2/25/2013

Si je devais

On parlait l'autre jour de Charlotte Corday, dit l'Avocate. Voici maintenant Zero Dark Thirty, le dernier film de Kathryn Bigelow*. C'est, pour une part au moins, un film de propagande. Mais très bien fait. On ne perd donc pas son temps en allant le voir. On dit que c'est un film sur la torture. Ce n'est pas un film sur la torture, mais sur la vengeance. C'est beaucoup plus intéressant. Je n'ai jamais rencontré Charlotte Corday, mais si je devais me la représenter, je l'imaginerais volontiers sous les traits de Jessica Chastain. Tranchante comme une lame. Ne cédant rien sur rien. Allant toujours jusqu'au bout d'elle-même. Les Américains ne font pas que se venger, dit le Cuisinier. Il leur arrive, certes, de se venger, c'est vrai, mais font plein d'autres choses encore. Je ne dis pas le contraire, dit l'Avocate. Ce que je dis, c'est que quand ils en viennent à parler de la vengeance, ils en parlent plutôt bien. De manière convaincante. On est hors réalité, dit le Cuisinier. Eux-mêmes ne croient pas un mot de ce qu'ils racontent. C'est un autre débat, dit l'Avocate.

* Kathryn Bigelow, Zero Dark Thirty (2012).

2/18/2013

C'est assez ça

Si tu vas sur leur site, le site de Dope-City, tu verras que la devise de Dope-City est: "Dope-City bouge", dit l'Ethnologue. L'expression "Dope-City bouge" a été forgée au début des années 80, elle désignait à l'époque un collectif de casseurs, des gens qui saccageaient des vitrines pour le simple plaisir de les casser. C'est eux, en fait, qui l'ont forgée. La nomenklatura locale l'a ensuite récupérée pour se l'approprier. Dans L'enseignement de l'ignorance, Jean-Claude Michéa écrit: "On sait que le système a déjà réussi à imposer aux fractions les plus canalisables de la jeunesse, l'idée que bouger serait en soi une activité parfaitement définie et nécessairement vertueuse. Dans la pratique, il y a donc beaucoup de chances pour que ce que la jeunesse qui regarde Canal + appelle habituellement une ville qui bouge bien soit, en vérité, une ville que détruisent le tourisme et la promotion immobilière, où la mafia possède de nombreuses boîtes de nuit et où les téléphones portables se vendent particulièrement bien"*. C'est assez ça. Il décrit bien ce qui se passe. D'une manière générale, on n'a plus besoin aujourd'hui de casseurs pour casser une ville. Les casseurs eux-mêmes ont fini par le comprendre. Les ex-sympathisants de "Dope-City bouge" se sont pour la plupart recyclés dans la communication, la gouvernance, parfois même la police. On mesure mieux désormais de quoi bouger est le nom.

* Flammarion, 2006, p. 105.