12/23/2015

Pas évidente

Je commentais il y a quelque temps un texte de Bernard Wicht, dit le Colonel*. En voici un autre: "Si nous faisons brièvement le catalogue des catégories de combattants existant de nos jours (partisans, forces spéciales, contractors, terroristes, shadow warriors), nous constatons immédiatement que le citoyen est absent. Il reste donc sans défense dans un monde où la violence a retrouvé son état anarchique". On pourrait aussi dire qu'il est en retard : "C'est le citoyen qui est en retard, c'est lui qui est désarmé"**. Personnellement, je ne dirais pas que le citoyen, aujourd'hui, est  désarmé. Désarmé, à proprement parler, non. Beaucoup de gens possèdent des armes. Souvent, il est vrai, elles sont cachées. Parfois même enterrées. Mais, le cas échéant, elles pourraient très bien réapparaître. Les dirigeants s'en inquiètent, d'ailleurs. C'est un facteur d'imprévisibilité. En revanche, ce qu'on peut dire, c'est que le citoyen a désappris à appuyer sur la détente: ça oui. Un certain nombre d'inhibitions le paralysent, d'ordre civilisationnel notamment. Ces inhibitions leur sont propres, on ne les rencontre que rarement ailleurs. La peur qu'inspirent les dirigeants n'est pas non plus à négliger. Parler de "retard" se justifie donc pleinement, sauf que le retard, en l'occurrence, n'est pas d'ordre matériel mais mental. Comment, dès lors, dés-inhiber le citoyen, lui faire retrouver l'instinct vital, l'instinct de survie? La réponse n'est pas évidente.

* Voir "Climat", 21 novembre 2015.
** "Un retour vers la défense citoyenne? Entretien de Theatrum Belli avec Bernard Wicht", theatrum- belli.org (juin 2015).



12/20/2015

Evolution

Les dirigeants ne combattent évidemment pas le terrorisme, dit le Colonel. Ils en vivent. Ce qu'il est intéressant plutôt de relever, c'est l'évolution du discours officiel à ce sujet. Alors qu'autrefois les dirigeants disaient: vous allez voir ce que vous allez voir, nous allons éradiquer le terrorisme, leur discours, aujourd'hui, s'est infléchi. Le terrorisme, disent-ils, on aimerait bien pouvoir l'éradiquer: vraiment, sincèrement. Mais la réalité est que malgré tous nos efforts, nous n'y parviendrons jamais: nous ne parviendrons jamais à éradiquer le terrorisme. Il ne vous reste donc d'autre choix que d'apprendre à vivre avec: avec le terrorisme. Vous avez déjà appris à vivre avec la drogue, la criminalité, les "petits chéris", les zones de non droit, le chômage de masse, le stress au travail, etc. Vous apprendrez donc aussi à vivre avec le terrorisme. C'est juste un petit plus. Une petite sauce pour agrémenter le reste. En langage savant, cela s'appelle la résilience. Le mot appartient originellement au vocabulaire de la psychologie, mais les politologues s'en sont récemment emparés, et ce qui précède nous aide à comprendre pourquoi. Ecoutons l'un d'eux: "La résilience ne peut empêcher qu'un événement se produise. Elle peut en revanche lui retirer son potentiel perturbateur"*. Le discours officiel, aujourd'hui, c'est ça. La sécurité, aujourd'hui, n'existe plus, à la place nous avons la résilience: la résilience, qui nous permet de supporter l'insécurité.

* "Combattre la peur comme agent ennemi, Les apports de la résilience" (Entretien avec Chris Zebrowski), DSI, Décembre 2015, p. 61.


12/19/2015

Donc, oui

Il faut vraiment être de mauvaise foi pour dire que les dirigeants ne combattent pas le terrorisme, dit l'Etudiante. Comment peut-on dire des choses pareilles. Ce n'est pas sérieux. Tenez, par exemple: ces portes d'appartement que la police enfonce aujourd'hui en pleine nuit, alors qu'autrefois cela ne se faisait qu'au petit matin (et encore, après qu'on ait sonné). Si ce n'est pas là combattre le terrorisme. Certains parlent de gesticulation, mais à tort. Les dirigeants montrent ici clairement leur détermination: elle est implacable. En contrepartie, il est vrai, ils ont renoncé à faire ce qu'ils avaient pourtant promis de faire il y a six semaines: contrôler l'accès aux quais dans les gares, par exemple. Ils l'ont bien fait pendant une petite semaine, ensuite y ont renoncé*. Ils ont renoncé également à tenir compte de toutes les alertes à la bombe dans le RER. Toutes, ce n'est pas possible. La ponctualité des trains en souffrirait**. Donc, oui, tout à fait, ils combattent le terrorisme. Nous ne permettrons même à personne de dire le contraire. Le dire, au demeurant, ce serait s'exposer à des poursuites: poursuites pour apologie du terrorisme. Pourquoi apologie du terrorisme? Parce que, par principe, tout ce que font les dirigeants est bien. Si donc ils ne combattent pas le terrorisme (ou ne font que semblant de le combattre, l'objectif réel étant de l'instrumenter à leur profit), cela voudrait dire que le terrorisme serait quelque chose de bien. Les peines encourues sont de cinq ans (sept si le délit est commis sur Internet, plus 100'000 euros d'amende).

* France Inter, 16 décembre 2015, vers 19 h 30.
** Le Figaro, 11 décembre 2015, p. 15.





11/20/2015

Seule

L'ennemi prioritaire, ce seraient donc les "Joe" (1), dit l'Ecolière? Les "Joe", comme tu le sais, ne sont que des exécutants, dit l'Ethnologue. Ils font ce qu'on leur dit de faire. C'est le cas aussi des terroristes, dit l'Ecolière. C'est le cas aussi des terroristes, dit l'Ethnologue. En quoi, alors, les "Joe" se distinguent-ils des terroristes, dit l'Ecolière? Il n'y a aucune différence, dit l'Ethnologue. Passons maintenant aux amis, dit l'Ecolière. Qui sont nos amis? Tu n'a pas d'amis, dit l'Ethnologue. Je me corrige. Tu as peut-être des amis, c'est même probable, mais à ce stade au moins, tu ne peux pas le savoir, je veux dire: en être certaine. Et par conséquent non plus, tu ne peux pas savoir qui sont tes amis (s'il y en a; mais très probablement, encore une fois, il y en a). Tes ennemis, en revanche, oui. Les "Joe", par exemple, sont clairement tes ennemis. Leurs "petits chéris" aussi, bien sûr. Les terroristes, n'en parlons pas. Mais qui sont tes amis, non, tu ne peux pas le savoir. Pas maintenant en tout cas. Tu le sauras assurément un jour, mais plus tard. C'est  la guerre elle-même qui te l'apprendra. L'ennemi est ce qui fait qu'il y a la guerre, la guerre elle-même est ce qui fait qu'il y a des amis. Et en attendant, dit l'Ecolière? En attendant, tu seras seule, dit l'Ethnologue. Seule et sans amis. Tu ne pourras compter que sur toi-même. Il te faudra te débrouiller avec les moyens du bord. Prendre toi-même les décisions qui s'imposent.

(1) Voir "Conséquences", 6 septembre 2015.


11/17/2015

Climat

Au début de l'été 2015, un auteur évoquait l'installation en cours d'un "climat de guerre civile moléculaire"*, dit l'Etudiante. C'est le mot moléculaire qui me gêne. Avec ce qui vient de se passer, peut-on encore parler de guerre moléculaire? Schématiquement, on est en présence de deux guerres, dit le Colonel. La première, effectivement, mérite d'être dite "civile moléculaire". C'est un produit de l'immigration planétaire de masse, telle qu'elle s'est développée en Europe depuis une quarantaine d'années : phénomène voulu et encouragé par les dirigeants (qui l'ont instrumenté pour casser le corps social, le réduire en petits morceaux: en molécules, justement). Guerre moléculaire, mais aussi vaporeuse, stochastique, épousant les formes diverses et variées de la criminalité au quotidien. Mais elle peut aussi se cristalliser en émeutes urbaines, comme on l'a vu en France en 2005. L'autre guerre est la guerre civile mondiale**, guerre, jusqu'ici, centrée sur le Moyen-Orient, mais qui, aujourd'hui, s'est étendue à l'Europe, à l'initiative de l'EI. Chacun, en fait, sait très bien ce qui se cache derrière l'EI: un certain nombre d'Etats comme la Turquie du dictateur Erdogan, le Qatar et l'Arabie séoudite. L'Etat états-unien est également à la manoeuvre. La logistique mais aussi les moyens utilisés sont ceux des services spéciaux. Chacune de ces deux guerres embraye sur l'autre, sert de moteur à l'autre. Mais elles n'en sont pas moins distinctes l'une de l'autre. Certains djihadistes sont peut-être d'anciens "petits chéris", mais ce n'en serait pas moins une erreur de ne voir en eux que des "petits chéris". Les événements auxquels nous venons d'assister sont à interpréter sous cet angle.

* Bernard Wicht, "Note prospective de l'été 2015", theatrum-belli.org (juin 2015).
** Voir "S'applique bien", 12 octobre 2015.







11/15/2015

Se vérifie

Rien ne vient jamais de rien, dit le Cuisinier. On recueille aujourd'hui les fruits d'une certaine politique.  On pourrait aussi citer Mao, dit l'Auditrice: "La théorie se vérifie par la pratique". La théorie est claire, tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. A partir de là, il est normal qu'il y ait des morts. Vous croyez, dit la Poire? Et maintenant l'état d'urgence, dit l'Ethnologue. A votre avis, qui exactement les dirigeants ont-ils en ligne de mire, quand ils décrètent, comme ils le font, l'état d'urgence: les terroristes? Les gens craignent beaucoup les terroristes, dit l'Auditrice. Mais ils craignent aussi beaucoup la police (que ne craignent, en revanche, pas les terroristes). A mes yeux, les gens craignent encore davantage la police qu'ils ne craignent les terroristes, dit l'Etudiante. Mais je parle ici pour moi. Les gens savent que la police ne les protège plus aujourd'hui de rien, dit le Cuisinier. Mais ils savent aussi que la police a tous les pouvoirs. Ce n'est pas contradictoire, dit le Logicien. Pour combattre le terrorisme, nul besoin de l'état d'urgence, dit l'Ethnologue. Il suffirait de reprendre un peu le contrôle des frontières: et d'une. De s'occuper ensuite des "petits chéris". Et de deux. Mais de s'en occuper sérieusement (sans trop prêter attention, par exemple, aux éventuelles remontrances de la CEDH). Voilà, ce serait au moins un début. Mais en est-il seulement question? L'état d'urgence ne sert donc pas à combattre le terrorisme, il sert à autre chose. Comment ça, dit la Poire?









