C'était l'autre jour sur France Inter, dit l'Auditrice*. Un officiel défendait le projet de futur zone de libre-change transatlantique. Le traité, a-t-il dit, sera de toute façon soumis au vote du Parlement. Pas de souci donc, vous pouvez dormir sur vos deux oreilles. Je laisse de côté le traité, chacun sait ce qu'il en est. C'est une exigence américaine, personne n'imagine même seulement qu'il ne soit pas, le moment venu, adopté**. Je me suis en revanche fait cette réflexion. En France, comme on sait, deux partis occupent le devant de la scène, l'UMP d'un côté, le PS de l'autre. Deux partis pro-américains, soit dit en passant. Le mode de scrutin leur assure un quasi-monopole d'accès à l'Assemblée nationale, alors même qu'ils ne rassemblent, à eux deux, qu'entre 30 et 40 % des électeurs. C'est très étrange comme situation, mais on y est maintenant habitué. Tout le monde trouve cela normal. Et en y réfléchissant bien, c'est normal. Comme le sont toutes sortes d'autres choses encore: le meurtre d'un manifestant par la police, par exemple. Normal encore qu'un pays exsangue et désargenté envoie ce qui lui reste d'armée guerroyer aux quatre coins de la planète, alors même qu'il éprouve les plus grandes difficultés à contrôler ses propres frontières (ce qui pourtant devrait être sa priorité). Normal au sens où l'on parlait à une certaine époque de "normalisation" (c'était sous Brejnev). C'est l'accumulation même de ces choses, en elles-mêmes complètement anormales, qui les font, globalement, apparaître plus ou moins normales.
* 12 novembre 2014.
** "La guerre économique déclarée par les Etats-Unis à l'Europe n'est pas une simple péripétie de la libre concurrence, c'est le commencement d'une oppression qui ne s'achèvera qu'avec le sous-développement des Etats européens" (Paul Virilio, L'insécurité du territoire, Galilée, 1993, p. 158).