7/30/2007

De grandes masses d'argent

Une autre donnée, encore, mérite d'être prise en compte, dit le Docteur: celle liée aux enjeux de la lutte pour le pouvoir. Ces enjeux sont considérables. C'est le cas en particulier en France. Tout, en France, est très centralisé, et donc celui qui exerce le pouvoir en France dispose d'un très grand pouvoir. En outre, tu n'es pas sans savoir que les principaux groupes industriels sont tous peu ou prou contrôlés par l'Etat, même et y compris lorsqu'ils sont nominalement en mains privées. Il y a le pétrole, mais aussi l'armement, l'aéronautique, le nucléaire, etc., un véritable complexe militaro-industriel, en fait, très comparable, toutes choses égales d'ailleurs, au complexe militaro-industriel américain. C'est le coeur même de l'économie française. Et donc de grandes masses d'argent vont et viennent d'un endroit à l'autre, se perdent et ensuite réapparaissent, redisparaissent ensuite, mais cette fois pour de bon, pour ne plus jamais réapparaître, etc. Voilà la donnée de base. Le reste en découle mécaniquement, entre autres et en particulier les cadavres sous influence. L'argent "est un miroir dans lequel il ne faut pas trop souvent regarder les élites françaises", écrit Eva Joly (p. 143). Quel remède, demanda l'Etudiante? Diminuer les enjeux de la lutte pour le pouvoir, dit le Docteur. Là où ils sont moins importants, il y a aussi moins de cadavres.

7/23/2007

Le bon côté des choses

Il y a deux espèces de catastrophes, dit l'Ethnologue. Celles qu'on aime, de très loin les plus nombreuses, et les autres, celles qu'on aime moins, voire, à la limite, pas du tout. La pire des catastrophes, tu la connais. Ce serait une prise du pouvoir par l'Epouvantail. Là, vraiment, ce serait la fin du monde. L'humanité n'y survivrait pas. Mais c'est un cas extrême. Les autres catastrophes, à y regarder de près, ne sont pas vraiment des catastrophes. Certaines d'entre elles ont même quelque chose de réjouissant. As-tu vu par exemple l'espèce de jubilation du Journal chaque fois qu'il est question du réchauffement climatique? Chaque fois, j'exagère un peu peut-être. Ce n'est pas toujours le cas. Mais assez souvent quand même. Tout est dans le ton, une petite musique en sourdine. Ca commence par un rappel à l'ordre, toujours le même, d'ailleurs, ce qu'ils appellent le sens d'histoire. De toute façon, disent-ils, c'est inéluctable, nous n'avons pas le choix. Préparons-nous y donc, apprenons à vivre avec. Cette consigne s'applique à toute espèce de calamité: drogue, insécurité, etc. Mais en particulier à ce dont nous parlons, le réchauffement climatique. On te montre ensuite le bon côté des choses. Par exemple, explique le Journal, il y aura des palmiers à 2000 mètres. Voyez votre bonheur: des palmiers à 2000 mètres. Vous n'êtes quand même pas contre les palmiers à 2000 mètres? Des tas d'animaux venus du Sud viendront par ailleurs nous dire bonjour. C'est plutôt sympathique comme démarche. Tant pis s'ils sont porteurs de parasites. Et ainsi de suite. Finalement on se demande pourquoi il faudrait combattre le réchauffement climatique. Vous le savez, vous, peut-être?

7/22/2007

La charia

Dieu merci, il n'y a plus aujourd'hui de charia en Occident, dit le Cuisinier. Il y en a eu une peut-être dans le passé, mais maintenant c'est fini, il n'y en a plus. Il faut y voir une influence chrétienne. Le christianisme, en son acception authentique, ignore toute espèce de charia. Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu, dit l'Evangile. Il y a aussi cette scène où le Christ refuse de s'impliquer dans une histoire d'héritage. Le philosophe Rémi Brague commente ainsi ce texte: "Les règlements interhumains ne seront pas chargés du poids de l'Absolu, mais laissés au soin des hommes. L'Absolu ne portera que sur l'exigence morale, qui devra normer toutes les règles juridiques" (Europe, la voie romaine, Folio Essais, 2007, p. 202). Les normer, mais rien d'autre. C'est un cadre, tout au plus. Ce qu'il y a l'intérieur du cadre, ça dépend de toi. C'est de ta responsabilité propre. Je ne le conteste pas, dit l'Ethnologue. Mais tu as plein de gens aujourd'hui qui en rêvent, de la charia. Ils ne rêvent même que de ça. Ecoute un peu l'Activiste, l'Apparatchik, Très-dans-la-ligne, etc. Ce n'est pas pour rien qu'ils fraternisent, comme ils le font, avec le Frère. Vraiment, ça les attire. Ne leur parle pas en revanche du christianisme. Leurs compagnes, il est vrai, maîtresses ou concubines, ne portent pas encore le voile, mais, un jour ou l'autre, tu verras, très spontanément, elles y viendront. Je les imagine même très bien avec une burka (tu sais, avec la grille d'entrée). Eux-mêmes, de leur côté, se laisseront pousser la barbe. L'islam est la religion naturelle de l'homme, de l'homme en tant qu'être naturel, veux-je dire.