10/23/2015

Achètent

Machiavel explique que les peuples décadents préfèrent, en règle générale, payer un tribut plutôt que faire la guerre*, dit l'Ecolière. N'est-ce pas aujourd'hui ce qui se passe? Qui te dit que les dirigeants veulent la paix, dit l'Ethnologue? Ce qu'ils achètent, ce n'est pas forcément la paix. Quoi donc alors, dit l'Ecolière: la guerre? On tourne un peu en rond. Il y a guerre et guerre, dit l'Ethnologue. On se pose souvent la  question: "Le chaos sauvera-t-il le système?" On parle en fait de ça: du chaos. Le chaos est effectivement une forme de guerre. Mais très particulière. Le chaos, excuse-moi, mais on l'a déjà, dit l'Ecolière. Regarde autour de toi. De même qu'il existe plusieurs espèces de guerres, il existe aussi plusieurs degrés dans le chaos, dit l'Ethnologue. A t'entendre, on dirait que le système est vraiment aujourd'hui en difficulté, dit l'Ecolière. En lui-même, le système se porte plutôt bien, dit l'Ethnologue. Ils ont liquidé à peu près toutes les libertés domestiques, qui dit mieux. Regarde aussi leurs services spéciaux: en France, aujourd'hui, entre 20 et 25'000 personnes, tous des professionnels aguerris. C'est l'articulation centrale du système, son noyau dur, en quelque sorte. La technologie aidant, rien ne leur échappe. Je dis bien, rien. Non, si problème il y a, il se situerait plutôt du côté des dirigeants eux-mêmes. Les dirigeants ont déjà beaucoup de pouvoir. Mais ils aimeraient en avoir davantage encore. C'est humain. Rien qu'en Allemagne, les dépenses liées à "l'asile" s'élèveront l'an prochain à six milliards d'euros**, dit l'Ecolière. Tout ça pour ça? Le pouvoir n'a pas de prix, dit l'Ethnologue.

* L'Art de la guerre, II, 13.
** Le Figaro, 14 octobre 2015.




10/12/2015

S'applique bien

Deux coalitions se font face, dit le Colonel. D'un côté, un bloc américano-islamiste (en fait djihadiste), articulé à l'OTAN et à certains Etats du Golfe; de l'autre, un bloc russo-iranien (incluant sans doute aussi la Chine). Le premier est à l'origine du processus en cours de reconfiguration au Moyen-Orient, avec extension à la Méditerranée et à l'Europe. Il pourrait être qualifié de révolutionnaire-expansionniste, avec, en prime, une composante génocidaire (le djihad proprement dit). Le second est dans une démarche, en revanche, qu'on qualifiera d'endiguement (containment). Cela étant, ni la coalition américano-djihadiste, ni sa concurrente russo-iranienne ne sont des blocs insécables, d'un seul tenant. Bon nombre d'Européens, par exemple, sympathisent avec la Russie de Poutine, en qui ils voient un recours possible contre l'empereur américain. Ils pensent aussi que Poutine pourrait les aider à régler le problème de l'... En sens inverse, on le sait, une partie des élites russes sont sous influence américaine. Les Russes parlent à leur propos de 5e ou même de 6e colonne. Au Moyen-Orient même, beaucoup de musulmans sunnites prient pour le succès de la coalition russo-iranienne, car ils sont hostiles au djihadisme et en particulier à l'EI. Ils ne veulent pas de l'instauration d'un tel régime chez eux. La ligne de partage passe donc à l'intérieur même de chacune des deux coalitions. C'est ce qu'on veut dire quand on parle de "guerre civile mondiale". L'expression est de Carl Schmitt, elle remonte aux années 30 du siècle dernier, alors que le monde était sur le point de basculer dans la Deuxième guerre mondiale. Elle s'applique bien à la situation actuelle.



10/10/2015

Plutôt bien

Dis, Maman, dit l'Ecolière: tu as vu ce qui se passe actuellement en Syrie? C'est quand même intéressant. Personne, disait-on, ne réussirait jamais à en venir à bout. Ou alors cela prendrait des siècles. C'est ce qu'ils disaient tous, en particulier dans leurs think tanks archi-subventionnés. Sauf que les Russes, aujourd'hui, sont en train de démontrer le contraire. Bon, juste une question. Ce que les Russes sont en train de faire en Syrie (et les gens s'accordent à reconnaître qu'ils le font plutôt bien, je veux dire efficacement), pourquoi ne le feraient-ils pas également en …, oui tout à fait: à certains endroits bien précis qu'on leur indiquerait? Pas très loin d'ici, à vrai dire. Ils termineraient ainsi le travail. Prends rendez-vous avec l'ambassadeur, dit l'Avocate. Tu lui poseras la question. On recommencerait ainsi à vivre, dit l'Ecolière. Et par exemple, je pourrais prendre le train ou le métro sans avoir à me demander, chaque fois que je le fais, si j'en sortirais entière. A l'école aussi, peut-être, on respirerait peut-être un peu mieux. Je n'aurais plus le sentiment d'appartenir à une minorité opprimée, contrainte, en permanence, à devoir raser les murs (en me faisant, en prime, traiter de "sale Céfran"). Attention, dit le Double. Tu connais les dirigeants. Leurs "petits chéris", c'est sacré. Personne n'y touche. On peut aussi se passer des dirigeants, dit l'Ecolière. C'est vrai, dit le Double, je n'y avais pas pensé. Le nombre de choses qu'on pourrait faire.




10/05/2015

En contrepartie


Mme … tient le même discours, en fait, qu'Antigone, dit l'Avocate: justice, lois non écrites, etc. Sauf, bien évidemment, qu'elle n'est pas Antigone. Elle n'est que Créon essayant de se faire passer pour Antigone. Ce n'est pas la même chose. Prenons la pièce de Sophocle. Créon a peut-être beaucoup de défauts, mais il faut au moins lui reconnaître une vertu : il ne ment pas. Tout ce qu'il dit, il le pense vraiment. A aucun moment, en particulier, il n'essaye de se faire passer pour Antigone. C'est Antigone qui parle des lois non écrites, non Créon. Les rôles sont ainsi bien séparés. Le spectateur sait très bien qui est qui. A notre époque, en revanche, beaucoup moins. Les lois non écrites se sont aujourd'hui transformées en instruments de pouvoir, occasionnellement, même, de guerre (contre Antigone, justement !). Les dirigeants mentent sur les lois non écrites, comme ils mentent sur le reste: l'économie, l'Ukraine, le Moyen-Orient, l'immigration, le terrorisme, etc. En ce sens, il faudrait peut-être réécrire la pièce. On y verrait Créon et son officier traitant, Créon et ses conseillers en communication, Créon participant à une opération de sauvetage en Méditerranée, Créon armant et finançant en sous-main un certain nombre d'organisations qu'il fait semblant, en surface, de combattre, etc. En contrepartie, il est vrai, Antigone se met parfois à tenir le langage de Créon: "Nous défendons deux mille ans de souveraineté"*. On est à front renversé.

* Déclaration du premier ministre hongrois (Le Figaro, 15 septembre 2015).






9/17/2015

En pâmoison

Y penser toujours, n'en parler jamais, dit le Visiteur. Beaucoup de gens, bien sûr, y pensent. Mais en parler… Cela dépend, dit l'Avocate. Ici même, bien sûr, personne ne se risquerait seulement à aborder le sujet. Vous avez raison. Ailleurs, il en va différemment. Tenez: "Un projet de loi, qui doit être voté prochainement, prévoit que l'armée pourra être affectée à la protection de la frontière et qu'elle pourra même ouvrir le feu si nécessaire"*. Si vous le voulez, je vous relis la phrase. Bon, ce n'est ni la Carpe, ni Mme Merkel, c'est un peu plus à l'Est. Mais pas tellement quand même. Je ne voudrais pas dire de bêtises, dit l'Ecolière: mais ne sont-ce pas les mêmes, il y a une soixantaine d'années, qui s'étaient révoltés contre l'armée rouge? A l'époque, elle occupait la moitié de l'Europe. Attention, dit la Poire, l'armée rouge est une chose, l'… une autre. L'… est une ... de paix. En prime, il faut le dire, ils s'expriment plutôt bien, dit le Cuisinier: "Nous défendons deux mille ans de souveraineté"*. Comparez avec les autres, ces apprentis-dhimmis, baissant leur froc devant les ... Comment parlez-vous, dit la Poire. Pas devant moi, s'il vous plaît. Il y en avait un, l'autre jour, à l'Emission, dit l'Auditrice. Un capitaine de corvette, je crois. Très content de lui-même, comme il se doit. Il racontait ses hauts-faits en Méditerranée. Une sous-cheffe, en pâmoison, lui tenait le crachoir. C'est quoi une corvette, dit l'Ecolière? Leur point d'honneur spirituel, dit l'Ethnologue.

Le Figaro, 15 septembre 2015.

9/06/2015

Conséquences

Les Européens (tant de l'Est que de l'Ouest) ont une bonne expérience des Princes-esclaves, dit le Visiteur. A maintes reprises, également, dans le passé, ils ont eu l'occasion de se familiariser avec la trahison. Sauf, je pense, que ce à quoi nous assistons aujourd'hui va bien au-delà. C'est-à-dire, dit l'Etudiante? La trahison est une grille de lecture possible, dit le Visiteur: je ne dis pas le contraire. A mains égards, les Princes-esclaves ouest-européens actuels ressemblent aux personnages de le Carré. Ce sont des "Joe". On pourrait aussi évoquer le film de Polanski, The Ghost Writer. On en parlait ici même l'autre jour. Mais il faut aussi tenir compte des conséquences. Quand, d'un trait de plume, les Princes-esclaves ouest-européens suppriment l'enseignement des langues anciennes dans les écoles pour les remplacer par l'… ou le ..., chacun comprend bien qu'on ne saurait purement et simplement les assimiler à des personnages de le Carré. On change ici de registre. Même chose, à plus forte raison encore, quand ils s'activent pour accélérer la venue en Europe de millions de …, avec pour conséquence, à terme, l'… du continent. Le schéma d'ensemble, si l'on veut, est bien celui de la trahison, mais d'une trahison, quand même, unique en son genre (sui generis), puisque les Princes-esclaves ouest-européens ne font pas que trahir leurs peuples, ils trahissent la civilisation même dont eux-mêmes et les peuples européens sont issus. C'est une trahison à la puissance deux. Inédite aussi. Il n'y a pas de précédent. Je ne sais pas si je me fais bien comprendre.






