fait plus insistant. Juste un chiffre, dit l'Ecolière. Entre 1940 et 1944, les autorités d'occupation ont reçu plus d'un million de lettres de dénonciation. Ernst Jünger en parle dans son Journal. Il dit son écoeurement. Les gens, effectivement, hommes ou femmes, aiment bien dénoncer leur prochain, dit l'Avocate. C'est un vieux réflexe. Un million, dis-tu? C'était avant le numérique. On devrait, cette fois, facilement atteindre les dix, voire les cinquante millions. En somme, si l'on te suit bien, non seulement les gens n'ont pas conscience d'être entrés dans une nouvelle ère totalitaire, mais s'ils en avaient conscience, ils approuveraient ce qui se passe, dit l'Ecolière. Tu en doutes un seul instant, dit l'Avocate?



2/25/2018

Hyperbole

Laissons de côté les églises, qui vont disparaître*, pour nous recentrer sur l'Evangile, dit l'Ethnologue. Que dit-il du sexe? Le passage essentiel est Marc, chapitre 10. Ce chapitre traite de l'ancien et du neuf: qu'est-ce que l'Evangile apporte de nouveau, d'original, etc. Marc, chapitre 10, se construit sur deux grandes paroles: l'une relative au sexe, l'autre à l'argent. La première dit: "Que l'homme donc ne sépare pas ce que Dieu a uni"**. Et la seconde : "Ce que tu as, vends-le, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel"***. Ce sont deux préceptes extrêmes. Faut-il les prendre au pied de la lettre? Encore une fois, Marc, chapitre 10, forme un tout. Autrement dit, ces deux paroles s'éclairent l'une l'autre. Si l'une est prise au pied de la lettre, l'autre aussi doit l'être. Et inversement. Personnellement, je pense que le second précepte ("Ce que tu as, vends-le, etc.") n'est pas à prendre au pied de la lettre. C'est juste une manière de dire: ne vous laissez pas asservir à l'argent. Prenez vos distances par rapport à ça. L'auteur recourt ici à une hyperbole. "L'hyperbole, dit La Bruyère, exprime au-delà de la vérité pour ramener l'esprit à la mieux connaître"****. C'est le cas en l'occurence. Ce précepte "exprime au-delà de la vérité pour ramener l'esprit à la mieux connaître". Il en va de même du premier précepte ("Ce que Dieu a uni", etc.). Divorcer ou ne pas divorcer, quelle importance. Ce qui compte, c'est le rapport au sexe. Ne pas en abuser. Garder ses distances. Comme pour l'argent.

* Voir "L'autel (1)", 27 Janvier 2018.
** 10, 9.
*** 10, 21.
**** Les Caractères, "Des Ouvrages de l'esprit", 55.

2/20/2018

Craquent

Pardonnez-moi, mais il enfonce des portes ouvertes, dit le Sceptique. Il dit* qu'on est dictature. Quelle grande nouvelle. Il nous en apprend des choses. Qu'on soit en dictature, tout le monde le sait très bien. Il évoque la non-séparation des pouvoirs entre le législatif et l'exécutif, le fait que le législatif se soit transformé en simple chambre d'enregistrement. Là encore, il dit des choses connues de tous. C'est ce qu'on observe en France, mais pas seulement en France. Voyez la Suisse, l'Allemagne, etc. Quant à la justice... Avez-vous déjà vu un juge désobéir aux ordres venus d'en haut? Le pouvoir exécutif est aussi séparé du pouvoir judiciaire qu'il ne l'est du pouvoir législatif. Il faut être bien naïf pour croire le contraire. Personne d'ailleurs ne le croit. Parlons maintenant des médias. Qui croit encore à l'indépendance des média: vous y croyez, vous? Lisez un peu le Journal, écoutez l'Emission. Elle est belle, leur indépendance. On pourrait développer si vous le voulez, mais je n'en vois pas vraiment la nécessité. Tenez, en revanche, ça tombe bien. Ce matin même, on a publié les statistiques des arrêts-maladie. Elles ont augmenté de 8 % par rapport à l'année précédente. Les gens n'en peuvent plus de travailler comme on les y contraint aujourd'hui. A ce rythme. Toujours plus de tâches en des temps toujours plus resserrés. Et donc ils craquent. C'est cela aussi, la dictature. Tout se tient, il est vrai.

* Laurent Wauquiez, le président des "Républicains".



2/08/2018

Juste un peu (3)

Voilà à quoi mène le complotisme, dit l'Activiste. On comprend mieux, en vous écoutant, les raisons qui ont pu conduire le président à créer ce nouveau délit: le délit de fabrication de fake news. J'ose espérer, comme il l'a promis, que les peines encourues seront suffisamment dissuasives. Si je puis me permettre, vous confondez avec le harcèlement de rue, dit l'Etudiante. Le président ne parlait pas des fake news, mais du harcèlement de rue. C'est à ce propos qu'il a dit que les peines encourues devaient être suffisamment dissuasives. C'est la même chose, dit l'Activiste. Vous serez d'accord, je pense, avec moi pour dire que les fake news sont une forme de harcèlement. L'inverse aussi, d'ailleurs. Bon, je m'emmêle un peu ici les pinceaux. C'est de votre faute. Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. Vous voulez rétablir la peine de mort, dit l'Etudiante? Nous avons une responsabilité à l'égard des jeunes générations, dit l'Activiste. On ne saurait les laisser lire ou avaler n'importe quoi. Cela pollue le débat démocratique. En principe, je suis contre. Mais il faut toujours prévoir des exceptions. Autrement, trente ans. La loi devrait également être rétroactive. Sans limite de prescription, bien entendu. La parole se libère, dit l'Ecolière.






