12/30/2019

Année écoulée

L'année écoulée, effectivement, a été riche en enseignements, dit le Visiteur. Tout ce qu'on a appris, il est vrai, on le savait déjà. Mais plus ou moins seulement. Cela se noyait dans une sorte de brume: "démocratie", "Etat de droit", "laissons la justice faire son travail", etc. C'est ce brouillard même, entre-temps, qui s'est dissipé. Personne, désormais, ne discute plus certaines évidences: en particulier que la principale menace à laquelle nous sommes aujourd'hui confrontés, c'est la police. Juste après viennent les petits chéris. Mais d'abord la police. Les deux, au demeurant, comme on le sait, police et petits chéris, travaillent la main dans la main. C'est le premier enseignement. Le second est que cela ne sert à rien de vouloir lui tenir tête (même et y compris, j'allais dire surtout, pour défendre ses droits constitutionnels): le rapport de force est trop inégal. On peut le vouloir, c'est tout à fait possible: mais on le paye alors au prix fort. En ce sens, le conseil d'Ernst Jünger remontant aux années 30 et 40 du siècle dernier (tenez-vous à l'écart, laissez les choses se faire puisque de toute manière vous ne pouvez pas les empêcher, pensez à votre santé), conserve sa pertinence. Cela vaut mieux que de se retrouver éborgné, défiguré, estropié, passé à tabac, handicapé à vie, amputé d'un membre, parfois même tué. Le terrorisme d'Etat n'est pas, en l'espèce, une vaine expression. On en arrive ainsi au troisième enseignement: ce régime a encore de beaux jours devant lui. Seul un concours tout à fait extraordinaire de circonstances pourrait éventuellement le faire vaciller: guerre, crise économique, catastrophe climatique, pandémie, etc. Ce n'est pas inenvisageable, remarquez. Mais, à court terme au moins, relativement improbable. Il faut bien sûr s'y préparer. Mais sans plus. Voilà ce que nous avons appris.




12/24/2019

Enseignements

La Révolution française est pleine d'enseignements, dit l'Ecolière. Sais-tu ce qui est arrivé au gouverneur de la Bastille, de Launay, après que la foule se soit emparée de l'édifice? Pas vraiment, dit l'Avocate. Mais je peux l'imaginer. Pourquoi? Il y a quelques années, le député Jean Lassalle s'était promené à travers la France, dit l'Ecolière. Une chose, en particulier, l'avait frappé: la haine des gens à l'endroit des politiques (hormis les élus locaux). On leur reprochait, entre autres, leurs mensonges: car ils mentent délibérément (1). Ils font bien d'autres choses encore, mais surtout ils mentent (et en permanence). Ce sont de ... menteurs. Ce sentiment de haine est aujourd'hui très partagé. En Suisse, par exemple, il est question de créer un service spécialement chargé d'identifier les auteurs d'injures et de menaces à l'endroit des politiciens et politiciennes (en particulier sur Internet). 60 % de ces personnels se sentent aujourd'hui menacés (2). L'histoire ne se répète jamais, dit l'Avocate. Tu parles de la Bastille. Je vois mal, aujourd'hui, qui pourrait s'emparer de la Bastille, et surtout comment. Elle est bien défendue. Ne dit-on pas que les mêmes causes, en principe, produisent les mêmes effets, dit l'Ecolière? Je ne conteste pas ce que tu dis, dit l'Avocate. Cette haine existe, elle n'est en soi pas niable. On ne peut plus les voir. Mais, pour l'instant au moins, c'est une haine impuissante (même si, d'année en année, c'est vrai, elle ne cesse de gagner en ampleur: c'est une marée montante). C'est ce que je veux dire.

(1) L'Express, 21 juin 2013.
(2) RTS, 24 décembre 2019, vers 8 heures.

12/23/2019

Noël

En cette veille de Noël, comment ne pas penser à cet homme en train de mourir en prison, dit l'Ecolière: en fait, qu'on est en train d'assassiner. Car c'est ça, aujourd'hui, la réalité. Et personne n'en parle. Ce silence est assourdissant. Tu sais à quoi ressemblent les médias, dit l'Avocate. Et surtout de qui ils dépendent. Comment également ne pas faire la comparaison avec l'affaire Litvinenko, dit l'Ecolière. Ou encore Skipal. Sauf que lui n'est ni un espion, ni un contre-espion. Il n'a pas non plus fait défection. Voilà comment ils traitent leurs opposants. Assange n'est pas un simple opposant, dit l'Avocate. Il a dénoncé, preuves à l'appui, les crimes en grand nombre de la police secrète d'Etat américaine. Il a également décrit la corruption institutionnelle en Europe et aux Etats-Unis. Tout le monde sait désormais comment fonctionne ce régime, quel en est le principe (au sens de Montesquieu). Ils le considèrent donc comme un traître. En plus, il s'est soustrait plusieurs années durant à la justice ordinaire. C'est presque plus grave encore. Ils tiennent beaucoup à ce qu'on croie à l'indépendance de la justice. Elle doit rester au-dessus de tout soupçon. Si tu te soustrais à leur prétendue justice, cela signifie que tu n'as pas confiance en elle, qu'elle n'est pas réellement pour toi la justice. Il est criminel de seulement le penser. Cela étant, tu as complètement raison. Le polonium est ici remplacé par les psychotropes, la privation de sommeil, probablement aussi les techniques d'interrogatoire renforcé. C'est un avertissement à toutes les personnes qui seraient tentées de suivre son exemple.










12/01/2019

Espaces spéciaux

Qu'on soit en régime gynécocratique sévère n'empêche pas les néoféministes estampillées de geindre en permanence sur le triste sort des femmes dans nos sociétés hyper-machistes, dit l'Etudiante (1). L'autre jour, à l'Emission, elles en ont remis encore une couche. Une tchékiste à voix métallique a réclamé la création d'"espaces spéciaux" réservés aux femmes. Celles-ci se verraient ainsi protégées contre la "violence masculine". Le lendemain même, dans le Gratuit, on racontait l'histoire d'un homme accusé à tort de viol: à tort, mais on ne s'en était pas rendu compte tout de suite. Le type a fait une dépression et plusieurs tentatives de suicide. Il a naturellement perdu son emploi. Quel rapport, dit la Poire?

(1) Publié une première fois le 28 avril 2016.


11/28/2019

Emprise

Après le délit de regard, le délit d'emprise (1), dit l'Ecolière. Quand cela s'arrêtera-t-il? L'objectif est assez clair, dit l'Avocate: c'est le contrôle total. Remarque, on pourrait aussi parler d'emprise. Cela tombe bien. Ces lois "attrape-tout" (Soljénitsyne) servent ici de moyen. Il en va à cet égard de l'emprise comme de l'incitation à la haine. Le flou dont s'enrobent de telles expressions autorise toutes les dérives. Les lois antiterroristes entrent également dans cette catégorie. N'importe qui, aujourd'hui, peut se les voir appliquer. C'est d'ailleurs ce qui se passe. Sauf que le contrôle total ne sera jamais assez total. Il lui manquera toujours un petit quelque chose pour l'être vraiment: assez total. En cause, la liberté humaine. D'où, en permanence, la nécessité de nouvelles lois, allant toujours plus loin dans tous les domaines. C'est une première réponse. Il convient ensuite de s'entendre sur ce qu'on appelle délit. Certains disent que si le terrorisme n'existait pas, il faudrait l'inventer. Cela vaut aussi pour le reste. Les gens croient qu'il y a d'abord ceci ou cela, ensuite les lois anti-ceci ou cela. C'est évidemment l'inverse. Il y a d'abord les lois en question, ensuite seulement ceci ou cela (au besoin, effectivement, qu'on invente). Le viol des foules (il est vrai, le plus souvent, consentantes) par la propagande politique n'est pas un vain mot. Ces techniques sont aujourd'hui bien rodées. Mieux encore: elles deviennent à elles-mêmes leur propre fin. Il n'y a donc aucune limite, dit l'Ecolière? Des limites, si, bien sûr, il en existe, dit l'Avocate. Mais c'est toi qui les poses. A tes propres risques.

(1) Le Figaro, 25 novembre 2019, p. 3.







11/16/2019

Une nouvelle ère

Ce qu'il y a de bien dans le Journal, c'est le soin qu'il met à donner la parole aux opposants, dit la Poire. J'entends aux vrais opposants, à ceux s'opposant réellement à la pensée unique (et non en apparence seulement, comme l'Avocate, l'Ethnologue, et surtout cette engeance, l'Ecolière, qui ne respecte rien). Eux n'ont en règle générale jamais droit à la parole. Le Journal s'est donc assigné pour mission de réparer cette injustice. C'est bien, le Journal. Merci le Journal. Titre de l'article: "Une nouvelle ère s'ouvre" (1). Cela réveille en moi de vieux souvenirs : Brejnev, l'avenir radieux, les lendemains qui chantent, etc. On croyait tout ça mort. Mais non, ces choses-là, en fait, ne meurent jamais. Elles meurent peut-être, mais très vite ensuite ressuscitent. En l'espèce, c'est une femme devenue homme qui prend la parole: une trans, autrement dit. L'"ancien régime patriarcal et colonial est en train de s'effondrer", articule-t-elle. C'est assez vrai comme remarque. En tout cas elle interpelle. Prenons le patriarcat. J'ai beau regarder autour de moi, je serais bien en peine de dire à quoi ressemblerait aujourd'hui le patriarcat. Il en subsiste encore peut-être quelques traces, mais en tant que système, effectivement, il a disparu. Au patriarcat, tout bonnement, s'est substitué le matriarcat. Moi je ne suis pas contre. Et même ça s'étale. On pourrait en dire autant du régime colonial. Lui aussi a disparu. Certains disent même qu'il se serait inversé. Je ne sais si une nouvelle ère s'ouvre ou non, mais pas mal de gens en tout cas le pensent. Et c'est ce qui compte.

