2/25/2017

Airs

Le plus drôle encore, c'est quand ils se mettent à parler de la justice, dit l'Ecolière. Les airs qu'ils prennent. "Je m'en remets à la justice de mon pays", dit ce mis en examen. T'en remettrais-tu, toi, à la justice de ton pays, si tu étais mise en examen? Et cet autre: "Il faut laisser la justice faire son travail". Quand on sait ce qu'est, en fait, la justice, comment, justement, elle travaille. Et le bouquet: "Le temps de la justice n'est pas le temps électoral". On dirait la Pasteure parlant de l'éternité. Toutes ces affaires qui éclatent à point nommé: rien à voir, naturellement, avec le temps électoral. Simple concomitance, n'est-ce pas. Ils ont trouvé ça par hasard dans leurs tiroirs. C'est un reste d'Ancien Régime, dit l'Avocate. Le juge peut très bien, s'il lui en prend le caprice, t'envoyer en prison pour plusieurs années. Il est seul à pouvoir le faire. Aucune autre autorité au sein de l'Etat ne l'a: pas même la police. C'est donc lui le vrai pouvoir. A partir de là, tu inventes: "l'indépendance de la justice", "l'impartialité des juges", etc. En même temps, comme tu le vois, les gens ne se laissent pas trop impressionner, dit l'Ecolière. Plus ils te mettent en examen, plus tu montes dans les sondages. La justice relève du sacré, dit l'Avocate: mais c'est le cas aussi de la victime émissaire. Elle aussi relève du sacré. Relis René Girard. Dans certaines sociétés, ils tuent le roi avant de le manger. Mais on peut aussi faire l'inverse: le manger d'abord, ensuite l'élire au poste de roi.


2/20/2017

Une trace

Je ne sais pas si tu as remarqué, dit l'Ecolière, mais cette affaire a démarré le 19 du mois dernier, la veille même de la prise de fonction du nouveau président états-unien. Etrange, non? Il s'est passé beaucoup de choses le 19 janvier, dit l'Avocate. Le 20 aussi, d'ailleurs. Ce n'est peut-être qu'une coïncidence. L'ancien président était russophobe, mais aussi ...phile, dit l'Ecolière. Il en va différemment du nouveau. Lui, au contraire, est ...phobe, mais russophile. On dirait que, pour toi, ce sont les présidents qui prennent les décisions, dit l'Avocate. N'en avons-nous pas ici une preuve, dit l'Ecolière? Une preuve, non, dit l'Avocate. Je ne dirais pas. Juste un indice, si tu veux. Une trace. Comme toute trace, elle demande à être interprétée. Peut-être, au demeurant, a-t-elle été laissée volontairement. Va savoir. Cela complique l'interprétation. Comment savoir, dit l'Ecolière? Les présidents sont une chose, la police secrète d'Etat une autre, dit l'Avocate.




2/19/2017

Et après?

Dis, Maman, c'est quoi un juge corrompu, dit l'Ecolière? Un juge qui fait ce qu'on lui dit de faire, dit l'Avocate. Qu'est-ce qui se passe quand il ne fait pas ce qu'on lui dit de faire, dit l'Ecolière? Cela n'arrive jamais, dit l'Avocate. Supposons, dit l'Ecolière. Tu connais les dirigeants, dit l'Avocate.  Parfois je m'interroge, dit l'Ecolière. N'y a-t-il aucune limite à ce qu'ils se permettent ? Voyons que je réfléchisse, dit l'Avocate: non, je ne pense pas. Aucune. Pour autant, il ne faut pas céder au complotisme. Et s'ils se trompaient dans leurs calculs, dit l'Ecolière? Si tout cela finissait un jour par se retourner contre eux? C'est au moins envisageable. On vient de parler de la justice, dit l'Avocate. On pourrait aussi parler des médias dominants. Comme tu le sais, chez nous, la presse est libre. On ne sait pas non plus ce qu'est une information fausse. Tout est scrupuleusement vérifié, ce sont des gens d'une grande honnêteté. Jamais non plus de chasse à l'homme, ils ne se le permettraient pas. Et surtout, tout le monde a droit à la parole. Est-ce que j'ai répondu à ta question? Ah, j'oubliais: nous sommes en démocratie. C'est très important, ça. Bref, si je comprends bien, ce n'est même pas envisageable, dit l'Ecolière. Ce n'est pas comme ça que se pose le problème, dit l'Avocate. Si, bien sûr, c'est envisageable. Et après?



2/03/2017

Fiables

C'était ce matin même sur France Info*, dit l'Auditrice. Ils reçoivent le responsable de Décodex, un moteur de recherche spécialisé dans la chasse aux "fausses informations" sur Internet. Décodex est une création récente du Monde, référence, on le sait, incontournable en la matière. On distinguera ainsi entre les sites dits "fiables" et les autres "non fiables". Le site de France Info, par exemple, peut être considéré comme fiable. Dame, on est sur France Info. Tu ne voudrais quand même pas que ... D'autres, en revanche, non: ils ne sont pas fiables. L'heure tourne, on passe à autre chose. Ils reçoivent maintenant l'écrivain Marc Lambron, qui vient de publier son journal personnel de l'année 1997**. On retrouve ici Le Monde. C'est Lambron qui raconte. En 1997, il publie un roman intitulé: 1941***. La directrice  de l'époque du Monde des livres déclare alors: "Je vais me payer Lambron". On lui demande ce qui lui déplaît dans le livre. Réponse: "Je n'ai pas lu le livre". En 1997, certes, Décodex n'existait pas encore. Et à peine Internet. Mais la "démocratie post-factuelle", comme on dit aujourd'hui, apparemment oui. Pour ne rien dire de l'inusable bien-pensance: bien-pensance, en l'occurrence, institutionnelle. On relira dans ce contexte deux livres aujourd'hui encore très actuels: Le Monde tel qu'il est, de Michel Legris****, et Lettres enfin ouvertes au directeur du Monde, de Gilbert Comte*****.

* Vers 8 h 15.
** Quarante ans. Journal 1997, Grasset, 2017.
*** Grasset.
**** Plon, 1976.
***** Dualpha, 2002.