12/14/2007

Dope City

Apparemment ils ne s'y attendaient pas, dit l'Ethnologue. Moi non plus, je l'avoue. Je pensais que ça passerait comme une lettre à la poste. Eh bien, non, ça n'a pas passé. Un shootoir, tu vois ce que c'est: un endroit calme et tranquille, où tu peux consommer librement des drogues mortelles, accessoirement illicites, sous l'oeil bienveillant de fonctionnaires assermentés. En soi, ça ne gêne personne, personne n'y prête seulement attention. C'est comme la 4 x 4 du maire environnementaliste, ça se noie dans le paysage urbain. Le regard glisse dessus sans s'y arrêter. Mais pareille affiche! Elle, on ne peut pas ne pas la voir. Dope City, te rends-tu bien compte? Qui plus est, avec la cathédrale en fond de décor. L'indignation, faut-il le dire, est à son comble. C'est tout juste si l'Emetteur n'a pas interrompu ses programmes. Les dirigeants unanimes dénoncent la "violence" de telles méthodes. Oui, tu m'entends bien, leur violence. Ils déplorent aussi ce mauvais coup porté à l'image de la ville. C'est très "salissant", disent-ils. Ce n'est pas le shootoir qui est salissant mais bien l'affiche qui le dénonce. Soit, ce n'est que partie remise. Ils finiront bien par l'avoir, leur shootoir. Mais moins vite qu'ils ne le pensaient. A quel point ça m'attriste, tu ne peux pas savoir. Tu vois, dit l'Auteur, l'histoire est imprévisible.

12/05/2007

Une réplique

Tu reproches aux dirigeants d'être de connivence avec les voyous et les criminels, dit le Collégien. Non seulement ils ne feraient rien pour combattre la criminalité, mais ils n'épargneraient même aucun moyen pour l'aider à se développer. Soit. Mais au fait pourquoi? Pourquoi ne combattent-ils pas la criminalité? Elle leur est d'un bien trop grand rapport, dit l'Avocate. Ils lui doivent en fait leur pouvoir. Sans elle, il s'effondrerait. C'est elle qui en assure le fonctionnement au quotidien. Oui, au quotidien. L'Auteur t'expliquerait ça mieux que moi. Il a développé toute une théorie à ce sujet: le désordre comme condition même de l'ordre, etc. Ce n'est pas sans lien avec la théorie du chaos. Si tu t'intéresses à ces choses, dit l'Etudiante, va voir American Gangster, le dernier film de Ridley Scott. Il y a dans le film une réplique intéressante. Je te la rapporte telle que je m'en souviens, en la complétant juste un peu. Sauf erreur, c'est le Parrain en personne qui la formule, lors de son arrestation. Le Parrain noir de Harlem. Il dirige un vaste réseau de distribution d'héroïne. Et il pose la question: que se passerait-il si un tel marché disparaissait? La réponse est claire: ce sont des centaines de milliers d'emplois qui disparaîtraient en même temps: flics bien sûr, mais aussi avocats, juges, matons, douaniers, maître-chiens spécialisés dans la détection de drogue, médecins et autres professionnels de la santé, travailleurs sociaux, sociologues, etc. On ne réfléchit pas assez sur les rapports entre l'économie et la criminalité. On sait que la criminalité coûte cher, mais parallèlement aussi, ce qu'on oublie, c'est qu'elle fait vivre beaucoup de monde. Les criminels eux-mêmes, bien sûr, mais pas seulement. Toutes sortes d'autres gens encore. Le film comporte aussi d'intéressants développements sur la corruption de la police. Bien sûr, ça n'existe que là-bas.