(1) Le Temps, 14 novembre 2019, p. 21.

11/14/2019

Les deux choses

Certains disent que si le terrorisme n'existait pas, il faudrait l'inventer, dit l'Ethnologue. On pense évidemment aux lois antiterroristes. Le terrorisme, cette divine surprise. Et la crise climatique? Elle existe, on ne dira pas ici le contraire. Mais c'est un bon prétexte aussi pour faire avaler aux gens toutes sortes de médecines qu'on aurait peine, autrement, à leur faire avaler: de nouvelles taxes, par exemple. Les deux choses sont vraies: elle existe, d'une part, et c'est un bon prétexte de l'autre. On pourrait aussi parler des partis écologistes. A nous les places. Après, l'a-t-on inventée? Inventée, peut-être pas. Mais que fait-on pour la combattre? De sérieux, j'entends? Remarquez, on aurait intérêt. Tous les clignotants sont au rouge. Sauf qu'on n'en prend pas tellement le chemin. Jamais on n'a consommé autant de pétrole qu'aujourd'hui. Et la demande ne cesse de croître (au mépris, soit dit en passant, des engagements interétatiques: Kyoto, Paris, etc.). Bref, ce qui intéresse d'abord et avant tout le pouvoir, c'est le pouvoir. Le pouvoir c'est la fin, le reste le moyen. Qui croit un seul instant que le régime actuel combat le terrorisme? Il dit qu'il le combat. Comme il dit qu'il combat le réchauffement climatique. Ce sont de grands discours, en veux-tu, en voilà. Et de toute manière, pourquoi le combattrait-il? De nombreux Etats, et non des moindres, lui apportent aujourd'hui un soutien actif (à peine dissimulé, d'ailleurs). Irait-on jusqu'à dire qu'ils ne savent ce qu'ils font?



11/03/2019

Pianotaient

Une fois de plus, tous les trains avaient été supprimés, dit le Perdreau. Tous sauf un, archibondé. Nous étions donc debout les uns sur les autres, un peu comme dans le bus aux heures de pointe. Certains, même, assis par terre. A un moment donné, le train s'est arrêté, on était en rase campagne. Les minutes passent, d'abord 5, puis 10. La clim faisait se qu'elle pouvait, mais l'air se raréfiait. Portes verrouillées, comme il se doit. Pour sortir, il aurait fallu casser les vitres. Au bout de 15 minutes, l'Ecolière a actionné le système d'alarme ("tout abus sera puni"). Immédiatement les écrans intérieurs se sont animés: "obéissez aux ordres", etc. Une trentaine de secondes plus tard, le train redémarrait. C'était peut-être un test, je ne sais pas. Il faudrait que je me renseigne. J'ai un peu regardé autour de moi. Les gens pianotaient sur leur smartphone, l'air absent. Surtout pas d'histoires, n'est-ce pas. Et puis, mêlons-nous de ce qui nous regarde. Certains parleront de servitude volontaire: volontaire me semble ici de trop. Parlons plutôt d'apathie. Les gens sont aujourd'hui prêts à tout accepter, voilà ce que j'ai compris. Ils ont aussi très peur de la police. Mais ça, on le savait déjà. Ils se contentent donc de subir. C'est une petite histoire, mais emblématique. Une métonymie, dirions-nous. Elle se répète à quantité d'autres endroits aujourd'hui, mais en plus grand. L'Ecolière, elle aussi, est emblématique. C'est le grain de sable qui fait s'enrayer la machine. On pense à Assange. Il y aura toujours des gens comme ça. J'ai rédigé une note confidentielle à ce sujet, mais en changeant les noms.








10/30/2019

Risques

Comme vous le savez, elle est fichée S, dit le Dégéèciste. Elle ne dira donc rien. Ah bon, dit le ...? Les fichés S sont inoffensifs, dit le Dégéèciste. C'est bien d'ailleurs pourquoi on les fiche. Autrement on ne les ficherait pas. Vous voulez dire qu'on ne fiche que les gens inoffensifs, dit le...? Exactement, dit le Dégéèciste. Mais aussi tous les gens inoffensifs. Seuls ne sont pas fichés les gens présentant des risques pour la société. Je n'ai pas besoin de vous expliquer pourquoi. Cela ne vous complique-t-il pas un peu la tâche, dit le ...? Au contraire, dit le Décèciste. Comme il y a beaucoup plus de gens fichés que non-fichés nous avons aussi beaucoup moins de travail. Nous ne surveillons que les gens vraiment dangereux. Les autres, cela n'aurait pas de sens. Je pense que vous serez d'accord. Oui, mais avant d'être fichée, elle était non-fichée, dit le ... Je n'en disconviens pas, dit le Dégéèciste. C'est d'ailleurs pourquoi on la surveillait. Sauf qu'entretemps, elle s'est débarrassée de son portable. On ne pouvait donc plus la surveiller. Je ne comprends pas, dit le ... Comme on ne pouvait plus la surveiller, nous avons estimé qu'elle ne représentait plus désormais de risque pour la société. Et donc l'avons fichée.






10/06/2019

La retourner (2)

Autre exemple, dit l'Ecolière: leurs cris d'orfraie à l'annonce du prix Nobel de littérature 2019, auteur auquel ils ne cessent de reprocher depuis vingt ans d'avoir, à l'époque, assisté aux obsèques de l'ancien président serbe Milosevic, découvert un jour mort dans une prison de l'OTAN (pardon, du TPIY) à La Haye. Il n'aurait pas dû. Très vite, l'homme de lettres s'est retrouvé mis au ban de la société. On a cessé de l'inviter dans les médias. Ses pièces ont  été déprogrammées. Etc. Là encore, on prend le récit officiel et on le retourne. C'est relativement simple comme opération. A force de la répéter, elle finit par devenir automatique. On n'y pense même plus. Chaque fois que les dirigeants disent quelque chose sur quelque sujet que ce soit (Moyen-Orient, terrorisme, sites Seveso, criminalité policière, place des femmes dans la société, Méditerranée, etc.), on sait d'avance que c'est le contraire qui est vrai. Ou encore, vous voyez une personne que les médias officiels montrent du doigt en la traitant en paria. Vous vous dites tout de suite, sans même avoir besoin de réfléchir, que c'est forcément quelqu'un de très bien. Vous voudriez beaucoup lui être présenté. Il en va de même de certaines "condamnations" en justice. On les décrit comme déshonorantes, alors même qu'elles sont au contraire particulièrement honorables. On devrait être très fier, aujourd'hui, d'avoir été "condamné" par certains juges. Et ce sont ces derniers qui devraient figurer au tableau noir de la honte.

10/05/2019

La retourner (1)

Ce qu'il y a de bien dans cette propagande, c'est qu'il suffit de la retourner pour avoir la vérité, dit l'Ecolière. Exemple, le patriarcat. A Dope-City, cinq des sept sièges de l'exécutif local sont aujourd'hui occupés par des femmes. Moi, je n'ai rien contre. Le plus drôle encore, c'est quand les hommes eux-mêmes la ramènent, avec, dans le trou du souffleur, une éco-féministe en situation cis-oppressive. Leur texte, les mecs, ils ont intérêt à bien le connaître. Moins drôle, en revanche, "l'effondrement scolaire des jeunes garçons et leur désinvestissent des études" (1). Il n'en est, il est vrai, dans cette propagande, que rarement question. Premier exemple. Deuxième, les "incitations à la haine". A les en croire, c'est nous qui incitons: nous et nous seuls. Nous toujours. Moi, je veux bien. Sauf, là encore, que c'est un peu plus compliqué. Vous ne me croyez pas, c'est normal. Je vous propose un petit tour dans le quartier. Ou mieux encore à mon école. Allez, éructez, étranglez-vous, faites un signalement au procureur. Monsieur le procureur, voici une lettre de dénonciation. Je ne fais, en vous l'envoyant, qu'obéir à ma conscience citoyenne. Sachez-le bien, Monsieur le procureur, l'Ecolière incite. La preuve: elle dit que c'est un peu plus compliqué. C'est le monde à l'envers. Ce n'est même pas pensable. C'est a priori inconcevable. Vite, intervenez.

(1) Marcel Gauchet, cité in Tribune de Genève, 7-8 juillet 2018.

10/03/2019

L'aile environnementaliste

Je suis un "politologue", dit l'Ecolière. J'enseigne la "science" politique à l'Université de ... Et donc, comme il se doit, le Journal me consacre deux pages entières dans son édition d'aujourd'hui: deux pages assorties d'une "grande interview" (1). On m'interroge sur mon parcours personnel: en fait,  idéologique. Je dis que je suis "de gauche", cela s'impose. A l'école, imaginez-vous, j'avais déjà des "idées de gauche". Aujourd'hui je milite au PS, ce que je complète en disant: "Je me situe moi-même dans l'aile environnementaliste du parti." Il faut toujours être précis dans ce qu'on affirme. J'ai par ailleurs été député, "conseiller scientifique" d'un ministre lui aussi socialiste, etc. A part cela, en tant que "politologue", je me suis spécialisé dans l'étude du populisme: phénomène pour lequel, bien évidemment je n'éprouve qu'une saine et très normale antipathie. Tout le monde sait où ces choses-là peuvent mener. C'est un "danger pour la démocratie". Comment ce cliché-là se concilie-t-il avec une approche objective du phénomène, ne me le demandez pas. Je n'ai pas encore résolu le problème. Je sais pourtant bien, parce qu'on me l'a à moi-même autrefois enseigné, qu'il ne faut pas mélanger les jugements de faits et de valeur. La science (y compris et peut-être même surtout la science politique) se doit d'être neutre et apolitique. C'est vrai. Sauf, comme vous le savez probablement aussi, que l'Université se trouve aujourd'hui investie d'une responsabilité sociale. "J'ai avancé sans recommandation, sans "relations"". L'Ecolière, comme je la connais, va peut-être, très probablement même, glisser ici une remarque. Elle aussi, à coup sûr, est un danger pour la démocratie.