9/05/2015

Risques

Certains disent que les gens se révolteront, dit l'Ethnologue. Personnellement je n'en crois rien. Quand vous avez acquis un comportement de gnou, il peut vous arriver n'importe quoi, vous garderez un comportement de gnou. Le cas-limite serait celui où les Princes-esclaves européens* (l'Invité, la Carpe, Mme ..., etc.), en viendraient à réquisitionner les logements vides, en attendant les autres, ceux qu'ils considéreraient comme insuffisamment occupés: maisons familiales, appartements, etc. A ce moment-là, peut-être, les gnous cesseront-ils d'avoir un comportement de gnou. Je ne sais pas. Les gens ont parfois des réactions imprévisibles. Les gens ont surtout peur, dit l'Auditrice. Vous avez vu le Journal. On ne peut plus aujourd'hui simplement parler de censure, de désinformation, etc. Cela va beaucoup plus loin. Les dirigeants ont compris qu'ils étaient à bout touchant, dit l'Ethnologue. Et donc ils mettent le paquet. L'intimidation fait partie du dispositif. Comme aussi la manipulation de masse. Il y a quand même aussi des voix discordantes, dit l'Auditrice. Ainsi, cette déclaration du premier ministre hongrois: "Aujourd'hui nous parlons de centaines de milliers, l'an prochain nous discuterons de millions et, d'un seul coup, nous nous retrouverons en minorité sur notre propre continent"**. Il prend des risques en disant ce qu'il vient de dire. Un anti-gnou, dit l'Ethnologue.

* Voir "Quelque part", 2 juillet 2013.
** Le Figaro, 5 septembre 2015.

9/01/2015

Bye-bye

Vous connaissez les chiffres, dit le Visiteur. Rien qu'en Allemagne, le nombre prévu des arrivées pour cette année (2015) est de 800'000*. Et ce n'est encore que le chiffre officiel. Le chiffre réel est forcément différent: le double, peut-être. Une simple règle de trois, et vous avez les chiffres pour la Suisse, la France, l'Autriche, etc. Pour la Suisse, par exemple: 160'000 arrivées. Ce qui n'empêche pas le pape d'en appeler à davantage encore de solidarité. Machiavel avait raison: le pape de Rome est bien la dernière instance sur laquelle on puisse compter pour défendre les libertés européennes. Elargissons la perspective, dit l'Avocate. Ce qui se déroule aujourd'hui sous nos yeux est la résultante d'une situation qui s'est elle-même mise en place à partir de la décision américaine, en 2003, d'envahir l'Irak. Puis il y a eu la guerre en Syrie. On se demandait alors: pourquoi ces guerres stupides (et en plus criminelles)? C'est quoi, l'objectif? Qu'en est-il aussi du soutien, désormais affiché**, des Etats-Unis à l'EI: organisation, très probablement, qu'ils ont eux-mêmes créée de toutes pièces, avec l'aide de leurs alliés séoudiens, turcs, qataris, etc.? On a aujourd'hui la réponse: bye-bye Europe. Ce qu'on peut aussi traduire par: Fuck the EU***. On dira que les Américains n'ont pas forcément voulu ce qui se passe aujourd'hui. Le problème est qu'on ne voit pas trop ce qu'ils auraient pu vouloir d'autre.

* Le Figaro, 20 août 2015.
** Déclaration du président Obama en date du 7 juillet 2015 (https://www.youtube.com/watch?v=mOYm CCxxKk).
*** Propos tenus en février 2014 par la sous-secrétaire d'Etat américaine en charge des affaires européennes, Victoria Nuland (voir "A l'agonie", 4 mars 2014).


8/31/2015

Sa propre fin

Quand une situation vous échappe, il est évidemment tentant de baisser les bras, dit le Visiteur. Vous vous dites: arrêtons les frais, il n'y a plus rien à faire, etc. Et la vengeance? Vous oubliez la vengeance. Réfléchissons donc un peu à la vengeance. Elle peut survenir dans le cadre d'une guerre, mais elle-même, il faut le souligner, est extérieure à la guerre (au sens, au moins, où l'entend Clausewitz: la guerre comme "acte de violence destiné à contraindre l'autre à exécuter notre volonté"*). Ce n'est pas un acte de guerre. Vous ne cherchez ici à contraindre personne. Ce n'est pas non plus un acte politique. La vertu première, en politique, est la vertu de prudence (Aristote). Or la prudence ne joue ici qu'un rôle secondaire. Si l'on se venge, ce n'est pas parce qu'on estimerait soi-disant "prudent" de le faire. On le fait, parce qu'on pense, à tort ou à raison, qu'aucun crime ne doit rester impuni. Celui-là en particulier. Pour le reste, il ne faut évidemment pas agir n'importe comment. Il convient en particulier d'éviter toute précipitation. La vengeance, dit-on, est un plat qui se mange froid. Au besoin, donc, mettez-la au congélateur. Prenez votre temps, attendez qu'une occasion se présente (en grec, kairos). Lisez du grec. Pensez aussi à votre propre sécurité. Etc. Tout cela, assurément, relève de la prudence. Mais l'acte lui-même, encore une fois, non. La vertu dont il relève n'est pas la prudence, mais la justice. Certains disent: à quoi bon, qu'est-ce que cela changera? Rien, bien sûr. La vengeance est à elle-même sa propre fin. Fais ce que dois advienne que pourra. Vous êtes la colère de Dieu.

* Clausewitz, De la guerre, I, 1, § 2.




8/30/2015

Contrôle

Les routes étaient sous contrôle, les aéroports aussi bien sûr, mais pas les trains, dit l'Avocate. ll y avait là une faille évidente: les gens en profitaient pour voyager anonymement. Cela ne pouvait pas durer. Les premières mesures se profilent donc à l'horizon. Ainsi, pour acheter ton titre de transport, il te faudra désormais justifier de ton identité. Tiens, il vient de prendre un billet pour …, qu'est-ce qu'il peut bien faire là-bas ? En plus, il est accompagné: c'est qui encore, celui-là? Ils alimenteront ainsi leurs banques de données. A terme, les billets de train seront purement et simplement supprimés. Les Suisses, toujours à la pointe en ce domaine*, planchent depuis plusieurs années déjà sur un projet de numérisation généralisée du contrôle des passagers. Ils ont parfois de bonnes idées, les Suisses. Au-delà encore, vous avez la reconnaissance faciale. A la mi-janvier 2012, le FBI a inauguré un service de reconnaissance faciale à l'échelle nationale étatsunienne**. Ou je me trompe fort, ou nous aurons nous aussi très vite un tel service de reconnaissance faciale. A quoi servent les attentats. Je ne sais pas si tu as remarqué, dit l'Ethnologue, mais depuis quelque temps déjà les gens achètent beaucoup de vélos (électriques ou non). Il y a des vélos partout. T'es-tu demandé pourquoi?

* Voir "Priorité", 10 avril 2015; "Plus lent", 11 avril 2015.
** www.nextgov.com (octobre 2011).




8/15/2015

Ces prochaines années

Carl Schmitt ne parle pas seulement de l'ami et de l'ennemi*, dit le Visiteur. Sa réflexion porte aussi sur les formes de guerre actuelles, en particulier le terrorisme. A ce sujet, il fait une remarque intéressante. La civilisation, dit-il, n'est guère favorable au développement du terrorisme. Les Européens civilisés, en particulier, éprouvent toutes sortes de réticences à son endroit. Il cite en exemple l'épisode de l'OAS, à la fin de la guerre d'Algérie. L'échec historique de l'OAS peut s'expliquer de plusieurs manières, mais le facteur civilisation est sûrement à prendre en compte**. Les sauvages n'ont pas trop de problèmes avec le terrorisme, les civilisés, en revanche, oui. Les Européens de 2015 ne ressemblent guère à ceux d'il y a un demi-siècle, dit le Cuisinier. Regardez-les avec leurs smartphones. Justement, dit le Visiteur: peut-être les dirigeants se verront-ils contraints, ces prochaines années, à réintroduire le grec et le latin à l'école. Et tout le reste: lire, écrire, compter, etc. Non par sympathie particulière pour la civilisation, ne rêvons pas : tout simplement pour sauver leur peau.

* Voir "Si, moi", 1er août 2015.
** Théorie du partisan, Calmann-Lévy, 1972.



8/08/2015

Nombre de grands dirigeants

C'est la page d'accueil du Département de philosophie de l'Université de …, dit l'Avocate: "Etudier la philosophie est excellent pour faire carrière. L'intérêt professionnel des études de philosophie est reconnu jusque dans la finance. Nombre de grands dirigeants sont diplômés de philosophie." Etc. Je n'invente rien. Il faut aussi lire le début: "Le Département de philosophie de l'Université de … a fait preuve d'une capacité exceptionnelle à obtenir des sources tierces de financement. Depuis 2000, le Département de philosophie a levé plus de 18 millions de ... pour ses projets de recherche". On comprend mieux après cela qu'ils puissent dire que l'intérêt professionnel des études de philosophie est reconnu jusque dans la finance. C'est le contraire qui surprendrait. La philosophie universitaire, en son acception aujourd'hui dominante, n'a plus grand chose à voir avec ce qu'on entendait autrefois par philosophie, dit le Visiteur. C'est une branche de l'ingénierie sociale, rejoignant en cela le marketing, la science de la communication, d'autres formes encore de Social learning. Il faut la prendre pour ce qu'elle est, un instrument de pouvoir, plus spécifiquement encore d'aide à l'intériorisation des nouvelles normes liées à la mondialisation économique. La philosophie n'est d'ailleurs pas seule en cause. On pourrait en dire autant d'autres disciplines académiques ou pseudo-académiques: la psychologie (1), la science politique, etc.

