6/29/2007

Ne vous approchez pas des fenêtres

Je viens de lire les souvenirs d'Eva Joly (La force qui nous manque, Les Arènes, 2007), dit l'Avocate. Tu vois qui est Eva Joly: c'est ce juge d'origine norvégienne, française par mariage, qui, avec sa collègue Laurence Vichnievsky, a instruit l'affaire Elf, avec à la clé une cinquantaine de mises en examen: des gens, tout simplement, qui piquaient dans la caisse (ben quoi?). Parmi eux, nombre de représentants de la nomenklatura, des représentants en vue, je précise bien. Ils se croyaient intouchables, et à certains égards l'étaient. En fin de compte, ils n'ont été condamnés qu'à des peines symboliques, le plus souvent d'ailleurs avec sursis. La dame a donc instruit l'affaire, puis elle s'est fait mettre en congé, car, assez vite, elle en est venue à craindre pour sa santé. Un des plus hauts magistrats de France, aujourd'hui membre du Conseil constitutionnel, lui aurait dit un jour: "Madame, je tiens de source incontestable que vous êtes entrée dans une zone d'extrême danger. Ne vous approchez pas des fenêtres...". Intéressant, non? C'est très spécifique à la France, dit le Docteur. L'ouvrage de référence est celui de Christophe Deloire: Cadavres sous influence: Les morts mystérieuses de la Ve République (Jean-Claude Lattès, 2003). Bigre, dit l'Etudiante. Et ça vient d'où, tout ça? Il faut, je pense, remonter à la dernière guerre, dit le Docteur. A la guerre proprement dite (40-44), mais aussi à l'immédiate après-guerre: 44-45, à ce qu'on appelle l'épuration sauvage. C'est le titre d'un ouvrage bien documenté (Philippe Bourdrel, L'Epuration sauvage, Perrin, 2002). Ensuite il y a eu le SAC, les polices parallèles, la Françafrique, etc. Certaines habitudes se sont prises.