9/20/2007

C'est vrai ce qu'il dit ?

La campagne bat aujourd'hui son plein, dit l'Etudiante. Te dirais-je à quel point c'est intéressant. Ils en savent des choses, ces gens-là. Quelle aisance aussi dans l'expression. On a vraiment envie de voter pour eux. C'est super-bien payé, ces postes, dit l'Auditrice: 100'000 euros au minimum, plus les amuse-gueules: la gratuité des trains en première classe, par exemple. Ils te payent aussi des séjours linguistiques à l'étranger, si tu le souhaites. Un chaque année, mais pas plus. Vous avez vu la dernière déclaration de l'Usurpateur, dit le Collégien? Il dit que les membres des commissions parlementaires sont payés à ne rien faire. C'est vrai, ce qu'il dit? Non, bien sûr, il plaisante, dit l'Auditrice. Ce n'est pas vrai du tout. Et la Cheffe, dit le Collégien: vous en pensez quoi, de la Cheffe? Ah, la Cheffe, dit l'Etudiante. On en parle effectivement beaucoup, ces temps-ci, de la Cheffe. Tiens, tourne un peu les pages. Non, ce n'est pas le Journal, c'est l'Autre Journal. Mais il dit en fait la même chose. Ce que j'en pense? Rien que du bien, naturellement. Avec ses grandes dents... Ailleurs encore, ils donnent dans le subliminal, dit l'Auditrice: ça se mélange avec l'eau gazeuse, le dentifrice, d'autres choses encore de ce genre. Si tu aimes l'eau gazeuse...

9/18/2007

Il ne faut même pas y songer

Tu te souviens des théories de Michel Foucault, dit l'Avocate. Un jour viendra, disait-il, où l'on n'aura plus même besoin d'enfermer les gens en prison, il suffira de faire appel au contrôle social. Le contrôle social n'est rien d'autre en effet qu'une prison à une plus vaste échelle, celle de la société dans son ensemble. C'est ce qu'on appelle aujourd'hui la société de surveillance. Deux remarques à ce propos. Première remarque: nonobstant l'irrésistible ascension de la société de surveillance, phénomène que Michel Foucault avait analysé par avance, la prison au sens strict, je veux dire l'endroit où l'on enferme les gens, se porte aujourd'hui plutôt bien. Non seulement son existence n'a pas été remise en cause, mais le système carcéral est plutôt en train de se consolider. De plus en plus de gens, aujourd'hui, sont envoyés en prison, pour des peines, également, de plus en plus longues. En France, par exemple, entre 1975 et 1995, la population carcérale a doublé. La durée moyenne de détention a également doublé au cours de la même période. Ce n'est donc pas ou bien... ou bien...: ou bien la prison, ou bien le contrôle social. On a aujourd'hui et la prison, et le contrôle social. Deuxième remarque, maintenant. Il faut distinguer entre plusieurs types de prison. Les prisons actuelles, je veux dire: celles qu'on construit actuellement, n'ont en effet plus rien à voir avec les prisons traditionnelles, celles héritées de l'Ancien Régime, avec leurs murs pourris, leurs cafards, leurs odeurs d'urine, etc. Ces prisons-là ont vécu, elles sont aujourd'hui remplacées par d'autres prisons, prisons du "troisième type", en quelque sorte, très différentes des précédentes. Dans son roman d'anticipation, Technosmose (Gallimard, 2007), Mathieu Terence en décrit une, de ces prisons. C'est une société de surveillance, mais en plus perfectionné encore. Elle joue en fait le rôle de laboratoire expérimental pour la société de surveillance. D'une prison traditionnelle, il est parfois possible de s'évader. De cette prison-là, il ne faut même pas y songer. Elle est d'ailleurs enfouie sous terre, on n'y accède que par des "descendeurs". C'est en cela même que la prison conserve, aujourd'hui encore, sa raison d'être. Elle annonce la société de demain. L'annonce et la préfigure.