(1) Voir "Retournement", 3 septembre 2008.




8/01/2015

Si, moi

Tu as raison de t'intéresser à ces choses, dit l'Ethnologue. Je parle du Rapport du Grütli*. Au passage, je te signale l'exposition commémorative**. Vas-y, c'est plutôt bien fait. Je l'ai visitée dimanche dernier. Il y avait du monde, dit l'Ecolière? Personne, dit l'Ethnologue. Si, moi. Mais à part moi, personne. Ne t'étonnes pas, c'est tout à fait normal. Qu'en ont-ils à faire, tes compatriotes, du Rapport du Grütli? Mais je dirais surtout ceci. Qui est aujourd'hui le sujet de la guerre? Jusqu'à une époque récente, c'était l'Etat. C'était lui le sujet de la guerre. Lui et personne d'autre. C'est lui qui déclarait la guerre, mais aussi signait la paix. Aujourd'hui, les choses ont changé. Regarde autour de toi. De plus en plus, aujourd'hui, le sujet de la guerre, c'est l'individu lui-même: toi-même, donc. Toi, moi, chaque individu en fait. C'est lui l'instance décisionnelle. L'Avocate t'a expliqué l'autre jour qui était Guisan. Guisan était général. C'est lui, il y a 75 ans, qui a levé l'étendard de la résistance. Eh bien, je dirais: chaque individu est aujourd'hui à lui-même son propre Guisan. Le Rapport du Grütli, tu te le fais à toi-même. Bref, je trouve très symbolique le fait de m'être retrouvé tout seul dans cette salle d'exposition. Cela s'accorde à la réalité. C'est quoi l'instance décisionnelle, dit l'Ecolière? Celle qui dit qui est l'ennemi, dit l'Ethnologue. La discrimination de l'ami et de l'ennemi est le critère du politique, disait Carl Schmitt. Il faut toujours partir de là. Aujourd'hui, l'Etat ne fait plus de politique. A toi de prendre le relais.

* Voir "Répéter", 25 juillet 2015.
** Château de Morges (Suisse), jusqu'au 29 novembre 2015.








7/25/2015

Répéter

Le Rapport du Grütli, ça te dit quelque chose, dit l'Ecolière? Un peu dit, l'Avocate*. Le 25 juin 1940, le commandant en chef de l'armée suisse, Henri Guisan, convoqua au Grütli (l'endroit, en 1291, où fut créée la Confédération helvétique) l'ensemble du corps des officiers jusqu'au niveau de chef de bataillon. Il voulait leur remonter le moral, les inciter aussi à la résistance. Il leur annonça par ailleurs la création d'un Réduit national dans les Alpes. Pourquoi cette question? On pourrait répéter aujourd'hui l'exercice, dit l'Ecolière. Ne crois-tu pas? On peut tout imaginer, dit l'Avocate. Mais ça non. Ce n'est même pas imaginable. Et pourquoi donc, dit l'Ecolière? Parce que, comme on te l'a souvent déjà expliqué, toute espèce de résistance, quelle qu'elle soit, est aujourd'hui assimilée à un délit, voire à un crime, dit l'Avocate. C'est l'attitude inverse, aujourd'hui, qui est encouragée, en certains lieux, même, rendue obligatoire: collaborer, se soumettre, pactiser avec l'envahisseur, etc. En répétant donc l'exercice, tu te mettrais en infraction avec la loi. Tu aurais contre toi à la fois la loi et les représentants de la loi. Il faut y penser quand on fait certaines comparaisons. Guisan, lui, n'était en aucune manière dans l'illégalité. Il avait pour lui la loi et les représentants de la loi. Quelque part, cela lui facilitait la tâche. Et si un jour il n'y avait plus de loi, dit l'Ecolière? Si tout soudain la loi s'effondrait? La loi et le reste? Les représentants de la loi? Ne me dis pas que c'est inimaginable. A chaque jour suffit sa peine, dit l'Avocate.

* Cf. Jean-Jacques Langendorf, Le général Guisan et le Rapport du Grütli: 25 juillet 1940, Infolio éditions, 2015.






7/15/2015

Choisie

C'est intéressant comme texte, dit l'Ethnologue*. Il remet bien les choses en perspective. L'auteur relève d'abord que ce qui vient de se passer (la capitulation de la Grèce devant la "finance globale") est symptomatique de la fin de la démocratie. La fin de la démocratie ne date pas d'hier, c'est une réalité déjà ancienne. Mais ce qui vient de se passer en offre un condensé synthétique: la partie pour le tout. On sait désormais dans quel monde on vit, à qui, également, on a affaire (si on ne le savait pas déjà). L'auteur aborde ensuite un point important. Il dit que le peuple ne parvient à s'imposer face à la finance globale que s'il accepte de mener une vie frugale. Autrement dit, les gens ne peuvent à la fois avoir la liberté et le luxe. Soit ils ont la liberté sans le luxe, soit le luxe sans la liberté. Personnellement, je dirais que les gens n'ont aujourd'hui ni la liberté, ni le luxe. De plus en plus, également, un certain nombre de biens nécessaires leur font défaut. C'est ce qu'on appelle la misère. Mais la frugalité n'est pas la misère. Elle l'est si peu qu'elle est en fait une alternative à la misère. Il faudrait ici développer. Contrairement à la misère, qui est quelque chose que l'on subit, la frugalité n'est pas subie mais choisie. Personne ne nous l'impose, c'est nous-mêmes, délibérément, qui choisissons de mener une vie frugale. C'est un choix de vie. Moins consommer (mais mieux), ne jamais s'endetter, autant que possible viser à l'autonomie, non seulement cela n'a rien à voir avec la misère, mais, bien souvent, justement, c'est ce qui nous permet d'échapper à la misère. A quel point la finance globale apprécie, je vous laisse imaginer.

* Bernard Wicht, "Echec du peuple face à la finance globale", L'AGEFI, 15 juillet 2015.






7/12/2015

Julian Assange

L'erreur classique, celle à ne pas commettre, est de se situer sur le même plan que l'adversaire, dit l'Ethnologue. Il faut au contraire toujours bouger, changer de plan. C'est une erreur, par exemple, que de participer au jeu électoral. C'est comme si vous acceptiez de jouer aux cartes avec des tricheurs professionnels (en l'occurrence, les candidats officiels, soutenus par les médias et la supra-société). Vous savez d'avance que vous ne gagnerez jamais. Vous gaspillez votre temps et votre argent. Il en va de même de ceux qui rivalisent avec les dirigeants dans l'utilisation des nouvelles technologies (Internet, etc.). C'est la démarche de Julian Assange avec WikiLeaks. Assange utilise les nouvelles technologies pour les retourner contre les dirigeants, leurs utilisateurs privilégiés. Ce qu'il fait d'ailleurs avec talent. Mais les succès qu'il remporte sont d'ordre surtout tactique. Ils ne remettent pas en cause le rôle premier d'Internet en tant qu'outil de pouvoir et de contrôle social. Les dirigeants n'aiment guère Julian Assange, ils l'ont d'ailleurs, on le sait, condamné à mort. Mais la menace qu'il représente n'est pas pour eux la plus importante. La plus importante serait celle émanant d'individus ou de groupes qui, au lieu de rivaliser avec eux sur le terrain des nouvelles technologies, choisiraient au contraire de ne pas les utiliser. Car, alors, ils leur échapperaient. Plutôt, donc, que d'imaginer une nouvelle et énième manière de crypter vos courriels (décryptés, ils le seront de toute façon : avec les moyens dont ils disposent, les dirigeants en ont tout à fait la possibilité), apprenez à vous passer d'Internet. Là, réellement, vous changez de plan. C'est un geste stratégique.









7/02/2015

Ne veulent pas voir

Donc, si je comprends bien, vous n'allez jamais voter, dit le Visiteur? En principe non, dit le Cuisinier. Pourquoi faire? Voyez ce qui se passe aujourd'hui aux frontières. C'est la Carpe, en l'espèce, qui est à la manoeuvre: une admiratrice de Tony Blair, comme vous le savez. Au fait, j'y pense, Polanski devrait lui consacrer un film. Il y a quelques années, il en avait consacré un à Tony Blair: The Ghost Writer. C'en serait une suite: The Ghost Writer, deuxième épisode. Avec la Carpe dans le rôle principal: le sien même, en fait. Elle jouerait son propre rôle. Car elle a un certain don pour le théâtre. Soit dit en passant, la Carpe est aussi celle, en toute occasion, plaidant pour une extension illimitée des pouvoirs de la police (notamment en matière d'espionnage électronique)*. Police, ma chère police. Bref, les gens ne veulent pas voir ce qui pourtant crève les yeux, à savoir que l'Etat, aujourd'hui, ne les protège plus de rien : pas plus aux frontières qu'à l'intérieur même des frontières. Ils ne le voient pas, et donc vont mourir. Mais ils ne le savent pas. Or l'Etat, ce n'est pas seulement la Carpe. Ce sont aussi les 240 élus du Parlement. Théoriquement, ces grosses limaces ont pour fonction de contrôler les actes du gouvernement. Juste ceci: laquelle d'entre elles (tous partis confondus) a seulement pris la peine d'interpeller la Carpe sur ce qu'elle fait (et surtout ne fait pas) en matière de contrôle des frontières? Qui lui a posé la moindre question à ce sujet? Vous me demandez pourquoi je ne vais jamais voter: c'est une explication.

* Voir "A le faire", 31 juillet 2011.

6/28/2015

Moi qui croyais

Vous avez entendu les déclarations de sa moitié, dit l'Auditrice: "On est des ... normaux, on fait le ... On a trois enfants, une vie de famille normale"*. Elle dit la vérité. Ce sont des … normaux. Complètement normaux. Ils ressemblent à tous les autres. Moi qui croyais au vivre-ensemble, dit le Cuisinier. On ne peut plus croire à rien. Je suis désespéré. Il te faut écouter Radio France, dit l'Etudiante. Ils t'aideront à retrouver la foi.

Le Figaro, 27-28 juin 2015, p. 3.