2/07/2018

Juste un peu (2)

Ils sont dans le rôle, dit l'Ethnologue. Quoi là d'anormal. Cela remonte même à assez haut dans le temps: "Directement ou indirectement, les lois s'opposent toujours à la liberté du mouvoir, elles opposent le mû au mouvoir des personnes. Le mû, c'est l'essence construite du pouvoir sur l'autre; son ultime conséquence, c'est l'immobile, la mort infligée. La montée de l'Etat occidental, ce n'est que l'expansion de son étant contre tout existant, la production et la reproduction de son champ de stratagèmes, champ artificiel créé entre les pôles opposés du mouvoir et du mû, et qui aujourd'hui n'est plus seulement celui d'une armée, d'une police, d'une administration, mais celui de l'ensemble planétaire"*. On en est là aujourd'hui. On ferme aujourd'hui les jardins publics. Demain ce seront les forêts elles-mêmes qui seront interdites d'accès. Les montagnes. Cela a d'ailleurs déjà commencé. Faites un peu le compte de l'ensemble des endroits aujourd'hui interdits d'accès, pour une raison ou une autre (militaire, écologique, industrielle, sanitaire, etc.). A quoi, par ailleurs, croyez-vous que sert le loup archi-protégé, dont la présence est maintenant signalée à proximité immédiate de certaines zones habitées? Très certainement à encourager les gens à sortir de chez eux.

* Paul Virilio, L'insécurité du territoire, Galilée, 1993, p. 81.

2/06/2018

Juste un peu (1)

Tiens, dit le Collégien. Ils sont à nouveau en édition spéciale. La dernière fois, c'était à cause du décès d'une chanteuse des années 60. Un événement cosmique, n'est-ce pas. Aujourd'hui, c'est à cause de la neige. Je n'ai rien contre la neige, encore moins contre les années 60, mais certaines choses ne sont-elles pas plus importantes? Précisément, dit l'Avocate. Pendant que les gens pensent à la neige ou aux années 60, ils ne pensent pas au reste: aux petits chéris, par exemple. Ou encore à l'article 20 de la loi de programmation militaire de 2014, qui légalise l'espionnage généralisé. En fait, ils ne pensent pas. C'est ça le but: empêcher les gens de penser. Si, en effet, les gens se mettaient un peu à penser, juste un peu, les dirigeants auraient peut-être la tâche moins facile. On appelle ça un dérivatif. Autre chose encore. Tu as vu qu'ils insistent beaucoup, ces jours-ci, pour que les gens ne sortent pas de chez eux: "Restez chez vous, ne prenez pas de risques inutiles", etc. Ce ne sont encore que des conseils. Mais demain cela pourrait devenir des ordres. D'autres, avant moi, l'ont relevé: "Les responsables ferment d'ores et déjà tout jardin public, dès lors que le moindre coup de vent s'annonce qui pourrait faire tomber une branche sur la tête d'un malheureux... Cette dérive imbécile ne cesse d'enfler jour après jour. On peut donc être assuré que l'interdiction de sortie de chez soi est pour demain et non pas après-demain!"* Cette dérive n'a rien, en fait, d'imbécile. Elle est tout à fait pensée, délibérée.

*François de Bernard, L'Homme post-numérique, Yves Michel, 2015, p. 79.






1/28/2018

L'autel (2)

Tu viens de parler de l'union du trône et de l'autel, dit l'Ecolière. En fait, c'est ce que représente la photo: l'union du trône et de l'autel. On appelle ça, je crois, un déplacement métaphorique. Est-ce que je me trompe? Lequel des deux est le trône, dit le Collégien? Et lequel l'autel? Il n'y a qu'à leur demander, dit l'Ecolière. Bon, si l'on parlait d'autre chose, dit l'Avocate. Ces gens ne sont pas si intéressants. Une métaphore, pardonne-moi, c'est toujours intéressant, dit l'Ecolière. Tu as raison, dit l'Avocate. En voici donc une autre: "Laisse les morts enterrer leurs morts"*.

* Luc, 9, 60.

