2/12/2016

Seuil

Grâce à l'informatique, il est aujourd'hui possible de contrôler un pays en ne s'appuyant que sur un nombre relativement restreint de personnes, dit le Visiteur. En France, par exemple, la police secrète d'Etat (DGSE, DGSI, etc.) regroupe aujourd'hui entre 20 et 25'000 personnes. 25'000 personnes, si l'on y songe, sur une population de 60 millions, c'est très peu. Sauf qu'à ces 25'000 personnes, il faut ajouter Internet, une bonne centaine de banques de données (toutes, bien sûr, interconnectées), la monnaie électronique, la carte Navigo, le passeport biométrique, etc. C'est suffisant pour tout verrouiller, ou presque. Je dis presque, parce qu'il existe encore quelques fissures. On peut très bien, par exemple, décider de se passer d'Internet*. Ou encore ne pas avoir de portable. Payer ses achats en espèces. Etc. Beaucoup de gens sont dans cette démarche: ils passent ainsi entre les mailles. C'est tout à fait faisable (moyennant une certaine discipline de vie, il est vrai). Mais à la marge. Dans l'ensemble, le dispositif numérique actuel est très performant. Jamais, dans le passé, la police politique d'un pays donné n'avait disposé d'autant de moyens pour faire ce qu'on lui demande de faire (et bien sûr aussi de droits: car les droits suivent automatiquement). Ses possibilités d'intrusion, partant aussi d'intervention, sont sans commune mesure avec celles, par exemple, dont disposait autrefois la Gestapo (à l'époque nazie), ou encore le KGB (à l'époque soviétique). Sans commune mesure non plus avec les descriptions d'Orwell (1984), ou de Soljénitsyne (Le premier cercle). On ne peut même pas comparer. On a franchi un seuil.

* Voir "Julian Assange", 12 juillet 2015.