(1) 3 août 2019.






10/02/2019

Les mots qu'il faut

Regarde, dit l'Ecolière: il vient d'être sanctionné par sa hiérarchie. Ces apparatchiks lui reprochent d'avoir critiqué les journées officielles sur le climat. Le seul but de ces journées, a-t-il dit, est d'aider les politiciens à se faire réélire: ça leur est resté en travers. Il aurait également pu dire que c'est un bon dérivatif, dit le Collégien. Pendant qu'ils parlent de la crise climatique (dont, justement, ils ne font que parler), ils ne parlent pas du reste: de la frontière méditerranéenne en train de s'effondrer,  par exemple. Rien ne les en empêche, dit l'Avocate. Sauf que si l'un d'eux le faisait, il lui faudrait ensuite passer à la caisse: en France, par exemple, juste à côté, cela peut avoisiner et même dépasser les 100'000 euros: plus les frais de justice. Tiens, à propos, dit l'Ethnologue: vous avez vu les récentes déclarations d'... ...? La police d'Etat vient d'ouvrir une information à son encontre. Qu'est-ce qu'on a encore le droit de dire, dit l'Ecolière? Rien, dit l'Avocate. C'est ce qu'on est en train de t'expliquer. Mais ça, tu le sais depuis longtemps. Soit, dit l'Ecolière. Mais comme tu le vois aussi, beaucoup n'en font qu'à leur tête. Ils passent outre. En plus, ce qu'ils disent, ils le disent plutôt bien. Avec les mots qu'il faut. C'est le langage de la vérité. Je ne dis pas le contraire, dit l'Avocate. Ils font montre également d'un très grand courage. Mais là, tu te sacrifies. On peut le faire. On peut se sacrifier. Pourquoi non. Mais tu te sacrifies. Il faut en être conscient.




9/29/2019

Très bien conçu

Maintenant, ce qu'il faut dire aussi, c'est qu'ils ne sont pas seuls à l'assumer, dit le Visiteur: seuls, assurément non. Une autre force, également, l'assume, je veux bien sûr parler des "petits chéris". Il en a souvent été question ici même. Il n'y a pas en fait une mais bien deux gardes prétoriennes: celle qu'on vient de dire, d'une part (la "police républicaine"), les "petits chéris" de l'autre. Deux forces, au demeurant, qui s'entendent plutôt bien entre elles. Travaillant même, le cas échéant, la main dans la main. Elles se partagent aussi certaines tâches: parfois même ouvertement, comme on l'a vu en 2005, lors des manifestations anti-CPE (je prends cet exemple, mais on pourrait en prendre d'autres). Elles fonctionnent en binôme. La population est ainsi prise en tenailles. Montesquieu disait de la peur qu'elle est le principe du despotisme. Cette définition s'applique bien au régime actuel, sauf que la peur qu'inspire la soi-disant "police républicaine" se cumule, en l'espèce, avec cette autre peur: celle qu'inspirent les "petits chéris". C'est ce cumul même des peurs qui est le trait distinctif du régime actuel. C'est une idée des dirigeants, et il faut reconnaître que ça marche. C'est très bien conçu, et qui plus est adroitement mis en oeuvre.




9/28/2019

Post-civilisation

On dit que ce sont des "barbares" (1), dit le Visiteur. Est-ce bien le mot qui convient? Leurs méthodes sont certes d'une rare violence. En témoigne le nombre important de blessés (et de blessés graves) comptabilisés tout au long de ces journées. On n'avait jamais vu ça. Mais la violence est une chose, la barbarie une autre. La violence est ici froide, méthodique. En arrière-plan il y a tout un management. Des technocrates sont à l'oeuvre. On peut bien, si l'on y tient, parler de barbarie, mais ce qu'évoquent ces robocops, c'est moins, je dirais, la barbarie que la post-civilisation. On n'est pas ici dans la régression, mais la transgression. On ne revient pas en-deçà de la civilisation, on va au-delà. En ce sens, les robocops s'inscrivent dans le même horizon mental que la PMA sans père, les hormones pour changer de sexe, le transhumanisme, etc. Ce sont des applications techniques. Pour autant, le problème est complexe. Plaçons-nous un instant sous l'angle fonctionnel. Ce qu'on appelle la "police républicaine" ressemble en fait beaucoup à une garde prétorienne. Je ne dis pas que c'en soit une. Mais elle lui ressemble. Qu'est-ce qu'une garde prétorienne? C'est une troupe armée au service des dirigeants: dirigeants qu'elle a pour mission première de protéger contre leur propre population. Or, dans les grands empires historiques (Empire chinois, perse, romain finissant, etc.), cette troupe se recrutait habituellement parmi les barbares. Encore une fois, comparaison n'est pas raison. Les membres de la "police républicaine" ne sont en aucune façon des mercenaires. Mais ils en assument peu ou prou la fonction. En ce sens, la référence à la barbarie se légitime pleinement.

(1) Jean-Luc Mélenchon, le 25 septembre.




9/18/2019

Est-ce le cas?

Personnellement, je n'aurais pas fait ce qu'ils ont fait, dit l'Ethnologue. Ne serait-ce que parce que je ne sais pas le faire. Mais quelque part aussi je les comprends. A certains égards, même, ce qu'ils ont fait est hautement moral. Voler l'Etat voleur, quoi de plus moral? Qu'est-ce qui te fait dire que l'Etat voleur est voleur, dit le Collégien? Il y a deux approches possibles, dit l'Ethnologue. La première, la plus simple, consiste à regarder le niveau des prélèvements obligatoires. Jusqu'à un certain niveau, l'Etat ne saurait être qualifié de voleur: "Rendez à César ce qui est à César". Il perçoit son dû. Au-delà, en revanche, il y a un problème. César empoche ce qui n'est pas à César. L'autre concerne l'utilisation que fait l'Etat de l'argent public (1). Si ce que nous prend l'Etat était dépensé pour le bien commun, même si c'était beaucoup, on ne dirait pas que c'est du vol. Mais justement, est-ce le cas? A l'évidence non. Je ne pense pas ici seulement à leurs politiques de cour: supersalaires, dépenses somptuaires, distributions clientélistes, etc. A ça aussi, bien sûr. Mais pas seulement. Avant tout aux centaines de milliards que nous coûte l' ...-... Tu vois de quoi je parle. Qui prétendrait que ces décaissements soient conformes au bien commun? On aime ou on n'aime pas les fraudeurs du fisc. Mais dans la guerre totale que leur livre l'Etat voleur (à vrai dire, aujourd'hui, criminel), je suis de leur côté, non du sien. A un correspondant qui l'interrogeait sur ce qui le différenciait de Hobbes quant à la politique, Spinoza répondit: "Cette différence consiste en ce que je maintiens toujours le droit naturel" (2). Je suis sur cette ligne.

(1) Cf. "Eux-mêmes", 6 avril 2013.
(2) Lettre 50 (Oeuvres complètes, Pléiade, 1967, p. 1230).

9/08/2019

Etudes

Tu dis, certaines précautions, dit le Nourrisson. En fait, lesquelles? Oh, c'est vite vu, dit l'Ecolière. Autant que possible, d'abord, agir seul. On réduit ainsi déjà beaucoup les risques. Ce n'est pas toujours possible, mais autant que possible. Renonce aussi au portable, le simple fait d'y renoncer te fait déjà sortir de leurs radars. A l'Internet aussi bien sûr. Leur petite Guépéou est très obsédée par ça. La plupart des gens qui tombent aujourd'hui entre leurs griffes le doivent au fait qu'ils communiquent par Internet. Tu retiendras, au passage, que contrairement à ce qu'on raconte parfois les systèmes de cryptage n'offrent aucune garantie de sécurité. Tout est décrypté. Pour communiquer avec quelqu'un, utilise d'autres moyens : une boîte aux lettres morte, par exemple. C'est un des très nombreux domaines, aujourd'hui, où l'on a intérêt à ne pas se montrer trop pressé (1). D'une manière générale, cultive l'évitement. Ce sont des habitudes qu'il te faut prendre. Quand tu te promènes dans la rue, n'oublie pas non plus de toujours porter un couvre-chef (concrètement, un bonnet tricoté par ta maman). Leurs vidéos ne peuvent rien là-contre. Efface aussi toute trace. Les gens en laissent souvent derrière eux: d'ADN notamment. C'est tout, dit le Nourrisson? Fais déjà ce que je te dis, dit l'Ecolière. C'est un bon début. On dirait que tu n'a fait que ça toute ta vie, dit le Nourrisson. Ne va pas croire je ne sais quoi, dit l'Ecolière. Je m'occupe d'abord de mes études. Je suis très prise également par mes activités extra-scolaires: athlétisme, boxe, tir sportif, etc.