1/27/2018

L'autel (1)

Regarde, dit le Collégien: c'est vraiment la fin*. De quoi parles-tu, dit l'Avocate? Ah, c'est cette photo?** C'est elle qui te choque? Qu'a-t-elle, en vérité, de si choquant? Ils ont pris pour sujet les LGBT, après tout c'est leur droit. Ils avaient besoin d'une photo, la voilà. Cela ne se fait plus depuis longtemps de publier de textes sans photo. Bon, c'est vrai, les gens tout nus ne sont jamais très beaux à voir. On les préfère, en règle générale, un peu habillés: juste un peu. Je te le concède. Même quand ils couchent ensemble. Surtout, en fait. En plus, l'illustration s'intitule "Crucifixion": on ne voit pas trop bien le rapport. Mais laisse. Si ça les amuse... C'est aussi une manière pour eux de se valoriser aux yeux des dirigeants, de leur dire: voyez, on est de votre bord (le bon), vous pouvez compter sur nous. On ne va quand même pas leur en faire grief. Il y a dix-sept siècles qu'ils fonctionnent ainsi, ce n'est pas aujourd'hui qu'ils vont changer. Autrefois on disait: l'union du trône et de l'autel. Ils perpétuent la tradition. Eadem sed aliter. Tu comprends un peu, je crois, le latin. Par ailleurs, tu l'auras remarqué, ils oeuvrent pour le bien commun. L'un des deux androïdes de sexe masculin représentés sur la photo est ..., l'autre ... Le premier, un anneau à l'oreille, enlace dans ses bras le second. Tu vois le message. C'est quand même un journal d'église, dit le Collégien. Le christianisme affirme la liberté de l'homme face à ses pulsions. Il défend l'abstinence, l'ascétisme***, etc. Que vont dire les fidèles? Rien, dit l'Avocate. Il n'y a plus de fidèles.

* Voir "C'est pas son truc", 7 novembre 2016.
** Réformés (Lausanne), février 2018, p. 10.
*** Emmanuel Todd, Où en sommes-nous? Une esquisse de l'histoire humaine, Seuil, 2017, p. 129.

1/23/2018

50/50

Vous connaissez le mot de Nietzsche, dit l'Avocate. "Que l'homme ait crainte de la femme lorsqu'elle hait: car l'homme n'est, au fond de son âme, que méchant: mais la femme est, au fond de la sienne, mauvaise" (1). Et les violences faites aux femmes, dit la Poire? Vous oubliez les violences faites aux femmes. Ce matin même, à la radio, ils ont dit que les deux tiers des violences au sein du couple étaient imputables à l'homme (2). Elargissons un peu la question, dit l'Avocate. Il est aujourd'hui acquis que beaucoup de femmes se disant victimes de viol ne disent pas la vérité. Aux Etats-Unis leur proportion serait de 40-45 % (3). Je ne veux pas dire par là que toutes les femmes se disant victimes de violences au sein du couple inventent ce qu'elles racontent. Toutes, non. Mais si l'on raisonne par analogie, 40-45 % me semble un chiffre plausible. Ce chiffre en recoupe un autre, dit l'Etudiante: celui des fausses allégations de pédophilie lancées par des enfants, à l'instigation de leur mère, contre le père au moment du divorce. L'American Psychological Association les évalue à 50 %, "certains disent 75%" (4). Cela se passe aux Etats-Unis, mais il n'y a pas de raison de penser que les gens mentent moins en Europe qu'aux Etats-Unis. Et donc, dit la Poire? Ce chiffre de deux tiers que vous citez est surévalué, dit l'Avocate. Le chiffre réel doit tourner autour de 50/50. C'est conforme à l'observation empirique, à ce qu'on sait par ailleurs de la nature humaine.

(1) Ainsi parlait Zarathoustra, I, "De petites jeunes et de petites vieilles" (trad. Maurice de Gandillac).
(2) RTS, vers 8 h.
(3) Alain de Benoist, Les Démons du bien, Pierre-Guillaume de Roux, 2013, p. 212.
(4) Marcela Iacub et Patrice Maniglier, Antimanuel d'éducation sexuelle, Editions Bréal, 2005, p. 137.


1/09/2018

Dans le temps

En Europe, on est content de le constater, les libertés personnelles se portent plutôt bien, dit l'Avocate. Voyez les nouvelles lois allemandes sur les fake news, lois entrées en vigueur le 1er janvier. Les contrevenants s'exposent à des amendes pouvant atteindre plusieurs millions, voire dizaines de millions d'euros. L'arme absolue, quoi. Un certain nombre de sites ou pages d'Internet ont d'ores et déjà été fermés. D'aucuns évoquent la Stasi, l'ancienne police politique communiste en Allemagne de l'Est. Pourquoi, pendant qu'on y est, ne pas remonter un peu plus haut encore dans le temps? Pas trop haut non plus, quand même: juste un peu? On pourrait. On parle ici de l'Allemagne, mais la France n'est pas en reste. Là aussi, l'étau se resserre. Lors de ses récents voeux à la presse, le président a annoncé le prochain dépôt d'un projet de loi dans ce domaine. Après avoir supprimé l'Etat de droit en transférant l'ancien état d'urgence dans le droit ordinaire (c'est quand même plus confortable), le voilà donc qui enterre les derniers restes, en France, du droit à la liberté d'expression. On avait dit au printemps dernier* que la France était passée du régime du "prince-esclave" (d'une expression forgée, en 1941, par le P. Gaston Fessard à propos du régime de Vichy) à celui de l'administration directe (Direct Rule). Tout se déroule comme prévu.

* Voir "En marche (2)", 4 mai 2017.