4/29/2017

En marche (1)

Un nouveau parti a vu le jour, dit le Visiteur: En marche. On se demande parfois quel est son programme. Et même, en a-t-il un? En fait, oui: marcher, justement. En 1939, Hermann Rauschning publia un livre intitulé La révolution du nihilisme, livre en lequel il qualifiait le nazisme de "révolution sans doctrine". "Le révolutionnaire (...) adhère au changement, quelle qu'en soit la direction. Car le changement même implique, pour lui, renouveau et sens de la vie"*. Nous sommes  en marche, disent les gens d'en marche. Et donc, très logiquement, les marchés s'ouvrent: rien que du bonheur. Ils s'ouvrent, remettons-nous donc en marche. Abolissons même les frontières. Pourquoi les maintenir? Les frontières font obstacle à la marche, donc aussi aux marchés qui s'ouvrent. Marchons donc pour maintenir lesdits marchés en état de marche: ces mêmes marchés qui nous permettront ensuite de nous remettre en marche. Pour aller où? "Le révolutionnaire adhère au changement, quelle qu'en soit la direction", explique Rauschning. Autant dire que la marche est à elle-même sa propre fin, sa propre raison d'être. Il en va de même du marché. Ils sont à eux-mêmes leur propre fin. On pourrait aussi parler de mobilisation. Tous se mettent en marche, autrement dit, littéralement, se mobilisent. Les médias officiels, entre autres, mais aussi la justice. Il y a une expression nazie pour cela: Die totale Mobilmachung.

* Hermann Rauschning, La révolution du nihilisme, Gallimard, 1939, p. 78.


4/26/2017

En action

OGM, multinationales, banques, délocalisations, genre, jungles, savent-ils seulement ce qui les attend, dit le Collégien? On appelle cela un angle mort, dit l'Ethnologue. Les gens ne voient que ce qu'ils veulent bien voir. C'est le cerveau qui trie. Enfin, ce qu'ils appellent le cerveau. Quand on pense à ce que ce type représente, dit le Collégien: quels intérêts. On est à l'ère du consumérisme, dit l'Ethnologue. Représente-toi un hypermarché. Quand tu achètes un gadget cancérigène, des vêtements à usage unique, du mobilier jetable, etc., qu'est-ce qui se passe? On ne peut pas comparer, dit le Collégien. Tu ne réponds pas à ma question, dit l'Ethnologue: qu'est-ce qui se passe? Je ne sais pas, dit le Collégien. Certains pourraient mettre le feu au magasin. Ce sont des mots, dit l'Ethnologue. Toi-même, tu ne crois pas à ce que tu dis. Que font les gens? Tout bonnement, ils recommencent. Ils dépensent même le double de la fois précédente, car les produits en question leur seront cette fois proposés en action. Il y a aussi les soldes. C'est ça la réalité.








4/23/2017

On le devient

Ce que les gens sont bêtes, dit l'Ecolière. A ce point-là, je le découvre. Ils ne se rendent compte de rien. On ne naît pas bête, on le devient, dit l'Avocate. C'est tout un apprentissage. Bien sûr aussi ils croient qu'on est en démocratie, dit l'Ecolière. Je ne vais pas te démentir, dit l'Avocate. Quelle alternative, dit l'Ecolière? Tu poses une question à laquelle, présentement, il n'est d'autre réponse qu'individuelle, dit l'Avocate. Il faut être modeste. Pense à toi-même d'abord. Présentement, tu ne peux rien faire d'autre. Aie le souci de toi. C'est à ce niveau-là qu'il y a des alternatives. Et demain, dit l'Ecolière? Les choses peuvent aller très vite, dit l'Avocate.

4/14/2017

Irresponsable

Il n'y a plus aucune limite, dit la Poire. J'ouvre la radio, et qu'est-ce que j'entends? Que Le Monde, je dis bien Le Monde, serait un "journal de caniveau"*. C'est la directrice de campagne d'un des candidats à l'élection présidentielle** qui s'exprimait ainsi. Un "journal de caniveau": comment peut-on dire des choses pareilles? Qui plus est, dans le contexte actuel? Réagissant au quart de tour, un des journalistes présents a déclaré d'une voix forte: Madame, ce que vous dites est ir-res-pon-sable, complètement ir-res-pon-sable. Irresponsable, c'est bien le mot qui s'impose. Chacun est libre de ses opinions. En revanche, il nous incombe à tous de faire preuve de responsabilité. Il y a, à l'évidence, des choses qu'on ne saurait s'autoriser à dire publiquement: sur les médias officiels, justement. On ne leur fait déjà plus tellement confiance, paraît-il. Leur crédibilité serait au plus bas. En rajouter encore à leur sujet serait donc irresponsable. Dans la foulée, la même irresponsable n'a pas hésité à dire que l'un des candidats en lice était le représentant de la "bulle financière". Comme si les banques et d'une manière générale le monde des affaires, les grands groupes industriels, avaient le moindre intérêt à peser sur une élection, même présidentielle, en favorisant des candidats à eux. C'est peut-être vrai, remarquez, mais là également ce ne sont pas des choses qui se disent. Pensez aux conséquences.

* France Info, 12 avril 2017, vers 20 h 30.
** Jean Lassalle.


4/02/2017

Se plaignent

J'entends souvent dire: les médias sont verrouillés, ils ne laissent rien filtrer, dit le Collégien. C'est peut-être vrai, je ne sais pas. Mais de temps à autre, quand même, certaines choses se disent. En fait, tout se dit. Par bribes et morceaux, certes, mais il est aisé, ensuite, de reconstituer le puzzle. Le cerveau humain est relativement bien outillé pour cela. La corruption. L'hyperclasse. Les princes-esclaves. Leurs mégabases de données enfouies dans des sous-sols de casernes. La justice indépendante en renfort. L'OMC. La concurrence obligatoire. La paupérisation à marche forcée. "Apprendre à vivre avec le terrorisme". Que sais-je encore. Tout cela est public. Bon, dit le Colonel: et alors? Les gens ne peuvent pas dire qu'ils ne savent pas, dit le Collégien. 2017 n'est pas 1789, dit le Colonel. Les gens, aujourd'hui, préfèrent ne pas prendre de risques. On peut les comprendre. Soit, dit le Collégien. Mais il ne faut pas ensuite qu'ils se plaignent. Parce que, d'après toi, ils se plaignent, dit le Colonel? Un peu quand même, dit le Collégien. Très peu, dit le Colonel. Enfin, à mon avis. Ce que j'appelle se plaindre. C'est vrai que quand on se plaint, on prend déjà des risques, dit le Collégien. Ce qui compte, ce n'est pas de prendre des risques, dit le Colonel. A quoi ça sert. Ce qui compte, c'est de faire les choses. On peut très bien les faire sans prendre de risques. Et je vais te dire: on les fait beaucoup mieux.