(1) Cf. Carl Honoré, Eloge de la lenteur: Et si vous ralentissiez?, Poche Marabout, 2013.





9/07/2019

Tombés

Cette fois les masques sont tombés, dit le Nourrisson. Tout est clair. Tu parles de cette petite condamnation à six mois ferme, dit l'Ecolière: condamnation assortie d'une amende de 75'000 euros? C'est ça qui t'étonne? Ne me dis quand même pas que tu crois à l'indépendance de la justice. Bon, tu as l'excuse de l'âge. Mais quand même. L'Etat n'a-t-il pas pour fonction première de défendre les frontières, dit le Nourrisson? De quelle planète débarques-tu, dit l'Ecolière? Non seulement il ne les défend pas, mais il met son point d'honneur à ne pas les défendre. Quant à ceux qui disent qu'il faut les défendre, à plus forte raison encore passent à l'acte, il les combat avec acharnement. C'est pour lui l'ennemi prioritaire. Pas de quartier. Bref, tout est normal, dit le Nourrisson. C'est ce que tu es en train de dire? Tu découvres le monde, dit l'Ecolière. Oui, tout à fait. Tout est normal. Après, tu t'adaptes. Ou ne t'adaptes pas. C'est-à-dire, dit le Nourrisson? L'important est de comprendre à qui tu as affaire, dit l'Ecolière. Ce régime dispose de puissants moyens, première chose. Il ne faut pas les sous-estimer. Il est également sans état d'âme, deuxième chose. Lorsqu'il s'est fixé un cap, il n'en dévie pas. Il va toujours jusqu'au bout. Il faut donc bien penser à ce qu'on fait lorsqu'on se met en travers. On peut être dans cette démarche, ce n'est pas en soi un problème. Mais il y a un certain nombre de précautions à prendre. Relativement simples d'ailleurs. Mais il faut les prendre. Tu n'as pas droit à l'erreur.


8/30/2019

Des êtres moraux

Ils disent, la maison brûle, dit l'Avocate. Effectivement, la maison brûle. C'est l'exacte vérité. Ils sont d'ailleurs bien placés pour le savoir: les principaux incendiaires, c'est qui? Sauf qu'il n'en ont rien à faire. Ce n'est pas l'incendie lui-même qui les intéresse (après nous le déluge), mais bien l'occasion qu'il leur donne de faire des choses qu'il leur serait sensiblement plus difficile de faire autrement: accroître un peu plus encore la pression fiscale, par exemple. Et pas qu'un peu. Renforcer le contrôle social, etc. Une occasion en or, reconnaissons-le. Un don du ciel. Comme le diraient certains (et s'ils ne le disent pas, assurément ils le pensent), si la crise climatique n'existait pas, il faudrait l'inventer. Encore une fois, elle existe, elle n'a pas été inventée. Elle est sans doute même plus grave encore qu'on ne le dit. Mais si elle n'existait pas, etc. Autant dire qu'il n'entre en aucune manière dans leurs intentions de la combattre. L'idée leur en a-t-elle seulement une fois traversé l'esprit? Ils font simplement semblant. Semblant comment? On vient de le dire, vous n'écoutez pas. Ils font ainsi d'une pierre deux coups. D'une part, ils comblent leurs déficits, s'affermissent eux-mêmes en tant qu'hyperclasse, suprasociété, power elite, etc., de l'autre ils apparaissent comme des êtres moraux, oeuvrant pour le bien commun. Ce qui, comme chacun sait, correspond bien à la réalité.








8/16/2019

CHU

Au CHU de ..., la première chose qu'on te demande quand tu débarques en tant que patient, c'est si tu n'a rien contre le fait d'être pris en charge par une femme, dit le Double. Contre, pour des raisons "religieuses" s'entend. Les guillemets sont de moi. On en est là aujourd'hui. L'... est ici religion d'Etat, dit l'Avocate. Je simplifie, mais en gros c'est ça. Après, rien ne t'oblige à dire que tu ne veux pas être pris en charge par une femme. Tu es libre de le dire ou non. Au passage, cela te montre que l'... n'est pas du tout ce qu'on croit qu'il est: cruel, sanguinaire, sectaire, fanatique, misogyne, bref, une singularité tératologiqueDe telles incriminations sont très injustes. C'est une religion comme les autres. Et leurs rengaines sur l'égalité de genre, dit le Double: je parle ici des dirigeants. Comment les interpréter ? Elles font diversion, dit l'Avocate. Te dispensent d'avoir à regarder la réalité en face. On peut aussi parler d'alibi. Quand on leur dit: voyez, il y a retour à l'état tribal, ils peuvent toujours rétorquer: vous oubliez les lois anti-harcèlement.




8/13/2019

Long terme

On critique les clichés de genre, dit l'Auditrice: autrement dit les façons de penser toutes faites sur les hommes ou les femmes. Ce sont des "constructions sociales", dit-on, il importe donc de les déconstruire. Sauf que, comme c'était à prévoir, on reconstruit d'une main ce qu'on déconstruit de l'autre. Soit cette apparatchik, "déléguée à l'égalité" (sic) dans le canton de ... Elle passait ce matin même à la radio d'Etat. Les hommes, lâche-t-elle, sont davantage soucieux de leur ego que les femmes. On ne va ici épiloguer sur l'ego des femmes, chacun fait ses expériences. Je n'ai pas personnellement le sentiment que les femmes soient tellement moins préoccupées de leur ego que les hommes. La dame oppose encore le court au long terme. Les hommes sont sur le court terme (ils travaillent à acquérir du "galon"), les femmes sur le long terme (elles ont une "mission"). On ne se permettrait évidemment pas de parler ici de misandrie. Quelques heures à peine plus tard, rebelote. Leur invitée est cette fois une adepte de la navigation à voile. Elle se propose, avec des coéquipières, de traverser prochainement l'Atlantique. Des coéquipières, car c'est réservé aux femmes. On lui en demande la raison. La raison? Les hommes visent à la "performance", les femmes à la "communication". Je ne dirais pas que c'est comme ça toute la journée, mais assez souvent quand même (1).

(1) Radio suisse, 13 août, 7h 45 et 12 h 45.


8/03/2019

Seuil

Là, réellement, ils ont franchi un seuil, dit l'Ecolière. Les gens sont sous le choc. Tu as vu ces manifestations? Un mort, effectivement, c'est plus que zéro mort, dit le Colonel. Je te le concède. Mais pas beaucoup plus non plus. Tu dis que les gens sont sous le choc. Je te crois volontiers. Mais si je te dis qu'ils vont très vite récupérer, de ton côté aussi il faut m'écouter. La ... n'est ni le Chili, ni l'Argentine. Ils y vont donc progressivement. Les évolutions sont lisses. On tient compte des traditions locales, de l'héritage culturel, etc. Tu vois ça aussi dans d'autres domaines: l'..., le ..., etc. Dans quelques mois, ils passeront à la vitesse supérieure. A nouveau, les gens seront sous le choc. Mais récupéreront aussi très vite. Etc. Cela étant, il ne faut pas croire qu'ils ne tiennent pas compte des réactions. Si, si, ils en tiennent compte. Mais dans les deux sens. Exemple, les arrestations préventives d'opposants. Comme tu le sais, il y en a eu un certain nombre l'hiver dernier: sur ordre écrit du procureur de ..., en prime: ce digne et valeureux défenseur de l'Etat de droit, soit dit en passant. On aurait dès lors pu s'attendre à quelques réactions: aucune réaction. Ils ont donc remis ça: en s'en vantant, cette fois. Des gens ont alors dit: stop, ça suffit. On en a marre. Deux ou trois personnes. On va voir maintenant la suite. Qu'est-ce qui pourrait les arrêter, dit l'Ecolière? A ton avis, dit le Colonel?

7/24/2019

Rempart

Regarde, dit l'Ecolière. C'est une militante écologiste. Elle doit comparaître prochainement devant la XVIe chambre correctionnelle, celle spécialisée dans les affaires de ... On lui reproche d'avoir décroché des portraits de l'Administrateur direct (1). Pas l'Administrateur direct lui-même, non. Pour l'instant encore ce n'est pas possible. On ne peut pas le décrocher. Il est indécrochable. Juste des portraits de lui. Il est vrai officiels. Et dire que, selon certains, les lois anti... n'auraient d'autre raison d'être que de faciliter le travail de notre petite Tchéka locale, dit le Collégien. Ils rêvent. La Tchéka, quésaco, dit le Nourrisson? Comment, tu ne connais pas notre petite Tchéka, dit le Collégien? C'est le rempart de la démocratie. Elle prend soin de toi au quotidien. Ou encore, ce qui s'est passé l'hiver dernier, dit l'Ecolière: ces personnels encagoulés débarquant en pleine nuit chez des particuliers après avoir cassé la porte d'entrée, comme s'il s'agissait de dangereux ... Ce qu'ils étaient, assurément: la preuve. Policier est un métier difficile, dit la Poire. On ne devrait pas en permanence les critiquer, comme vous le faites. En plus, ils ont tous les droits. Il est donc normal qu'ils en usent de temps à autre. On est dans un Etat de droit. L'Administrateur direct assimile toute espèce ou forme d'opposition à du ..., dit l'Ecolière. Cela pourrait lui revenir un jour en pleine figure.

(1) Voir "En marche" (2), 4 mai 2017.