6/23/2015

Risque

Pourquoi la France ferme-t-elle sa frontière avec l'Italie, et pas la Suisse, dit le Collégien? D'abord la France ne ferme pas sa frontière, dit l'Ethnologue. Qu'est-ce que tu crois. Elle fait seulement semblant de la fermer. Elle le fait, parce qu'autrement il y aurait un risque: "l'insurrection qui vient". Ce risque est minime, pour autant il n'est pas inexistant. 1789 est dans toutes les têtes. Mais aussi 1830, 1848, 1871, 1944 (surtout). Elle le fait donc, mais sans plus. La Hongrie a voulu l'autre jour fermer sa frontière, elle a très vite été rappelée à l'ordre. En Suisse il en va différemment. Personne, en Suisse, ne s'est jamais révolté. Cela n'existe pas et n'a jamais existé. Sauf, peut-être, au tout début, au XIIIe siècle. Depuis lors, les gens ont appris à se tenir tranquilles. Ils se montrent même d'une grande docilité. Régulièrement on les amuse avec des référendums, cela les rend plus dociles encore. Le risque d'insurrection n'existe donc pas, et donc aussi le gouvernement se sent moins gêné aux entournures. Plus libre de ses mouvements. Il n'a pas besoin, comme en France, d'imaginer des mises en scène complexes, des dispositifs en trompe l'oeil, etc. Il lui arrive bien sûr de le faire (et même en permanence) mais davantage pour montrer qu'il sait le faire (et surtout qu'il fait comme tout le monde: chose importante à notre époque), que par besoin réel ou nécessité. En l'occurrence, il ne l'a pas fait. Est-ce que j'ai répondu à ta question?




6/22/2015

Evidence tranquille

J'ai cessé depuis longtemps d'acheter la presse, dit le Cuisinier. Acheter ces feuilles, c'est les subventionner. Mais elles traînent parfois dans le train, et donc je les ramasse. L'autre jour, c'était l'International New York Times*. L'éditorial s'intitulait: "Paris fails the migrants", autrement dit ne se conduit pas comme il le devrait avec les migrants. Le journal reproche en particulier à la France d'avoir fermé sa frontière avec l'Italie, imitant en cela l'Autriche, la Slovénie et la Suisse (mais là, le journal se trompe: la Suisse n'a rien fermé du tout). Ensuite viennent les ordres: "France must commit adequate ressources to deal with growing number of migrants (…)". Je souligne ici le must: la France doit. Paris doit faire ce que l'International New York Times lui dit de faire: rouvrir sa frontière, d'une part, mais aussi et surtout débloquer les montants appropriés (adequate) pour subvenir aux besoins des migrants. Le ton est celui de l'évidence tranquille, presque de la constatation. "Nous constatons que la France doit." L'article ne dit rien, bien sûr, des raisons pour lesquelles on assiste aujourd'hui à une migration des peuples vers l'Europe, ni de la manière dont tout cela a été organisé, canalisé, probablement aussi planifié. France must: soit la France obéit aux ordres, elle fait ce qu'on lui dit de faire, soit ... Tout le monde sait ce qui se passe aujourd'hui quand on n'obéit pas aux Américains.

* 18 juin 2015.



6/18/2015

D'ailleurs

D'ordinaire, quand on parle de déchristianisation, on pense aux églises qui se vident, dit l'Ethnologue. Il faut distinguer. Les églises qui se vident sont une chose, la déchristianisation une autre. Le christianisme peut, en fait, très bien se passer des églises (comme réciproquement, d'ailleurs, les églises du christianisme). J'entends, il est vrai, le mot christianisme au sens large. Il enveloppe la decency orwellienne, qui n'est elle-même que l'autre nom de la civilisation. Prenez par exemple le cinéma occidental. Il n'a évidemment plus rien aujourd'hui de chrétien. Mais plus rien non plus, à vrai dire, d'humain. C'est un cinéma, si l'on y réfléchit, complètement déshumanisé (comme l'est, d'ailleurs, la société occidentale elle-même, qu'il reflète, en ce sens, fidèlement). L'hyper-violence qui l'imprègne traduit bien cette déshumanisation. C'en est l'expression métaphorique. On s'en rend compte aussi lorsqu'on le compare au cinéma venu d'ailleurs. Je pense en particulier à deux films iraniens récemment sortis en salle: Taxi Téhéran* et Une femme iranienne**. Ces films disent des choses qu'aucun réalisateur occidental n'oserait plus dire aujourd'hui, ne serait-ce que par fausse honte. On en reste la bouche ouverte. Ils réinventent la civilisation. Les églises vont sans doute un jour disparaître, c'est ce que je pense. Mais le christianisme lui-même, me semble-t-il, non. L'esprit souffle où il veut.

* Film de Jafar Panahi, 2015.
** Film de Negar Azarbay Jani, 2015.

5/29/2015

Faisant défaut

Pour certains, nous allons vers la guerre civile, dit l'Ethnologue. Nous y allons, donc ne sommes pas encore arrivés. Il nous reste une certaine distance encore à parcourir. Petite, mais réelle. C'est l'avant-guerre civile. J'ai un point de vue différent. Ce que nous vivons aujourd'hui, ce n'est pas l'avant-guerre civile, c'est déjà, en fait, la guerre civile. Vous pensez au terrorisme, dit la Poire? Non, pas du tout, dit l'Ethnologue. Le terrorisme, c'est autre chose encore. On peut d'ailleurs en parler si vous voulez*. A quoi donc alors, dit la Poire? Voyez les statistiques, dit l'Ethnologue: on compte en moyenne aujourd'hui, en France, 2'200 agressions physiques par jour**. Et aussi 200 (deux cents) viols**, 8 séquestrations***, 3 ou 4 meurtres****, etc. Voilà ce que j'ai en tête. Non pas donc les bombes des terroristes (qui se rapportent à un autre contexte), mais la violence au quotidien: violence trouvant son illustration dans les chiffres que je viens de citer. Soit, dit le Visiteur. Mais tous ne font pas la guerre. Seuls, comme vous le savez, certains la font (très motivés, il est vrai). Les autres, ceux d'en face, se contentent de la subir. Ils encaissent les coups, la plupart du temps sans broncher. Disons donc une demi-guerre, dit l'Ethnologue (l'autre moitié, encore, faisant défaut). Une guerre à sens unique. "L'autre moitié, encore, faisant défaut", dit le Dégéèciste. Que veut-il dire au juste par là? Je note tout cela.

* Voir "Pendant qu'on y est", 22 mars 2015.
** Laurent Obertone, La France Orange mécanique, Ring, 2013, p. 29.
*** "Huit séquestrations par jour en France", Le Figaro, 29 décembre 2014, p. 6.
**** Laurent Obertone, op. cit., p. 44.





5/26/2015

Cela prouve bien

Vous dites que les dirigeants ont décidé de tuer toute forme de culture, parce qu'elle ferait obstacle à la domination totale, dit la Poire. Je ne sais vraiment pas sur quoi vous vous fondez dire ces choses. Moi, par exemple, qui aime la culture, je ne me plains pas. Je n'ai qu'à pousser le bouton de ma radio, je tombe sur radio ... qui diffuse de la musique classique 24 heures sur 24. Il y a vingt ans, cela n'existait pas. Oui, dit le Cuisinier. Mais pour une chaîne comme celle-là, vous en avez cent autres qui diffusent de la …, également 24 heures sur 24. Et quand je dis une sur cent, je suis généreux. Votre chaîne est une chaîne alibi. C'est comme quand, exceptionnellement (disons une fois l'an), ils invitent un opposant sur une de leurs radios. Ils peuvent toujours dire après cela qu'ils sont neutres, objectifs, etc. Ils prennent même leur invité à témoin: voyez, on vous invite: n'est-ce pas bien la preuve que nous sommes en démocratie? Quand on leur reproche le rôle actif qu'ils jouent dans l'abrutissement voulu et programmé des populations, leur fossilisation accélérée, ils disent de même: nous avons radio … Cela leur laisse ensuite les mains libres pour subventionner à fonds perdus la … que je dis. Car de la … c'en est vraiment. Qui dit mieux. Ou encore pour supprimer le latin et le grec dans les écoles (en attendant de les interdire purement et simplement, comme contraires aux Valeurs de la République: ce qu'effectivement ils sont).

5/14/2015

Perplexe

C'était l'autre jour sur France Culture*, dit le Collégien: ils parlaient de ... C'est quand même bizarre, disait une habituée. Souvenez-vous des boat people, il y a une quarantaine d'années. En France, on en a accueilli près de 200'000: 200'000! Tout le monde, à l'époque, était pour, c'était même l'union sacrée. On était très content d'agir ainsi. Par la suite, d'ailleurs, on ne s'en est jamais repenti.  Comparez avec aujourd'hui. A votre avis, pourquoi un tel changement d'attitude? Un tel retournement? Comment l'expliquer ? Vous avez une idée ? Moi, honnêtement, non. J'ai beau chercher, je ne vois pas. C'est ce qu'on appelle une question rhétorique, dit l'Avocate. Cette personne connaît naturellement la réponse, mais fait semblant de ne pas la connaître. Elle pense, à juste titre d'ailleurs, que c'est mieux ainsi pour elle. Mais elle pose une question. La réponse est dans la question. Continuons, dit l'Ethnologue. On entend souvent dire: comment endiguer ce flot? Par quels moyens? S'il vous plaît, éclairez un peu ma lanterne, etc. Voilà ce qu'ils disent tous, voilà ce qu'on entend. Tout le monde, en réalité, sait  très bien ce qu'il faudrait faire, ce n'est pas en soi un problème. Mais si quelqu'un développait un peu ce point, il signerait son propre arrêt de mort: civile, financière, sociale, etc. Les gens s'interrogent donc: comment faire? Vous avez une solution? Toujours l'air perplexe, en regardant l'interlocuteur bien en face.

* 26 avril 2015, 11-12 h.