9/11/2007

Conflits de basse intensité

Ils commémorent aujourd'hui le 11 septembre, dit l'Auditrice. Le Politologue est intervenu aujourd'hui à l'Emission. Il a dit que le 11 septembre marquait la fin du XXe siècle et le début du XXIe. L'ère des grandes guerres est aujourd'hui terminée. En lieu et place on assiste au développement de nouvelles formes de guerres, les "conflits de basse intensité". Le Politologue en tire certaines conclusions pratiques. Il en appelle d'abord à une restructuration de l'armée, en fait à son abolition pure et simple. D'après lui, elle ne servirait plus à rien, sauf, éventuellement, en tant que force d'appoint dans le cadre de missions de maintien de la paix, celles de l'ONU, de l'OTAN, etc. Mais c'est tout. Le Politologue plaide en outre pour un renforcement de la guerre contre le terrorisme. Le terrorisme, dit-il, est aujourd'hui la principale menace pesant sur la civilisation; il importe donc de le combattre avec détermination. Un certain nombre de mesures s'imposent: accroître le nombre des écoutes téléphoniques par exemple. On fait déjà beaucoup dans ce domaine, mais cela reste encore insuffisant. Pensez donc, explique-t-il, on ne sait toujours pas ce que faisait l'Epouvantail l'avant-veille du 11 septembre, ni non plus où et avec qui il a passé la soirée du 10, si c'était avec sa copine ou quelqu'un d'autre. De tels dysfonctionnements sont intolérables. Lui-même, le Politologue, se propose de lancer prochainement un grand programme de recherche à ce sujet. Une cinquantaine de chercheurs de haut niveau seront mis à contribution. Ils auront naturellement accès à toutes les archives, aussi bien privées que publiques. Mais ils seront aussi seuls à y avoir accès. On ne lésinera pas non plus sur les moyens. Le Parlement sera prochainement appelé à se prononcer à ce sujet. On a ainsi bon espoir de connaître un jour la vérité. L'opinion légitimement inquiète saura enfin ce que l'Epouvantail tramait l'avant-veille du 11 septembre. Et aussi bien sûr le 10, veille des attentats.

9/09/2007

En procèdent

J'ai en tête le titre de l'ouvrage de Hans Blumenberg, La légitimité des Temps modernes, dit l'Auteur. En quoi les Temps modernes sont-ils légitimes? Personnellement je dirais: en ce que l'homme a vocation à la liberté. Voilà ce qui les rend légitimes. Ca exactement, et rien d'autre. En même temps les Temps modernes ne viennent pas de rien. Si les Temps modernes s'inscrivent en rupture avec l'univers pré-moderne, par ailleurs aussi ils en procèdent. En procèdent, et ne sauraient donc se construire qu'à partir de lui. La bonne modernité, la modernité heureuse (car cette modernité-là, elle aussi existe), n'est pas celle tournant le dos à la tradition, lui tournant le dos ou encore l'ignorant, mais bien celle s'inscrivant en continuité avec elle, en assumant, bon gré mal gré, l'héritage (quitte, évidemment, à le réinterpréter). Beaucoup de modernes raisonnent sur la modernité comme si être moderne c'était tuer le père. C'est le schéma oedipien, à certains égards aussi celui du Fils prodigue. Mais comme le montre Sophocle le meurtre du père n'est pas vraiment libérateur. Oedipe tue le père, mais se condamne par là même au malheur. Il en va de même du Fils prodigue. Plus je relis ces textes (Oedipe Roi, la parabole du Fils prodigue), plus je m'émerveille de leur justesse. Textes qui s'éclairent d'ailleurs l'un l'autre, s'éclairent et se complètent. Certains les interprètent comme des textes anti-liberté. A mon avis non. Ce ne sont pas des textes anti-liberté, mais anti-hybris. Hybris, soit dit en passant, qu'il ne faut d'ailleurs pas toujours chercher du côté des fils mais des pères. Car aux pères aussi il arrive de commettre certaines erreurs. Pères butés ou cassants. Ou à l'inverse, absents, inexistants. L'idéal, en fait, serait que le père accompagne le fils dans sa démarche. L'accompagne et l'assiste. Ce n'est malheureusement que rarement le cas.