7/20/2019

Par parenthèse

Je suis en train de relire L'Espoir, dit l'Avocate. Livre magnifique, par parenthèse. A un moment donné, il est question de ... Des bombes explosent, elles ont été déposées dans une rue. On est en guerre, on ne s'étonnera donc pas qu'il y ait des morts. Sauf que Malraux fait ici une remarque, remarque qu'il met dans la bouche d'un de ses personnages: le chef des services spéciaux. Faire la guerre, dit-il, est une chose, tout se permettre quand on fait la guerre une autre. On se doit de respecter certaines limites. Si on ne les respecte pas, on se transforme soi-même en bête. Ce sont les lois non écrites de Sophocle. On est sur cette ligne. Il est contre le fait de déposer des bombes dans la rue, dit l'Ecolière? Contre le fait de les y déposer au hasard, dit l'Avocate. De tuer à l'aveuglette, si tu préfères. On n'est plus alors dans la guerre, mais dans autre chose. On retrouve la même idée chez Camus. Tu as lu Les Justes, j'espère. Excuse-moi, dit l'Ecolière, mais déposer des bombes au hasard, c'est ce que fait un peu tout le monde aujourd'hui: les ..., d'une part, mais aussi ceux qui soi-disant les combattent. Si tu veux, on prend quelques exemples. On n'est pas obligé de faire comme tout le monde, dit l'Avocate.







7/08/2019

Problème

Le vrai problème, en fait, est celui du ..., dit le Sceptique. Il y a de belles pages de Montaigne à ce sujet, notamment au chapitre 12 du Livre III des Essais. Contrairement à l'ancienne théologie (St Thomas), Montaigne condamne de tels actes. Ce n'est pas, dit-il, à l'homme de s'occuper de ces choses, mais à Dieu. Montaigne dit aussi que certaines médecines sont parfois pires que le mal qu'elles sont supposées guérir. Les ..., certes, sont responsables d'un certain nombre de désordres graves au sein de l'Etat. Ils ignorent le bien commun, ne se préoccupent que de leurs intérêts propres et de ceux de leur caste. Suppriment les libertés personnelles. Ne tolèrent aucune manifestation d'opposition. N'hésitent pas, le cas échéant, à recourir à des formes de violence extrême pour en étouffer la moindre velléité. Procèdent à des rafles, emprisonnent un grand nombre de personnes innocentes. En prime, pactisent avec l'ennemi. Tout cela est vrai. Et donc, etc. Sauf, dit Montaigne, qu'on ne résout rien ainsi. On ne fait au contraire qu'ajouter d'autres désordres aux précédents. Il faut "donner passage aux maladies", dit-il encore. Là, ce n'est plus Dieu qui fait le travail, mais la nature. A notre époque, l'écrivain allemand Ernst Jünger a développé des vues analogues. On relira à ce sujet les Falaises de marbre, ou encore ses Journaux de guerre. Le ... lui paraissait légitime, mais il en contestait l'opportunité. Il l'estimait vain, à la limite même contre-productif.





6/22/2019

Place nette

Certains parlent d'instrumentation de l'Etat, dit l'Avocate. Non, certes, par la force, mais par le jeu combiné de l'entrisme, du réseautage et du trafic d'influence, les clubs ... auraient progressivement investi les lieux de pouvoir, ce qui les mettrait désormais en capacité d'imposer leur idéologie à l'ensemble de la société. On peut voir les choses ainsi. Personnellement, je dirais plutôt l'inverse. C'est l'Etat lui-même qui les a enrôlés à son service, pour qu'ils l'aident (contre, il est vrai, rétribution: prébendes, emplois fictifs ou parasitaires, sinécures dorées, etc.) à renforcer sa propre dictature. De fait, chacun voit bien que les lois pro-... adoptées en cascade ces dernières années et en particulier ces derniers mois n'ont pas peu contribué à ce renforcement. Elles ont servi par ailleurs à donner le coup de grâce à la famille traditionnelle, et au-delà à la famille tout court: un de leurs objectifs également. On en mesure aujourd'hui les effets sur la courbe des naissances. Car, insistons-y, le but de l'Etat n'est pas seulement de s'ériger en Etat total, mais de réorganiser la société de fond en comble. Concrètement, de faire place nette. Les lois en question doivent aussi s'apprécier à cette aune.

6/21/2019

Chronométré

On peut aussi partir des conséquences, dit le Visiteur. Et de là remonter aux intentions. On parle de guerre des sexes, en vérité il n'y a pas de guerre des sexes. Certaines femmes sont peut-être en guerre contre les hommes (il est vrai qu'elles le font savoir: leur haine est bien palpable. Haine idéologique, la pire, peut-être), mais l'ensemble des femmes, non. Elles ont bien d'autres soucis en tête (les autres femmes notamment). En sens inverse, on ne saurait dire non plus que l'ensemble des hommes soient en guerre contre les femmes. En guerre, non. Il sont plutôt dans l'esquive, l'évitement. Ils y regardent, par exemple, à deux fois avant d'adresser la parole à une femme. Ils savent à quels risques ils s'exposent en le faisant: judiciaires, en particulier. Beaucoup d'hommes hésitent par ailleurs à se marier, car ils craignent de se voir ensuite reprocher de ne pas consacrer assez de temps aux tâches ménagères. C'est aujourd'hui très chronométré. Mais ce n'est pas la guerre. Ce qui est vrai, en revanche, c'est que les deux sexes ont de plus en plus aujourd'hui tendance à s'écarter l'un de l'autre. C'est une des grandes découvertes de notre temps: les femmes peuvent très bien se passer des hommes, comme, réciproquement, les hommes des femmes. On est dans l'éloignement mutuel. C'est très nouveau comme phénomène. Reste évidemment une question: pourquoi les dirigeants poussent-ils, comme ils le font, à la roue dans ce domaine? Quelle est la fin poursuivie?




6/20/2019

Interchangeables

Reprenons notre comparaison, dit le Visiteur (1). En la prolongeant un peu, on pourrait dire que le mouvement des Gilets jaunes est une révolte populaire, alors que la grève des femmes, elle, illustrerait plutôt ce que Christopher Lasch, dans un de ses livres, a appelé la "révolte des élites" (2). Des élites, en effet, car les collectifs genrés qui en assurent la logistique sont l'émanation des nouvelles classes moyennes urbaines, les élites actuelles. L'idéologie dont elles se nourrissent est le libéralisme culturel (3), idéologie se caractérisant par le zèle qu'elle met à dissoudre tout ce qui subsiste encore des modes de vie et valeurs traditionnels, modes de vie et valeurs faisant obstacle à l'égalisation souhaitée du paysage social, son homogénéisation. En cela elle n'est que l'autre face du libéralisme économique. Elle l'aide en l'accomplissement de sa tâche historique, à savoir la fluidification des marchés, condition elle-même de leur extension à la planète entière. Le libéralisme culturel s'en prend également aux "stéréotypes de genre", car eux aussi, ces "stéréotypes", font obstacle à l'égalisation du paysage social. Hommes et femmes sont interchangeables, ou s'ils ne le sont pas ont vocation à le devenir. C'est ce point de vue que les élites actuelles cherchent à imposer à l'ensemble de la population (qui, elle, dans sa simplicité, continue à croire qu'hommes et femmes ne sont pas faits du même carton). La grève des femmes relève, sous cet angle, de la "stratégie du choc" (4). C'est un accélérateur de mouvement.

(1) Voir "Souhaité", 19 juin 2019.
(2) Christopher Lasch, La révolte des élites et la trahison de la démocratie, Climats, 1996.
(3) Cf. Jean-Claude Michéa, Le loup dans la bergerie, Climats, 2018.
(4) Naomi Klein, La stratégie du choc: La montée d'un capitalisme du désastre, Leméac/Actes Sud, 2008.





6/19/2019

Souhaité

En fait, ils font ça pourquoi dit le Collégien? (1) Tu poses bien le problème, dit le Visiteur. Quand on fait quelque chose, en règle générale, ce n'est pas sans raison. Mais avant même d'examiner ce point, il faut insister sur ce que tu viens de dire: à savoir, justement, que cela ne s'est pas fait tout seul. Le contraste est patent avec un mouvement comme celui des Gilets jaunes en France. Le mouvement des Gilets jaunes est un mouvement spontané, venu d'en bas. Personne ne l'a voulu, encore moins préfabriqué. C'est venu tout seul. Aucune campagne de presse ne l'a non plus précédé. Les médias mainstream n'ont d'ailleurs rien vu venir. Alors qu'ici c'est l'inverse. Ce n'est pas quelque chose venu d'en bas, mais bien d'en haut: autrement dit des dirigeants eux-mêmes et des médias à leur solde, médias qui se sont livrés, plusieurs mois durant, à un travail méthodique de mise en condition. Les universités (en mains aujourd'hui genrées, comme tu le sais) se sont également mobilisées. Le résultat ne pouvait dès lors être autre que ce qu'il a été. Il ne faut pas surestimer les capacités critiques de l'individu moyen. Par ailleurs, l'Etat lui-même s'est solidarisé avec le mouvement. Il a donné congé à ses propres employés et fermé certains services. Les autorités n'ont pas dit explicitement que la participation à la grève et aux cortèges était obligatoire (comme en Corée du Nord), mais chacun a bien compris qu'elle était vivement souhaitée. Bref, rien n'a laissé au hasard. C'est une première remarque.

(1) Voir "Se ressemblent", 14 juin 2019.

