10/24/2008
Aristote
C'était ce matin même à l'Emission, dit l'Auditrice. Il était question du juste salaire. Qu'est-ce qu'un juste salaire, qu'est-ce qui est juste ou non dans ce domaine? Le Métaphysicien a donné son avis. Pour lui, la question est insoluble, car les critères objectifs font défaut. Il y a quand même certaines évidences, dit l'Etudiante. Quand des gens touchent des salaires de sept ou huit chiffres, comme c'est le cas parfois, qui pourrait dire que de tels salaires sont justes? Justes, au sens de la justice sociale? Est-ce seulement décent? Ce n'est pas ce que dit le Métaphysicien, dit l'Auditrice. Il reconnaît volontiers que de tels salaires sont injustes. Ce qu'il dit, c'est qu'on ne sait pas à quelle hauteur exactement il faudrait les plafonner pour qu'ils cessent d'être injustes. Le Métaphysicien s'enferme dans le tout ou rien, dit l'Ethnologue: soit les experts nous disent exactement en quoi consiste le juste salaire, ils nous donnent un chiffre, soit on est livré à l'arbitraire. Mais non. On sait très bien plus ou moins en quoi consiste le juste salaire, entre quelles limites approximativement il se situe. De telles limites n'ont rien de subjectif, elles sont complètement objectives: objectives, non pas évidemment au sens où elles seraient rigoureusement calculables, ou encore se déduiraient de principes a priori (on est dans le sublunaire), mais où elles répondent à certaines considérations raisonnées (politiques, économiques, morales, etc.). Les mathématiques le cèdent ici à la prudence, plus exactement encore au jugement (qui accompagne la vertu de prudence). Le jugement est la "détermination correcte de ce qui est équitable", dit Aristote (Ethique à Nicomaque, 1143 a 20). C'est la première fois que je t'entends citer Aristote, dit l'Avocate. Pourquoi non, dit l'Ethnologue?