7/19/2007

Je les porte en moi

Comme tu le sais, l'Autorité morale croit aux essences, dit l'Ethnologue. Personnellement je n'irais pas jusqu'à dire que les essences n'existent pas. Si, bien sûr, elles existent, mais autrement que ne l'imagine l'Autorité morale. L'Autorité morale part de l'histoire, plus exactement encore de ce qu'il croit être l'histoire (car ses conceptions historiques sont largement mythiques), alors que, selon moi, il faut partir de la géographie. Je rejoindrais sur ce point Ramuz. Relis Raison d'être, ou encore Aimé Pache, peintre vaudois. Pour Ramuz, ce n'est pas tant l'histoire qui te fait être ce que tu es que la géographie. L'identité est d'abord liée à la nature, au paysage. Je les porte en moi comme eux-mêmes, de leur côté, me porte en eux. Le paysage, en l'occurrence, c'est le lac, avec les vignes de Lavaux en surplomb. Ce "beau lac", comme le dit Rousseau dans les Confessions. Et encore: "Celui autour duquel mon coeur n'a jamais cessé d'errer". Soit, dit l'Avocate. Mais tu connais la phrase de Montaigne: "Le monde n'est qu'une branloire perenne. Toutes choses y branlent sans cesse: la terre, les rochers, du Caucase, les pyramides d'Egypte", etc. Il y a vingt mille ans, le lac n'existait pas. A la place, il y avait un glacier, il descendait même jusqu'à Lyon. Je ne m'occupe pas de ce qui se passait il y a vingt mille ans, dit l'Ethnologue. Il y a deux mille ans, le lac était déjà là. Personnellement, ça me suffit.

7/17/2007

Beaucoup de bruit pour rien

L'Etouffeur vient de rendre son rapport, dit l'Ethnologue. En clair, il se plaint d'avoir été dérangé pour rien. Pour rien, pas exactement. Il signale bien deux ou trois dysfonctionnements. Sur un tel budget, n'est-ce pas, c'est inévitable. Par exemple, certaines factures ont été gonflées artificiellement. Evidemment c'est mal. On ne devrait pas faire des choses pareilles. De là à dire que... Bref, beaucoup de bruit pour rien. Tout le monde est blanchi, hormis l'Adjoint, auquel l'Etouffeur reproche son mauvais esprit. N'est pas Monsieur Propre qui veut, il y faut une autorisation spéciale. L'Adjoint s'est trop mêlé de ce qui ne le regardait pas. En conséquence l'Etouffeur recommande l'ouverture d'une enquête administrative à son encontre. Elle devra déterminer si l'Adjoint a agi seul ou en bande organisée. L'Etouffeur n'est pas toujours une nécessité, dit l'Avocate. On peut occasionnellement s'en passer. Exemple, il y a quelque temps, lors d'un contrôle de routine, certaines irrégularités ont été découvertes dans les comptes de la Sous-Cheffe. La Sous-Cheffe était une proche amie du Ministre. Très proche, même. On a pu ainsi se passer des services de l'Etouffeur. Par là même aussi l'Etat a fait des économies. Car les interventions extérieures, tiens donc, il faut les payer. Et elles ne sont pas bon marché: honoraires, frais d'hôtel, de secrétariat, etc. A propos, dit le Sceptique, avez-vous suivi l'Emission d'hier? Il y était question de gouvernance: la gouvernance au défi de l'Ethique (ou l'inverse, je ne me souviens plus bien). Intéressant comme débat. Zède figurait au nombre des invités. Mais aussi Zède bis, d'autres encore. Ixe et Igrecque, par exemple. Le Politologue a parlé de l'accélération de l'histoire.

7/04/2007

Quelques menus services

Lis-ça, dit le Cuisinier: c'était hier dans le Journal. Un article sur la situation de l'édition dans notre région. En fait, l'article ne parle que de trois maisons d'édition. De ces trois-là seulement et pas des autres. Etrange, non? Les autres, tout simplement, n'existent pas. Or on n'en compte pas moins d'une cinquantaine. Il y a des consignes, demanda le Collégien? Même pas, dit le Cuisinier. Imagine une sorte de microcosme. Soit ils appellent, soit on les appelle. Ils papotent entre eux, se communiquent leurs petits secrets. Ils se connaissent depuis toujours, ça remonte au temps de leurs études. En plus ils partagent les mêmes idées, tu vois plus ou moins lesquelles. Quoi d'étonnant dès lors à ce qu'il s'entraident un peu? Se rendent quelques menus services? Ca se fait tout seul, ils n'y pensent même pas. Les subventions, c'est la même chose. Car, évidemment, tout est très subventionné. A l'Etat aussi ils ont le téléphone. Ils règlent ça entre eux. Et les autres, demanda le Collégien? Ceux n'appartenant pas au microcosme? Ils se débrouillent comme ils le peuvent, dit le Cuisinier. Certains y parviennent, d'autre non. Mais ce qu'ils éditent est souvent assez intéressant (en fait très intéressant). Très dérangeant aussi, parfois. Eux, on ne les appelle pas.