2/25/2017

Airs

Le plus drôle encore, c'est quand ils se mettent à parler de la justice, dit l'Ecolière. Les airs qu'ils prennent. "Je m'en remets à la justice de mon pays", dit ce mis en examen. T'en remettrais-tu, toi, à la justice de ton pays, si tu étais mise en examen? Et cet autre: "Il faut laisser la justice faire son travail". Quand on sait ce qu'est, en fait, la justice, comment, justement, elle travaille. Et le bouquet: "Le temps de la justice n'est pas le temps électoral". On dirait la Pasteure parlant de l'éternité. Toutes ces affaires qui éclatent à point nommé: rien à voir, naturellement, avec le temps électoral. Simple concomitance, n'est-ce pas. Ils ont trouvé ça par hasard dans leurs tiroirs. C'est un reste d'Ancien Régime, dit l'Avocate. Le juge peut très bien, s'il lui en prend le caprice, t'envoyer en prison pour plusieurs années. Il est seul à pouvoir le faire. Aucune autre autorité au sein de l'Etat ne l'a: pas même la police. C'est donc lui le vrai pouvoir. A partir de là, tu inventes: "l'indépendance de la justice", "l'impartialité des juges", etc. En même temps, comme tu le vois, les gens ne se laissent pas trop impressionner, dit l'Ecolière. Plus ils te mettent en examen, plus tu montes dans les sondages. La justice relève du sacré, dit l'Avocate: mais c'est le cas aussi de la victime émissaire. Elle aussi relève du sacré. Relis René Girard. Dans certaines sociétés, ils tuent le roi avant de le manger. Mais on peut aussi faire l'inverse: le manger d'abord, ensuite l'élire au poste de roi.