Il est plutôt rare, en France, qu'un cinéaste aborde les questions de société, dit l'Ethnologue. Ou alors c'est le potage habituel. La récente sortie en salle des Combattants, avec Adèle Haenel dans le rôle féminin principal, est en soi, donc, un petit miracle*. Le titre se veut probablement ironique, mais là n'est pas l'important. L'important est dans la thématique abordée: face à l'effondrement imminent (le film énumère divers scénarios possibles : guerre civile, épidémie, bouleversement climatique, etc.), à quelle logique obéir: celle enseignée dans les préparations militaires, un pour tous, tous pour un, ou au contraire chacun pour soi, Dieu pour tous ? L'héroïne, à vrai dire, ne se pose pas trop la question. Pour elle, s'il est une évidence, c'est bien que personne, aujourd'hui, n'est plus prêt à se sacrifier pour personne. Au jour J, chacun ne pourra donc compter que sur lui-même. Un auteur suisse, Bernard Wicht, écrivait il y a peu que "l'individu remplace (aujourd'hui) l'Etat en matière de défense et de sécurité"**. D'un point de vue stratégique, cela répond au principe de l'éparpillement, mais l'éparpillement est ici poussé à l'extrême. L'héroïne est dans cette logique. Elle et son copain ont encore beaucoup de choses à apprendre dans ce domaine. Mais les derniers mots du film n'ont pas été articulés pour rien: la prochaine fois, on sera mieux préparé.
* Les Combattants, film de Thomas Cailley, 2014.
** Bernard Wicht, Europe Mad Max demain? Retour à la défense citoyenne, Favre, 2013, p. 106.