6/14/2019

Se ressemblent

De telles foules (1), cela m'interpelle, dit la Poire. Vous-même, Maître, n'êtes-vous pas impressionnée? Toutes les foules se ressemblent, dit l'Avocate: qu'elles soient masculines ou féminines. Non, pas vraiment. Il faut relire la Psychologie des foules de Gustave Le Bon. Le livre décrit bien ce qui se passe. Pendant qu'on y est, on pourrait aussi peut-être parler des élites, dit la Poire. On critique beaucoup les élites ces temps-ci, je ne sais trop pourquoi d'ailleurs. Les élites ont très peur des foules, dit l'Avocate. Et donc habituellement les suivent. On l'a vu dans les années 30 du siècle dernier, on le vérifie à nouveau de nos jours. Ne faites pas cette tête. Ne me dites quand même pas que vous êtes contre les études genre à l'Université, dit la Poire. Je n'ai jamais beaucoup cru à la science universitaire, dit l'Avocate. Mais là, carrément, on bascule dans autre chose. Ce n'est évidemment pas la fin de la science. Elle survivra, mais ailleurs. L'Université, en revanche, c'est moins sûr. Vous regardez trop Russia Today, dit la Poire. Vous êtes contaminée par les extrêmes. Parlons donc des médias, dit l'Avocate. Et plus particulièrement, puisque vous m'y incitez, des médias mainstream. Comme je n'en attends rien, je ne perdrai pas non plus mon temps à me lamenter sur le fait que non seulement ils surfent sur l'hystérie ambiante, mais l'alimentent très consciemment et consciencieusement. Ils font ce qu'on leur dit de faire. Bref, rien de très nouveau sous le soleil, dit la Poire. Périodiquement, le fleuve sort de son lit pour inonder les plaines avoisinantes, dit l'Avocate. C'est ce à quoi nous assistons présentement. Les dirigeants empochent la mise.

(1) La "grève des femmes" en Suisse.


6/07/2019

Très injuste

Ces cérémonies m'ont beaucoup émue, dit la Poire. Vraiment. C'est bien de revisiter, comme ils le font maintenant régulièrement, le passé récent. Et ces petits parachutes tout noirs dans le ciel. J'en ai eu des frissons. Les dirigeants ont évoqué la liberté, la civilisation. Je ne sais si vous avez eu la même impression que moi, mais ils étaient très présents dans ce qu'ils disaient. On leur reproche volontiers leur insincérité. Qu'appelle-t-on alors sincérité? En plus, ils étaient tous là: ça faisait plaisir à voir. A l'exception, il est vrai, de Poutine: lui n'avait pas été invité. Voilà ce qu'il en coûte de se tenir à l'écart de la civilisation. C'est bien fait pour lui. Les années précédentes, les gens se déguisaient volontiers en costumes d'époque, dit le Collégien: bérets basques, uniformes d'opérette, faux flingues, etc. Sauf, cette année, que tout port d'arme, même factice, a été interdit. Etrange, non? Je suis pour le devoir de mémoire, dit l'Ecolière. Mais comme toute chose il a ses limites. Et ces vétérans nonagénaires, dit la Poire. Si nous en sommes là aujourd'hui, c'est un peu quand même grâce à eux. Vous êtes très injuste, dit le Visiteur. Je ne sais pas si vous avez remarqué, dit la Poire. Mais il y en avait un, le Néerlandais, il sortait juste d'une réunion du groupe de Bilderberg. A quel point ils aiment la liberté et la civilisation, c'est touchant à voir.







6/01/2019

Bruits de fond

Regarde un peu, dit l'Ecolière. Ils l'ont condamné à 5'000 euros d'amende avec sursis pour avoir dit: "Tuez les ...". Je ne sais pas ce que tu en penses, mais c'est quand même beaucoup, 5'000 euros (avec sursis, il est vrai). Les dirigeants entendent faire place nette, dit l'Ethnologue. On ne saurait donc leur reprocher leur attitude. Elle est très cohérente. Y aura-t-il un jour passage à l'acte, dit l'Ecolière? Prends l'exemple de l'euthanasie, dit l'Ethnologue. Tu n'entendras bien sûr jamais parler d'euthanasie, le mot est tabouisé. "Ecologie sociale", c'est déjà mieux. En attendant ils s'interrogent: A quoi bon, par exemple, soigner les gens après soixante-dix ans? A plus forte raison encore les opérer? Ils pèsent le pour et le contre. Tu ne réponds pas vraiment, dit l'Ecolière. Ce sont des bruits de fond, dit l'Ethnologue. Il faut toujours être attentif aux bruits de fond. On pourrait aussi parler de signes avant-coureurs. Pour le reste, Spinoza a raison. Tant que tu ne te heurtes à aucun obstacle, tu vas de l'avant. Tu vas aussi loin que possible dans la direction choisie. Eux-mêmes ne se sont jamais jusqu'ici heurtés au moindre obstacle. Ils vont donc de l'avant (pour l'instant encore, en paroles surtout). Ils n'ont aucune raison de s'arrêter. Je n'arrive pas à imaginer que les gens ne se rendent pas compte, même confusément, de ce qui précède, dit l'Ecolière. Ils s'en rendent très bien compte, dit l'Ethnologue. Mais les dirigeants leur disent: vous devez tout accepter. Ils acceptent donc tout. Et disent même merci. Pour qu'ils adoptent une attitude différente, il faudrait qu'ils désapprennent à obéir.






5/20/2019

Non-citoyens soldats

Comment interpréter ce vote (1), dit l'Ecolière? Le modèle suisse a longtemps été celui du citoyen soldat, dit l'Ethnologue. Comme tu le vois, ce modèle, aujourd'hui, a vécu. Quand deux tiers des votants adhèrent à un programme officiel de désarmement de la population, on ne peut plus sérieusement parler de citoyens soldats. Il y a éclatement du concept. C'est ce que souhaitaient les dirigeants. Cela étant, il y a plus d'une manière possible d'être soldat. Le citoyen soldat en est une, mais non la seule. Une autre est le non-citoyen soldat. Beaucoup de gens, aujourd'hui, se considèrent comme non-citoyens. Cela ne les intéresse pas d'être citoyens. Citoyens de quoi, d'ailleurs? De l'Etat total, peut-être? Ils préfèrent donc se dire non-citoyens. En règle générale, quand on est non-citoyen, on est en même temps non-soldat. On est non-citoyen non-soldat. Mais il y a des exceptions. Certains sont non-citoyens, mais en même temps soldats: non-citoyens soldats, donc. Tout comme le citoyen soldat, le non-citoyen soldat exerce une fonction militaire. Mais à la différence du citoyen soldat, il ne s'occupe pas des lois ou des institutions. Il ne tient pas non plus compte de ce que disent les autorités. La guerre est de sa responsabilité propre. C'est lui, en particulier, qui désigne l'ennemi. Il a également ses propres réseaux. Etc. Bref, la vie continue. C'est un modèle alternatif, il prend le relais du précédent. Il n'est pas sûr que les dirigeants gagnent au change.

(1) "Menacés d'exclusion de Schengen, les Suisses votent le durcissement de leur loi sur les armes à feu" (RT France, 19 mai 2019).


5/13/2019

5G

Regarde cette farce, dit l'Ecolière. Ils chargent un comité d'experts de rédiger un rapport sur les éventuels dangers pour la santé de la 5G, et dans le même souffle ils commencent à installer un peu partout des antennes 5G. Comme si les experts n'étaient là que pour la galerie. Tu connais leurs priorités, dit l'Avocate. Priorité des priorités, le contrôle des populations: le contrôle total, en fait. Au regard de ça, que pèsent les statistiques des cancers environnementaux? Avec le tout-numérique, la voie est libre. De toute façon, ils font ce qu'ils veulent, dit l'Auditrice. Fiat pro ratione voluntas. C'est comme ça pour tout. Oui, mais là c'est spécial, dit l'Avocate. Ils jouent cartes sur table. Comment échapper à la numérisation, dit l'Ecolière? On est en démocratie, dit l'Avocate. Non, ne ris pas. Tu es donc libre de ne pas avoir de portable, de smartphone, de tablette, etc. Personne ne t'en empêche. Après, tu dois savoir que, sans smartphone, tu ne pourras bientôt plus payer tes achats (du fait de la suppression, d'ores et déjà programmée, de la monnaie fiduciaire et de son remplacement par la monnaie numérique). Tu devras également renoncer à prendre le train ou l'autobus (suppression des distributeurs de billets). A terme aussi, bien sûr, à téléphoner (la suppression du téléphone fixe fait partie de leurs plans). C'est un choix de vie. Il ne faut pas dire qu'on ne peut pas vivre comme ça. On le peut très bien. Mais à quel prix. Et autrement, dit l'Ecolière? L'Ethnologue vient de publier un ouvrage à ce sujet,  dit l'Avocate.




