Les services secrets se sont toujours considérés comme au-dessus des lois, dit le Colonel. Et donc aussi ils ont toujours cherché à tourner la loi. Or, aujourd'hui, ils n'ont même plus à se demander comment tourner la loi, car la loi elle-même vient à leur rencontre, leur donne la possibilité de faire ce qu'ils ne pouvaient faire autrefois qu'en tournant la loi. S'ils le font donc (ce qu'ils ne pouvaient faire autrefois qu'en tournant la loi), c'est en toute légalité qu'ils le font, en accord même avec la loi. Ou alors ils changent la loi (c'est devenu chez eux une habitude). Cette évolution est particulièrement manifeste aux Etats-Unis, mais elle caractérise également l'évolution du système politique en Europe. Voyez, par exemple, ce qui se passe en France, mais aussi en Suisse*, en Allemagne, etc. Sous l'angle des rapports de force à l'intérieur de la supra-société, elle équivaut à un transfert de souveraineté de la sphère politique à celle des services secrets. C'est elle, désormais, qui est le véritable siège du pouvoir. Cette situation n'est pas exactement sans précédent: que l'on songe au rôle du KGB dans la dernière phase d'existence de l'ancien régime soviétique. Sauf que l'informatique, à cette époque-là, n'existait pas encore, dit l'Avocate.
* "A le faire", 31 juillet 2011.