5/06/2015

Et les mêmes

Le maire de Béziers vient de sortir des statistiques sur le nombre d'élèves … dans les écoles de la ville, dit le Cuisinier. Sans surprise, on a appris qu'ils sont maintenant majoritaires (et même de beaucoup). Vous avez vu les réactions. Ce qu'a fait le maire de Béziers est indigne de sa fonction, a dit l'Invité*. Et un autre: il a dépassé toutes les bornes. Qu'est-ce qu'il a fait, le maire de Béziers? Simplement, dit la réalité. Rien d'autre. Vous ne pouvez plus aujourd'hui, en France du moins, dire la réalité. C'est tout de suite des cris, des menaces. Et les mêmes, aujourd'hui, qui s'indignent de ce que le maire de Béziers ait dit la réalité viennent de promulguer une loi les autorisant, eux, ces soi-disants ennemis de toute statistique, à ficher l'ensemble de la population française sans demander l'avis de personne (hormis le leur propre: c'est écrit en toutes lettres): ça oui, ils ont le droit de le faire. Le maire de Béziers n'a pas le droit de révéler le nombre d'élèves … dans les écoles de sa ville, mais lui, l'Invité, a le droit d'entrer dans les ordinateurs privés de qui bon lui semble, en même temps que de "tracer" les gens grâce aux gadgets qu'il met obligeamment à leur disposition. Vous connaissez la parabole de la paille et de la poutre? Attention, dit le Dégéèciste. Vous citez l'Evangile. C'est contraire aux Valeurs de la République.

* Voir "Ah bon?", 4 novembre 2012.




4/25/2015

De tout

C'est très corseté comme ouvrage*, dit l'Ethnologue: tellement même que certains se demanderont s'il valait la peine d'être écrit. En réalité oui, car nonobstant les limites que l'auteur s'est imposées à lui-même (à moins, plus probablement, que d'autres ne les lui aient imposées), le texte recèle un certain nombre de leçons des plus utiles: par exemple que, contrairement à ce qu'on pourrait croire de prime abord, on s'habitue vite à la guerre civile: on s'y habitue comme au reste. Mais oui. La vie continue (p. 180). L'auteur rappelle également que dans une guerre civile, les gens sont capables de tout (p. 187). Effectivement c'est ce qu'on constate. Il faut se méfier aussi des informations qui circulent, car la plupart s'avèrent fausses (p. 28, 103). Mais c'est déjà le cas aujourd'hui. En revanche, quand il dit que dans un conflit de ce genre, mettant aux prises des amateurs plutôt que des professionnels, la plupart des balles se perdent (p.140), cela est inexact. Car, en l'occurrence, justement, les amateurs se transforment relativement vite en professionnels. Chacun sait très bien aujourd'hui ce qui se passerait en cas de guerre civile: qui, en particulier, seraient les protagonistes (ici, très largement floutés). Des guerres de religion à la deuxième guerre mondiale, en passant par les guerres de Vendée, la France a connu de nombreuses guerres civiles au cours de son histoire. Toutes ont été d'une extrême férocité.

* Jean Rolin, Les Evénements, P.O.L., 2015.



4/12/2015

A moyen terme

C'est un processus à moyen terme, processus dont, pour une part au moins, l'avancée est fonction de ce qu'on estime être les capacités d'acceptation des populations, dit le Colonel. Les dirigeants partent de l'idée que les gens sont aujourd'hui prêts à tout accepter: tout. Mais en même temps qu'il faut y aller doucement, sans trop forcer le rythme. On peut tout leur faire accepter, certes, mais pas tout à la fois. Ainsi, en 2013, nous avons eu la loi de programmation militaire, qui en son article 20 permet à la police de se livrer à des opérations d'espionnage intérieur en dehors de tout cadre juridique (ce qu'elle faisait, il est vrai, depuis longtemps déjà: mais pas ouvertement*), puis en 2014 de nouvelles lois sur le terrorisme, enfin en 2015 la loi dont le Parlement est actuellement saisi en procédure accélérée, celle, plus radicale encore, sur le renseignement. C'est la tactique, aujourd'hui bien rodée, du salami. On ne sait pas encore ce qu'il y aura en 2016, mais forcément il y aura quelque chose, car il ne faut pas casser le rythme. De temps à autre, en contrepoint, il se commet un attentat. Mais ce n'est pas nécessairement antinomique. Qu'est-ce que cela veut dire d'ailleurs, antinomique? Nécessité fait loi. D'une manière générale, on peut le dire, les dirigeants maîtrisent bien la situation.

* Voir "Etat de droit", 21 mars 2015.

4/11/2015

Plus lent

Pour l'instant encore, peut-être, c'est une solution, dit l'Etudiante. Mais ensuite? Comme tu le sais, la carte à puce n'est qu'une première étape. La suivante, c'est le portail électronique. Le billet simple, ici, disparaît, on se contente, en lieu et place de capter tes données personnelles. Eh bien, tu passes au vélo électrique, dit le Colonel. Tu plaisantes, dit l'Etudiante. La vitesse est loin d'être toujours une panacée, dit le Colonel. Parfois même elle est contre-productive. Maintenant déjà, quand tu as quelque chose d'important à dire à quelqu'un, tu sais que tu ne dois pas utiliser Internet. La poste à l'extrême rigueur, mais en étant bien conscient qu'en France, par exemple, les nom et adresse de l'expéditeur, tout comme ceux du destinataire, au moins pour ce qui est des lettres en provenance de ou pour l'étranger, sont systématiquement recueillis et stockés. Mieux vaut donc encore recourir à un porteur, le cas échéant, même, à un messager (porteur d'un message oral). On faisait comme ça autrefois, on recommencera. En contrepartie, il est vrai, tout sera beaucoup plus lent. Et alors? Ce n'est pas toujours la vitesse qui te fait échapper au prédateur, mais parfois au contraire la lenteur. Je parle du vélo électrique, mais ce pourrait être tout simplement la marche à pied. Les gens doivent réapprendre aujourd'hui à marcher. Au XVIIIe siècle encore, les gens étaient entraînés à parcourir 80 km en une journée*. Ce n'est pas seulement meilleur pour la santé mais pour ta survie même en tant que sujet autonome, confronté au monstre totalitaire en train, irrésistiblement, de naître sous nos yeux.

* Graham Robb, Une histoire buissonnière de la France, Flammarion, 2011, p. 311.

4/10/2015

Priorité

L'un des éléments de la surveillance technologique, branche elle-même du contrôle social généralisé, est la géo-localisation, dit le Colonel. Les dirigeants veulent pouvoir te suivre à la trace dans tous tes déplacements, savoir exactement où tu te trouves, etc. Le portable, comme tu le sais, leur en donne déjà la possibilité*. Mais il y a aussi la carte Navigo dans le métro parisien. Elle aussi leur permet de te suivre à la trace. Justement, la carte Navigo fait aujourd'hui des émules. Ainsi, en Suisse, dès l'été 2015, les abonnements actuels de train seront remplacés par une carte à puce, carte qu'il faudra présenter au contrôleur (lui-même équipé d'un lecteur) lors de son passage. Ce système, très coûteux, et en plus peu pratique (le temps de contrôle va sensiblement s'allonger), n'en est pas moins présenté comme une "priorité" par les autorités. Demande-toi pourquoi. Donc, que faire? Tu peux évidemment choisir de te passer d'abonnement. Ainsi, chaque fois que tu prendras le train, tu achèteras un billet à l'automate. Les billets simples, pour l'instant encore, restent anonymes. C'est envisageable, sauf que tu te rends aussitôt suspect aux yeux des autorités. Tu ne fais pas comme tout le monde. Ce que je préconiserais plutôt, c'est de ne rien changer à tes habitudes. Tu fais comme si de rien n'était, tu continues à utiliser ton abonnement, mais lorsque tu as quelque chose d'important à faire, venir me voir par exemple, tu prends un billet à l'automate. La carte à puce, à partir de là, joue le rôle d'écran de fumée. Ils sont pris à leur propre piège.

*Voir "Portable", 3 juillet 2014.

3/31/2015

Dictionnaire

Bref, si je comprends bien, avant de …, on devrait commencer par …, dit l'Ecolière. Effectivement, ce serait logique. Je me porte même volontaire, s'il le faut. De telles … Je te l'ai déjà dit plusieurs fois, dit l'Avocate: je ne veux pas que tu parles comme ça à la maison. Ailleurs, tant que tu veux, mais pas ici. Surtout devant des visiteurs. Ton père serait très mécontent s'il l'apprenait. On peut tout dire dans la vie, ce n'est pas en soi un problème. Mais pas n'importe comment. On t'a donné un dictionnaire pour ton anniversaire, ça sert à quoi ce dictionnaire? Tiens, va dans ta chambre. Tu as une demi-heure pour me trouver une dizaine de synonymes (ou davantage encore). Excusez-la, M. le Visiteur. Elle est  encore très jeune. Elle répète mécaniquement ce qu'elle entend dire autour d'elle, à l'école notamment. Simplement elle en inverse les termes. Voyez à quoi sert l'école de nos jours. Quel effondrement.



3/27/2015

La moindre

Un phénomène aujourd'hui bien visible, c'est celui des églises qui se vident, dit le Visiteur. Il s'explique de diverses manières, mais on pourrait se demander si l'une des raisons au moins ne serait pas la fascination que semble exercer sur les clercs le statut de "dhimmi", fascination qu'illustre bien la visite récente du pape à Lampedusa. Comparons la posture de ce dignitaire à celle de son lointain prédécesseur au XVIe siècle, Pie V, qui en appelait, juste avant Lépante, à la résistance à l'envahisseur. Quel contraste! En ce sens, la désaffection présente à l'égard des églises rejoint celle, également manifeste, à l'égard de l'Etat républicain. Dans un cas comme dans l'autre, il y a un sentiment d'abandon, sentiment s'articulant à une constatation qu'il faut bien qualifier d'objective: celle selon laquelle le berger a trahi sa charge, autrement dit ne protège plus le troupeau confié à ses soins. Et non seulement cela (ne le protège plus), mais a complètement basculé dans l'autre camp: celui du loup. D'où cette désaffection que l'on constate, désaffection, occasionnellement, teintée de mépris (c'est, par exemple, le sens qu'il faut donner à l'abstentionnisme). On pourrait aussi parler de délégitimation. Comment, en effet, continuer à tenir pour légitime le berger (civil, mais aussi ecclésial) qui (par faiblesse, lâcheté, stupidité profonde, vénalité, idéologisme, démagogie: peu importe) trahit la charge qui lui a été confiée: la trahit pour pactiser avec le prédateur ?