5/11/2019

Sous-produit

Tiens regarde, dit l'Ecolière. La photo s'étale sur près d'une demi page*. C'est ce rouge à lèvres qui te gêne, dit l'Avocate? Beaucoup d'hommes, aujourd'hui, se mettent du rouge à lèvres. Il n'y a là rien de très extraordinaire. On est dans un jeu de rôle. Les femmes jouent des rôles d'hommes, les hommes des rôles de femmes. Les dirigeants en éprouvent une grande souffrance. Jusqu'où cela ira-t-il, dit l'Ecolière? Tu vois qui est Mme Thatcher, dit l'Avocate? Il y a une formule de Mme Thatcher qu'on cite souvent: "There is no such a thing as society". Autrement dit, tout est possible, il n'y a aucune limite. C'est le point de départ de la dérégulation. On voit ça en économie, mais pas seulement. Dirais-tu, en ce sens, que le néoféminisme est un sous-produit du néolibéralisme, dit l'Ecolière? Chacun est le sous-produit de l'autre, dit l'Avocate. Ils se sous-produisent mutuellement, si tu veux. Regarde cette feuille. Elle rabaisse les hommes, mais par ailleurs aussi publie des articles justifiant les supersalaires des managers**. Les deux choses vont de pair. Les miasmes s'accumulent, dit l'Ecolière: ça commence à sentir mauvais. Il faut en revenir à Arendt, dit l'Avocate: l'idéologie, comme logique de l'idée, ou si tu préfères comme idée se nourrissant d'elle-même. Ne faisant même que se nourrir d'elle-même***. On évoquerait volontiers aussi Rauschning, La révolution du nihilisme. Les gens devraient parfois se regarder dans la glace. Que faire, dit l'Ecolière? Dire non, dit l'Avocate. Se tenir à l'écart.

* Le Temps (Lausanne), 2 mai 2019, p. 3.
** Ibid., 2 février 2019, p. 12.
*** Voir "Prémices", 9 avril 2019.


4/25/2019

Epurer

En Espagne, ça vous intéressera peut-être, ils en viennent maintenant à épurer les bibliothèques, dit le Visiteur. 30 % des livres pour enfants ont ainsi été retirés des bibliothèques scolaires, dont le Petit Chaperon rouge, jugé ..., ..., ..., etc. Comme vous le constatez, l'Inquisition est une vieille dame encore alerte. Qui sait même, l'Espagne réussira peut-être un jour à inscrire l'autodafé au patrimoine mondiale de l'Unesco. Ce ne serait que justice. On se souvient de la rencontre du Grand Inquisiteur avec le Christ dans les Frères Karamazov, le roman de Dostoïevski. Pour expliquer son rôle, et en fait le justifier (car il a quand même un peu honte), le Grand Inquisiteur relève que les hommes, quoiqu'ils en disent, n'aiment pas vraiment la liberté. C'est pour eux un fardeau beaucoup trop lourd à porter. Ils lui préfèrent de loin la servitude: "Vive le maître, quel qu'il soit". Le Grand Inquisiteur pourrait répéter aujourd'hui toutes ces paroles, elle restent complètement d'actualité. Sauf que le Christ aurait droit en prime à un cours sur les stéréotypes de genre. On l'emmènerait aussi peut-être participer à un exercice de sauvetage en Méditerranée. On peut dire que c'est la même chose, et en même temps pas la même chose. C'est la même chose, mais autrement.



4/23/2019

Grèves

C'est le sujet aujourd'hui à la mode, dit l'Avocate. On ne discute ici que de ça. Enfin, "discute" est peut-être un grand mot. On est plutôt dans l'invective, leur registre habituel. Je parle de la prochaine "grève des femmes". La raison d'être de telles campagnes est assez claire. Elles permettent aux dirigeants de faire oublier les difficultés objectives auxquelles l'ensemble des sociétaires (hommes et femmes) se trouvent aujourd'hui confrontés: précarité, raréfaction du travail, mobilité forcée, stress, hyperconcurrence, baisse généralisée du niveau de vie, multiplication des Bullshit Jobs, etc. C'est ce qu'on appelle faire diversion. Des grèves comme ça, les dirigeants sont tout à fait pour. Leur seul regret, qu'elles ne durent que vingt-quatre heures. Elles devraient être illimitées. Oui, je sais, les discriminations sont un sujet grave, on ne saurait faire comme si elles n'existaient pas. Il se trouve par exemple que, dans ce pays, les hommes sont astreints au service militaire et non les femmes. C'est un avantage compétitif non négligeable pour les femmes, en particulier les femmes universitaires, qui disposent ainsi de sensiblement plus de temps que les hommes pour fignoler leurs études, et ensuite booster leur sacro-sainte carrière professionnelle, etc. On pourrait peut-être le supprimer. Chacun sait également que les femmes peuvent partir plus vite à la retraite que les hommes, alors même que leur espérance de vie est très largement supérieure à celle des hommes. A partir de là, qu'il n'y ait que 30 % de femmes dans les conseils d'administration, moi, personnellement, je m'en fiche.





4/18/2019

Un temps pour tout

C'est évidemment une métaphore, dit le Visiteur: la France, l'Eglise catholique, l'héritage collectif, etc. Même chose évidemment aussi quand l'Administrateur direct (1) dit de cette cathédrale qu'il la reconstruira "plus belle encore qu'auparavant". On traduit tout de suite, ce n'est pas trop compliqué. On pourrait ici paraphraser l'Ecclésiaste. Il y a un temps pour tout: un temps pour construire, un temps pour détruire. On n'est plus du tout ici dans la métaphore. Ou encore, du passé faisons table rase. Sauf, jusqu'ici, que personne n'était réellement passé à l'acte. Je ne dis pas que certains n'aient jamais été tentés de le faire. Il y a eu des débuts de passage à l'acte. Mais des débuts seulement. On était dans l'improvisation. Une église par-ci, une autre par-là. Il en va différemment aujourd'hui. Il y a maintenant un cahier des charges, des échéances. On fait également appel à des professionnels. Eux connaissent les problèmes, savent comment les résoudre. Un certain nombre de procédures ont été mises au point. Tout est aujourd'hui très méthodique, très systématique. Des spécialistes en communication se tiennent par ailleurs à disposition, prêts à intervenir lorsque la situation l'exige. Un accident est si vite arrivé. Voilà, que puis-je ajouter d'autre? Ceci peut-être: laissons les morts enterrer leurs morts.

(1) Voir "En marche (2)", 4 mai 2017.




4/11/2019

Assange

C'est quoi un héros, dit le Collégien? Tu penses à Assange, dit l'Avocate? Un héros, c'est quelqu'un qui préfère la gloire mais au prix d'une mort rapide à une vie longue mais sans gloire. En ce qui concerne Assange, la gloire lui est d'ores et déjà acquise. La ... et ses sbires ne peuvent rien là-contre. Ils vont bien sûr l'enfermer dans leurs geôles éclairées 24 heures sur 24, se venger de lui (qui les a nargués sept ans durant) en lui faisant subir toutes sortes de sévices. Ils le mettront sous psychotropes (afin de le réduire à l'état de légume). Très vite aussi ils le livreront à la police secrète d'Etat américaine ("Il est notre propriété", a déclaré aujourd'hui un sénateur américain). Ils feront tout cela. Mais ils ne pourront pas faire que ce qu'il a fait, il ne l'ait pas fait. Ce qu'il a fait, il l'a fait, et bien fait, et personne non plus ne pourra le défaire. C'est indéfaisable. Sa gloire est d'avoir pleinement joué son rôle de lanceur d'alerte, en nous donnant à voir ce que si peu de personnes étaient jusqu'alors disposées à voir: tout bonnement la "réalité effective de la chose" (Machiavel). Il l'a donnée à voir, et tout le monde aujourd'hui la voit (derrière les faux décors en carton-pâte, qui tombent aujourd'hui en petits morceaux: démocratie, Etat de droit etc.). Tout le monde sait que ce régime est un régime criminel, juste criminel. Personne ne se fait plus la moindre illusion à ce sujet. C'est ce qu'il a donné à voir. C'est pourquoi il aura une mort rapide.


4/09/2019

Prémisses

Regarde, dit l'Ecolière. C'est extraordinaire. Elle veulent maintenant créer deux parlements: un pour les hommes, l'autre pour les femmes. Deux parlements élus séparément, mais qui siégeraient ensemble. On réaliserait ainsi l'égalité de genre. Elles oublient les personnes intersexe, dit le Collégien. C'est aussi un genre, selon ma prof. Il faudrait en fait trois parlements. Quatre, dit l'Ecolière. Tu oublies les non cisgenre. Dois-je vous rappeler la formule d'Arendt, dit l'Avocate: l'idéologie comme logique de l'idée. C'est l'une des deux composantes du totalitarisme (l'autre étant la terreur). Certaines prémisses étant posées, on en tire certaines conséquences, puis les conséquences des conséquences, d'autres encore, etc. C'est très exactement ce qui caractérise une idéologie: l'idéologie, comme enchaînement sans fin. Ayant posé ça (en l'occurrence, le genre, mais ce pourrait être n'importe quoi d'autre: la classe, la race, l'antirace, l'espèce, etc.), je suis logiquement conduite à poser également ça. Puis ça. Et encore ça. Et ça. Etc. On s'écarte ainsi toujours plus de la réalité. Le critère du vrai n'est plus ici l'adéquation à la réalité, mais la simple cohérence de l'idée avec elle-même. Autrement dit, on est dans une bulle (la bulle idéologique, justement), on ne voit plus que ce qu'il y a à l'intérieur de la bulle. Tout le reste s'efface (avec l'aide, il est vrai, parfois de la police). C'est une forme de narcissisme. Sauf qu'à un moment donné, forcément, la réalité se rappelle à notre bon souvenir. Et la bulle éclate.









