Poursuivons, dit l'Ethnologue. Dans cette même lettre du 24 novembre 1963, Hannah Arendt évoque aussi l'assassinat du président Kennedy, assassinat survenu deux jours plus tôt. Cette tragédie lui inspire les pensées suivantes, pensées qui sont en fait celles de son mari, philosophe comme elle : "Il [son mari] pense qu'il [Kennedy] avait vraiment touché le cœur des choses, ce cœur qui maintient l'équilibre partout, en politique intérieure comme en politique extérieure, et que maintenant tout risque de s'effondrer comme un château de cartes". On retiendra surtout la référence au "cœur des choses". C'est le langage religieux. "Le cœur est essentiellement un symbole du centre (...), qu'on se place au point de vue microcosmique ou au point de vue macrocosmique", écrit René Guénon*. Kennedy n'était peut-être pas le cœur des choses, mais comme le dit très bien Arendt, il l'avait "touché", en sorte qu'on ne pouvait pas assassiner Kennedy sans qu'il n'en résultât de graves conséquences pour le monde entier. "Tout risque de s'effondrer", dit Arendt. D'une certaine manière, c'est bien ce qui s'est produit: tout s'est effondré. Quels étaient les commanditaires, dit le Collégien? Il ne faut pas céder au conspirationnisme, dit l'Ethnologue.
* René Guénon, "Le Cœur et la Caverne", in Symboles de la science sacrée, Gallimard, 1977, p. 200.