3/22/2015

Pendant qu'on y est

Oui, je sais, dit la Poire. Certains disent que si le terrorisme n'existait pas, il faudrait l'inventer. J'ai entendu ça. Les dirigeants n'auraient peut-être pas exactement inventé le terrorisme, en revanche ils l'utiliseraient comme prétexte pour faire ceci ou cela: liquider ce qui subsiste encore des libertés individuelles, par exemple. Je sais. D'autres vont plus loin encore, n'hésitant pas à dire que leurs prétendues lois anti-terroristes n'ont en aucune manière pour objet de combattre le terrorisme (il leur est d'un beaucoup trop grand profit), mais de prévenir toute velléité d'autodéfense (à plus forte raison encore de révolte) des citoyens, en particulier des laissés-pour-compte de la mondialisation, ce qu'on a appelé la "France périphérique"*. Ce seraient eux les gens à surveiller: eux et non pas du tout les …, qu'ils considèrent au contraire, on se demande bien  pourquoi d'ailleurs, comme des alliés naturels et objectifs. On peut naturellement tout dire, et pendant qu'on y est, pourquoi pas, rappeler le rôle historique des Etats-Unis et de leurs alliés sunnites au Proche-orient dans l'émergence et la montée en puissance des principaux groupes … à travers le monde, groupes, au demeurant, qu'ils continuent aujourd'hui encore à soutenir activement (mais évidemment ils n'iront pas le crier sur les toits). Qu'est-ce qu'on ne raconte pas. Dieu merci, j'ai appris depuis longtemps à penser par moi-même. Donc, je disais...

* Christophe Guilluy, La France périphérique, Flammarion, 2014.






3/21/2015

Etat de droit

L'autre jour, sur France Inter*, ils présentaient leur nouvelle loi sur le renseignement, dit l'Avocate. Au nombre des intervenants, un ex-membre des services spéciaux, qui entretemps s'est reconverti dans la "magistrature". Je ne sais plus si c'est lui ou un autre, mais à un moment donné quelqu'un a dit qu'il ne fallait pas accorder trop d'importance à cette loi, car ce qu'elle autorise**, à vrai dire justifie et même encourage, existe en fait déjà: c'est déjà une réalité. Au-delà du cynisme du propos (il faudrait y revenir), cet apparatchik recadre utilement le débat. Certains, citant Orwell (1984), tirent aujourd'hui la sonnette d'alarme en disant que le régime français serait en train de basculer dans le totalitarisme. En réalité, ce basculement a déjà eu lieu. Il y a belle lurette que la police secrète française, à l'instar de son homologue américaine, s'est outillée pour intercepter l'ensemble des communications électroniques en France, et ensuite les stocker dans des bases de données. Tout le monde, aujourd'hui, est sur écoute, et tout le monde le sait. Le Monde lui-même, il y a quelques années, avait consacré plusieurs articles à ce sujets (non démentis)***. Bref, en la matière, les dirigeants ont toujours fait ce qu'ils voulaient. Sauf que, jusqu'ici, ils étaient dans l'illégalité, alors que, maintenant, ils peuvent se revendiquer de l'état de droit. La loi s'étant ainsi alignée sur la pratique, tout ce qui jusqu'ici était illégal devient par là même légal. Mais c'est la seule nouveauté, il n'y en a pas d'autre. L'occasion ici de rappeler, ce qu'on oublie souvent, que le totalitarisme est parfaitement compatible avec l'état de droit. Le régime stalinien en est un exemple (relisez Soljénitsyne), mais aussi le régime nazi (relisez Hannah Arendt).

* 18 mars 2015.
** Détails dans le Figaro, 17 mars 2015 (p. 2-3).
*** 5 juillet 2013, 21 mars 2014, 22 mars 2014, etc.









3/15/2015

Un beau jour

J'ai relu hier La Grande Peur dans la montagne, dit l'Ethnologue*. C'est saisissant comme texte. L'histoire, emblématique, est celle d'une catastrophe: la montagne, un beau jour, qui se met en mouvement, renversant tout sur son passage. Car, comme le dit Ramuz, "la montagne a ses idées à elle", elle a "ses volontés". A l'époque de Ramuz, on ne savait pas encore ce qu'était l'économie-monde. Mais on en vivait déjà les commencements. Le roman a pour arrière-plan les tensions inter-générationnelles au sein d'une communauté villageoise, communauté, en fait, qui est un microcosme. En plus petit c'est ce qui se passe ailleurs en plus grand. Les "vieux" ont été mise au rancart, on considère qu'ils ont fait leur temps. D'autres ont pris le relais, de plus jeunes: ils affichent un mépris tranquille pour la tradition ("de vieilles histoires"). Du passé faisons table rase. Le nouveau maire est un pragmatique: non pas exactement corrompu, mais très limité dans son horizon. Les questions budgétaires, donc d'argent, sont pour lui prioritaires. Il ne voit même que ça. C'est déjà la Nouvelle Classe. Dès lors, les événements se précipitent. Une épidémie, en particulier, se déclare, elle contraint les autorités à décréter l'état d'urgence. Le glas retentit, on enterre les morts. Sauf que certaines personnes ne se laissent pas faire, elles sortent leurs fusils. On néglige volontiers cette dimension-là des romans de Ramuz: la révolte. C'est arrivé demain.

* Ramuz, Romans, Pléiade, t. II, p. 413-536.

3/03/2015

Bastions

Karl Barth, ce nom ne vous dit peut-être rien, dit le Cuisinier. C'est un auteur religieux, il a marqué de son empreinte la théologie protestante du XXe siècle. Voici ce qu'il écrivait en 1939: "L'Eglise doit prier pour la répression et l'élimination du "national-socialisme" comme autrefois, devant des dangers analogues, elle a prié pour "l'effondrement des bastions du faux prophète Mahomet""*. Il faut se méfier des amalgames, dit la Poire. Mettez-vous à la place des intéressés. C'est très stigmatisant. Vous avez tout à fait raison, dit l'Etudiante. En s'exprimant comme il le fait, Karl Barth sacrifie aux stéréotypes. Il compromet le vivre ensemble, porte atteinte aux Valeurs de la République. C'est très dangereux, tout cela. Gare au populisme. Cela dénote une perte des repères. Etc.

* Les Cahiers protestants (Lausanne), janvier 1939, p. 5 (les guillemets sont de l'auteur). Le texte de Barth est précédé d'une présentation due au pasteur Charles Béguin, le directeur, à l'époque, des Cahiers protestants. Cette présentation est assortie d'une critique: "Nous faisons une objection à ces thèses: pourquoi les camper face au seul "national-socialisme" allemand et non contre l'indivisible faisceau de tous les Etats totalitaires" (ibid., p. 4 - guillemets de l'auteur).

2/23/2015

La moitié

A mains égards, l'actuel conflit des civilisations peut se lire au travers du prisme de la guerre des sexes, dit l'Avocate: d'un côté la gynécocratie occidentale, avec la femme (genrée) disposant de tous les pouvoirs, de l'autre l'…, où au contraire c'est l'homme qui a tous les pouvoirs. Ainsi, dans l'…, comme tu le sais, le témoignage d'une femme ne vaut que la moitié de celui d'un homme. Et chez nous, dit le Collégien? Chez nous, c'est l'inverse, dit l'Avocate: le témoignage d'un homme ne vaut que la moitié de celui d'une femme. En fait, beaucoup moins encore. Vraiment, dit le Collégien? Tu devrais un jour m'accompagner au tribunal, dit l'Avocate. Si, si, ça en vaut la peine. Cela étant, la gynécocratie occidentale n'apparaît pas particulièrement hostile à l'…, dit le Collégien. On la voit même, cette gynécocratie, à la pointe du combat contre l'…phobie. Etrange, non? La femme genrée est très myope, dit l'Avocate. Beaucoup de choses lui échappent. Elle va perdre cette guerre, dit le Collégien. On ne gagne pas une guerre en étant à ce point bête et stupide. Il n'y aura pas de guerre, dit l'Avocate. Tout se passera au contraire très paisiblement. La femme genrée disparaîtra de l'horizon aussi vite qu'elle est apparue. Elle s'évaporera, pschitt, personne, ensuite, n'en entendra plus seulement parler.








2/16/2015

S'approprier

Tiens, regarde, dit le Cuisinier*. Les producteurs américains d'OGM font mouvement vers l'Est. L'Ukraine, premier grenier à blé de l'Europe: ils aimeraient bien se l'approprier. O combien. L'Etat américain est en seconde ligne. Seul obstacle, la loi ukrainienne actuelle qui interdit les cultures d'OGM. La Banque mondiale et le FMI sont donc intervenus pour encourager les Ukrainiens à changer leur législation dans ce domaine. Ou vous changez votre loi anti-économique, ou on vous assèche. Hitler, comme tu le sais, était un grand admirateur des Américains, dit le Double. Il les admirait en particulier pour une chose: la conquête de l'Ouest. Il aimait bien leurs méthodes, tellement même qu'il s'en serait directement inspiré pour élaborer ses propres plans à lui de colonisation de l'Est européen**. Au fait, Drang nach Osten, tu traduirais ça comment, en anglais des Etats-Unis ? Fuck the EU***, peut-être, dit le Cuisinier. C'est une traduction libre, en fait une interprétation. Mais elle s'impose. Traduire, de toute façon, c'est toujours interpréter. L'histoire est ce que jamais on ne voit deux fois, dit la Poire. Vous devriez y penser avant, comme vous le faites, de vous lancer dans des comparaisons. Vos propos sont socialement irresponsables, qui plus est prêtent à malentendu. On en est désolé, dit le Double. Ce n'était vraiment pas notre intention.

* Voir www.counterpunch.org/2014/08/22/70838/.
** Voir Jean-Louis Vullierme, Miroir de l'Occident: Le nazisme et la civilisation occidentale, Editions du Toucan, 2014, p. 88 sq.
*** Ces mots sont ceux de la sous-secrétaire d'Etat américaine pour les affaires européennes, Victoria Nuland (voir "A l'agonie", 4 mars 2014).

