Nous parlions récemment des gardiens de camp, dit l'Ethnologue: les prochains, veux-je dire. Ceux prévus pour demain. On s'interrogeait sur leur formation*. Cela étant, en y réfléchissant, je me demande si la question est bien posée. Revenons-en aux analyses arendtiennes. Pour Arendt, on le sait, le gardien de camp illustre un certain type psychologique, celui de l'obéissance inconditionnelle aux ordres: les ordres sont les ordres, fais ce que dois advienne que pourra, etc. Certaines comparaisons sont évidemment possibles, parfois même elles s'imposent. Mais elles ont aussi leurs limites. En particulier, personne ne dit plus aujourd'hui: fais ce que dois, advienne que pourra. Les gens font ce qui leur plaît, un point c'est tout. En l'espèce, la motivation première est la haine. C'est elle, l'élément de base. Le passage à l'acte est donc beaucoup plus rapide. Pour préciser encore ma pensée, je dirais que le camp de concentration est une institution du XXe, non du XXIe siècle. Il en existe encore quelques-uns dans le monde, mais c'est une survivance. Dans concentration il y a centre. Le centre, aujourd'hui, est partout et la circonférence nulle part. Promenez-vous à certains endroits. De surcroît, cela se passe à très petite échelle. Ce n'est ni pire, ni moins pire, simplement le monde a changé. Les problèmes sont autres.
* "Les mieux classés", 5 décembre 2011.