2/07/2015

Poissons

Mao disait des révolutionnaires qu'ils évoluaient dans la population comme des poissons dans l'eau, dit le Visiteur. A partir de là, une question se pose: comment se fait-il que certaines catégories de criminels évoluent aujourd'hui en Europe comme des poissons dans l'eau? Eric Zemmour a écrit un ouvrage intitulé: Le suicide français*, dit l'Etudiante. C'est un très bon livre, je vous le recommande. Cela étant, le titre prête à malentendu. Il parle de suicide, alors que le terme qui s'imposerait serait plutôt celui de  meurtre. C'est ça, la réalité. Le livre l'explique d'ailleurs en détail. Meurtre, il est vrai, camouflé en suicide. Vos concitoyens auraient pu se défendre, dit le Visiteur. Pardonnez-moi, dit l'Etudiante. Mais quand on vous endort (ce qui, en l'espèce a été le cas: quarante ans durant, les gens ont été sous somnifères: lesquels au juste, c'est un autre débat), vous faites comment pour vous défendre? Au moins maintenant se sont-ils réveillés, dit le Visiteur. Justement, c'est ce qui inquiète beaucoup les dirigeants, dit l'Etudiante. C'est leur hantise au quotidien. A quoi croyez-vous que servent leurs lois "anti-terroristes": à combattre le "terrorisme"? Vous voulez rire. Revenons un peu en arrière, dit le Collégien. "Evoluent comme des poissons dans l'eau", dit le Visiteur. "Dans l'eau", en l'occurrence, ce serait quoi? Maintenant, dit l'Etudiante? A vue de nez, comme ça, je dirais: entre un quart et un tiers de la population. A certains endroits, même, beaucoup plus encore.

* Albin Michel, 2014.








2/06/2015

Limites

C'était ce matin même à l'Emission, dit l'Auditrice. Ils ont débattu de la liberté d'expression. Tout le monde a reconnu qu'on était allé beaucoup trop loin dans ce domaine. Il a en particulier été relevé que l'…phobie était quelque chose d'intolérable. Les auteurs de propos …phobes devraient être sanctionnés sans faiblesse. Les participants sont tombés également d'accord pour condamner les récentes déclarations de l'humoriste Dieudonné, qui a dit qu'il n'était pas quelqu'un, mais en vérité quelqu'un d'autre que quelqu'un. On a très bien fait de le mettre en examen, celui-là. Il y a des limites à tout. Un consensus s'est enfin dégagé pour dire que la liberté d'expression ne méritait réellement son nom que si ceux en revendiquant l'exercice étaient conscients de leur responsabilité sociale. Or, critiquer l'… (comme réalité), à l'évidence, c'est manquer de sens des responsabilité. C'est en manquer également que de remettre en cause certains axiomes unanimement reconnus: 2 + 2 = 4,25, par exemple. Il y a, en effet, des gens qui disent que 2 + 2 = 3,75. C'est intolérable. On a le droit de tout dire, mais ça non. Bref, comme dans l'exemple précédent, il importe de mettre des limites. C'est le travail du parlement. Cela étant, le débat a été franc et ouvert, toutes les opinions ont pu s'exprimer librement. Aucun dérapage n'a par ailleurs été relevé. La police n'a donc pas eu à intervenir.

1/31/2015

Transversale

Soit, dit le Collégien. Mais entre qui et qui ? On oppose volontiers les … aux …, dit l'Ethnologue. C'est, bien sûr, beaucoup plus compliqué. Deux blocs de populations, effectivement, se font face, mais ces deux blocs sont eux-mêmes coupés en deux. Prenons les … Beaucoup de ceux étiquetés comme …, ont, en fait, l'… en détestation profonde. Ils payeraient même très cher pour en être débarrassés. Une majorité de femmes en particulier. En face, c'est la même chose, mais à l'envers. Je citais l'autre jour Chahdortt Djavann: "Le long fleuve tranquille de la collaboration"*. Beaucoup d' …, comme tu le sais, sont très favorables à l'… C'est le cas, comme tu le sais, des dirigeants, mais pas seulement. L'engouement idéologique pour l'…, comme autrefois pour le stalinisme, le maoïsme, etc., s'est aujourd'hui très largement banalisé, en particulier dans les couches semi-instruites de la société (journalistes institutionnels, "politologues", spécialistes auto-proclamés de ceci ou de cela, etc.). Bref, la ligne de fracture passe au milieu même de ces deux blocs de populations. Elle leur est transversale. Soit dit en passant, elle passe également au milieu de l'Etat. Les dirigeants contrôlent la police, dans une certaine mesure aussi l'armée. Mais dans une certaine mesure seulement. L'armée, le cas échéant, pourrait très bien se couper en deux. Tu ne parles pas des services spéciaux, dit le Collégien. Ils ont pourtant joué un grand rôle dans les événements récents. Eux sont en mains états-uniennes, dit l'Ethnologue.

* Voir "Une feuille", 8 janvier 2015.


1/30/2015

Incertitude

Nous parlions l'autre jour du temps démographique, dit l'Ethnologue. Le temps démographique est celui des tendances lourdes, des évolutions à moyen ou long terme. L'avenir se lit déjà dans le présent, il n'y a qu'à prolonger les lignes. C'est le temps des dirigeants. Très différent est le temps de la guerre. "La guerre, dit Clausewitz, est le domaine de l'incertitude"*. Autant dire que dans une guerre, les lignes sont cassées. N'importe quoi peut arriver n'importe quand. On vient d'en voir un exemple. En plus, les retournements de situation sont fréquents. L'observateur est souvent pris à contre-pied. Bref, quand une guerre éclate, tous les compteurs sont remis à zéro. Qu'importent ici les tendances à moyen ou long terme. Chacun a sa chance, à lui de savoir la saisir. Une simple chance, on est bien d'accord. Qui se concrétise ou ne se concrétise pas. Mais une chance quand même. Jusqu'ici, il ne semblait pas qu'il pût y avoir d'alternative à la soumission. La soumission était notre destin, nous n'y échapperions pas. C'est ce que nous susurraient les dirigeants. Il en va différemment maintenant. Nous savons aujourd'hui qu'il existe une alternative au moins à la soumission: la guerre. Il n'y a plus ici de destin: le destin s'interrompt. C'est la guerre elle-même, en l'espèce, qui nous l'enseigne.

* De la Guerre, 1, 3.

1/22/2015

Redécouvrent

C'est toujours une erreur que de vouloir brûler les étapes, dit l'Ethnologue. S'ils étaient raisonnables, ils laisseraient les choses se faire, elles se font très bien toutes seules. Tout tranquillement. Ils n'ont qu'à attendre un peu: attendre que la caille leur tombe toute rôtie dans le bec. Car le temps travaille pour eux: le temps démographique en particulier. En plus, les dirigeants les chouchoutent, tout ce qu'ils exigent d'eux ils l'obtiennent sans peine. Oui, mais voilà, il y a la haine. Et cette haine, chez eux, est sans limite. Ils s'impatientent donc, résistent mal à la tentation d'accélérer encore le rythme. Ce faisant, ils se compliquent à eux-mêmes la tâche. Pour Carl Schmitt, le critère du politique est la distinction de l'ami et de l'ennemi*. On pourrait dire, en ce sens, que les populations européennes redécouvrent aujourd'hui la politique. Une prise de conscience s'est opérée, elle ne devrait pas rester sans suite. C'est bien ce qui inquiète les dirigeants. A vrai dire, ils n'en dorment plus. Ils essayent maintenant de rattraper tout ça (à coup, notamment, de nouvelles lois liberticides), mais ils auront du mal. Une prise de conscience, c'est irrattrapable. On ne revient jamais en arrière dans ce domaine. Les pauvres.

* Carl Schmitt, La notion de politique, Calmann-Lévy, 1972.




1/13/2015

A qui ?

A qui ou à quoi tout cela profite-t-il, dit le Collégien? Sûrement pas au citoyen moyen, dit l'Ethnologue. J'espère que tu en es conscient. On était déjà dans l'après-démocratie*, voici venir le temps de l'après-après-démocratie. De nouvelles lois d'exception sont annoncées, il faut donc s'attendre à plus de police encore, de contrôle social, d'intrusions diverses et variées, etc. Comme tu peux bien l'imaginer, les dirigeants en éprouvent une grande tristesse. Ensuite, si quelqu'un peut aujourd'hui se frotter les mains, c'est bien le Frère. La lutte contre l'…phobie va être décrétée grande cause nationale. Aucun écart ne sera toléré. Quand on a commencé quelque chose, autant aller jusqu'au bout (surtout quand ça patine). Les évolutions en cours vont donc se poursuivre, et non seulement cela mais très probablement encore s'accélérer. Vers 2022, effectivement, l'... pourrait devenir en France religion d'Etat. Enfin, derniers bénéficiaires: nos chers alliés …**. Le chaos comme arme de guerre, la guerre comme instrument de la stratégie du chaos: on a vu ce que cela pouvait donner au Moyen Orient, on commence aussi à le voir en Europe. Mais l'Europe n'est pas le Moyen Orient. Il n'y a donc pas à s'inquiéter.

* Voir "L'après-démocratie", 6 juin 2012.
**Voir "Deux coalitions", 6 août 2014.






1/08/2015

Une feuille

Hier soir, à un moment donné, j'ai entendu cette phrase, dit l'Auditrice:  L'… ne ferait pas de mal à une feuille*. En prime, c'était une femme (une sociologue, je crois). Remarque, c'est peut-être vrai, dit l'Etudiante. L'… tue les êtres humains, mais pas les feuilles d'arbre. La phrase est à prendre au pied de la lettre. On peut aussi la retourner, dit le Double: ils ne feraient pas de mal à une feuille, mais tuent les hommes. L'un ou l'autre. Ce qu'elle dit, bien évidemment, elle n'en croit pas un mot, dit l'Ethnologue. Elle pense le contraire. Mais elle le dit quand même, car si elle ne le disait pas, elle en subirait les conséquences: ne pas être réinvitée à ..., par exemple. Ou si tu préfères, figurer sur une liste noire. Elle n'est donc pas dans le déni, mais dans la simulation du déni: simulation, en l'espèce, opportuniste. Entre occulter le réel et ne pas être réinvitée, elle préfère encore occulter le réel. C'est humain, cela a toujours existé. Mais dans un contexte de chômage de masse, le phénomène tend aujourd'hui à devenir prévalent. Comme le résume Chahdortt Djavann (à propos du dernier livre de Houellebecq, qui en a fait son sujet), "la collaboration est un long fleuve tranquille"**. Et dire que pendant toute une soirée, ils ont pleuré sur la liberté d'expression, dit l'Auditrice. Ils naviguent à vue, dit l'Ethnologue.

* France Inter, 7 janvier 2015.
** Le Figaro, 8 janvier 2015.