4/07/2019

Comprendre

Ce qu'il est important de comprendre, quand on parle de corruption, c'est que la corruption est d'abord un phénomène d'imitation, dit l'Avocate. On imite ce que font les autres. Tiens, regarde. Ce sont des flics, une vingtaine, ils se sont faits prendre la main dans le sac. Non pas un ou deux, mais une vingtaine. C'est beaucoup, une vingtaine. On raisonne volontiers sur la délinquance en termes d'écart, de déviance. Je parle de la délinquance en général. Parfois ça marche, je ne dis pas le contraire. Là, évidemment non, ça ne marche pas. La déviance à vingt ou trente, je n'y crois pas trop. Mieux vaut ici raisonner en termes de conformisme social, d'imprégnation par le milieu. La norme, c'est ce qui se fait. Je fais donc ce qui se fait. Tout le monde le fait, je le fais donc comme tout le monde. Je suis un être normal, je ne voudrais pas attirer l'attention sur moi en me singularisant. Par parenthèse, c'est comme ça aussi que fonctionnent les petits chéris. Je referme la parenthèse. Comme ce sont des flics, ils sont bien placés pour savoir qui, aujourd'hui, fait quoi dans le vaste monde. Par où passe l'argent, comment aussi on se le procure. Les trafics en tout genre, y compris dans la sphère officielle. Certaines notes de frais, suivez mon regard. Voilà, ils sont aux premières loges. Et tu voudrais qu'ils respectent les lois morales (ne parlons pas même de celles de l'Etat)? Je ne suis pas en train de les excuser, j'explique. On peut résister à la pression sociale, mais jusqu'à un certain point seulement.



4/04/2019

Envertueuser

Nous avons parlé l'autre jour de l'idéologie (1), dit l'Avocate. Passons maintenant à la terreur. C'est l'autre composante, on l'a dit, du totalitarisme. Soit ce prof secondaire que son administration vient de suspendre pour une simple remarque, on ne sait trop d'ailleurs laquelle, à deux de ses élèves, remarque qu'elles auraient jugée "sexiste". Le crime verbal, ce crime absolu, dit un personnage des dieux ont soif, le roman d'Anatole France (2). On est en 1793. En principe, on prend la peine d'entendre les gens avant de les sanctionner. C'est ce qu'on appelle l'Etat de droit. Là, apparemment, non (3). L'Etat de droit, je m'assois dessus. Au passage, on relèvera que sycophante est un mot masculin (Le Nouveau Petit Robert, 2010). On pourrait penser peut-être à le féminiser. C'est juste une suggestion. Elargissons maintenant la perspective. Il y a deux ans, le ministre concerné, une bobo globalisée, avait déclaré: "Il faut inscrire l'école dans la modernité (...) Des études soulignent que (...) les enfants que nous formons changeront de métier plusieurs fois au cours de leur carrière" (4). Voilà donc une responsable politique, "de gauche" comme il se doit, qui trouve tout à fait normal qu'on soit amené à changer plusieurs fois de métier au cours de la vie. Pas seulement d'emploi, notez-le bien, mais de métier. Dame, le marché a ses exigences. Ne me dites quand même pas que vous êtes contre le marché. Le marché, j'en suis. J'en vis, même, si vous voulez savoir. Si en plus il contribue, par l'instrumentation un peu biaisée qu'en font certains, à envertueuser les populations, qui s'en plaindrait?

(1) Voir "Prémisses", 9 avril 2019.
(2) Folio, 2017, p. 166.
(3) Radio suisse (Lausanne), 14 avril 2019, vers midi.
(4) "Préparer l'école aux défis de demain", 6 avril 2017.

3/09/2019

Tout-numérique

On n'arrête pas le progrès, dit l'Ecolière. Ainsi, vous aurez appris qu'ils organisent désormais des cours pour guider les usagers dans les méandres de l'achat d'un billet de train. C'est en effet devenu tellement compliqué que les gens ne s'y retrouvent plus. Ils ont besoin d'aide. On leur explique donc la marche à suivre, où cliquer ou ne pas cliquer, etc. Autrement ils pataugent. Les dirigeants se doivent de faire des économies, dit la Poire. C'est pourquoi ils misent sur le numérique: le tout-numérique, en fait. Le tout-numérique leur permet de fermer un certain nombre de guichets. Je ne suis pas contre. Quel est le souci premier des dirigeants, dit l'Ecolière: faire des économies? Vous plaisantez. Le tout-numérique leur coûte au contraire très cher. En revanche, il ne contribue pas peu à la dégradation générale des conditions de vie des gens. C'est ça le but. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué. Les  dirigeants manifestent ainsi leur présence, montrent qu'aujourd'hui encore, que dis-je: aujourd'hui plus que jamais, il faut compter avec eux. Tu as lu le dernier roman de Houellebecq, dit l'Avocate? Lui dit que certains sont prêts à mourir pour la liberté de commerce* (c'est d'ailleurs ce qui se passe). On pourrait étendre cette remarque au tout-numérique. Certains sont prêts à mourir pour le tout-numérique. Ce système est devenu fou, dit l'Ecolière. C'est bien pourquoi, comme tu le vois, il s'effondre, dit l'Avocate.

* Sérotonine, Flammarion, 2019, p. 250.










3/01/2019

Evidemment

Le grand remplacement existe-t-il ou non, dit la Poire? Evidemment non, il n'existe pas. Ce n'est qu'un fantasme, le produit d'une imagination déréglée, et pour tout dire maladive. Une maladie, cela se soigne. J'insiste sur "évidemment non". "Evidemment" vient du latin videre, verbe signifiant voir. Une chose évidente est donc celle qu'on voit, plus exactement encore qu'on ne peut pas ne pas voir. Sauf que, pour la voir, il faut au préalable avoir ouvert les yeux. Si on ne les ouvre pas, comme, hélas, ce n'est que trop souvent le cas aujourd'hui, on en vient nécessairement à se tromper sur ce qu'on croit voir ou ne pas voir. Certains ne se donnent même plus aujourd'hui la peine d'ouvrir les yeux. Ils les gardent obstinément fermés. Il ne faut donc pas s'étonner s'ils disent que quelque chose existe, alors que cela n'existe pas (ou l'inverse: que quelque chose n'existe pas alors que cela existe). Il ne suffit pas, il est vrai, d'ouvrir les yeux. Il faut aussi bien les ouvrir, avoir une vue globale des choses. Sans trop me vanter, c'est ce qui me caractérise. Question subsidiaire: le grand remplacement a-t-il été voulu et programmé, comme le disent certains? Puisqu'il n'existe pas, il ne saurait non plus avoir été voulu et programmé. Je m'exprime ici en tant que logicienne. Vous me direz qu'on ne fait pas toujours ce qu'on veut dans la vie. Vous connaissez mal les dirigeants.



2/23/2019

Leur expliquer

Voyez ce qui se passe, dit le Visiteur. C'est quand même impressionnant. Bon, c'était prévisible. On savait plus ou moins vers quoi on allait. Sauf que, maintenant, tout cela devient très concret. Comme lorsqu'ils en viennent à traiter leurs opposants de terroristes. Si c'est être un terroriste que de s'opposer au mariage pour tous ou à la GPA (car c'est ce qu'ils disent), on voit mal ce qui ne relèverait pas aujourd'hui du terrorisme. Juste en passant, les entendre parler de terrorisme ne manque pas de sel. Surtout quand on sait ce qu'est aujourd'hui le terrorisme, d'où il vient, qui fait quoi dans ce domaine, qui paye qui, etc. Je referme la  parenthèse. A quoi s'ajoutent leurs nouvelles lois anti-tout: celles, notamment, visant à verrouiller plus complètement encore (s'il se peut) l'information. Là aussi, on est à bout-touchant. Et bien sûr l'arbitraire au quotidien: les gens qu'on arrête pour un oui ou pour un non, la justice aux ordres, l'espionnage généralisé, etc. D'une certaine manière, c'est un retour à la période ...  Ce qui est normal, puisqu'on est en mode d'administration directe*. Seule différence: l'apport des NTIC. Elles n'existaient pas encore à l'époque. A partir de là, chacun décide pour lui-même. Si les gens n'ont pas encore compris à quelle espèce de régime ils ont désormais affaire, rien ne sert de le leur expliquer. Ils ne comprendront jamais. Tout le monde sait également ce qu'il est légitime ou non de faire en pareil cas.

* Voir "En marche (2)", 4 mai 2017.



2/15/2019

Instaurer

Faut-il le préciser, on peut retourner le raisonnement, dit le Visiteur. Je disais hier que la dictature était un antidote possible à la guerre civile. Mais, à l'inverse, on peut aussi recourir à la menace de guerre civile pour instaurer une dictature. La dictature n'est plus ici un moyen, elle est la véritable fin. Et c'est la guerre civile, plus exactement encore la menace de guerre civile (il suffit d'en brandir la menace, mais évidemment il faut que la menace soit crédible: on s'y emploie activement) qui est le moyen: un moyen pour instaurer la dictature. Là encore, qui veut la fin veut les moyens. On crée les conditions objectives de la stasis, après quoi on prend prétexte du risque ainsi créé pour procéder à des rafles, mettre tout le monde sur écoute, débarquer la nuit chez les gens en cassant la porte, effectuer des tirs LBD, etc. C'est peut-être, présentement, ce qui se passe. Je ne sais pas.


2/14/2019

Sous un autre angle

On peut voir les choses sous un autre angle encore, dit le Visiteur. Comme vous le savez, les dirigeants ont décidé de faire de l'Europe un point de rencontre entre le Nord et le Sud. On retrouve ici les petits chéris. Les sociétés multiculturelles ne sont peut-être pas exactement non viables, mais leur viabilité est à tout le moins sujette à caution. En clair, elles sont vouées à la stasis, autrement dit  à la guerre civile. Tôt ou tard, elles finissent par éclater. Cela étant, il est toujours possible d'encadrer un tel  processus, éventuellement même de le bloquer (au moins momentanément). Le meilleur moyen encore pour y parvenir est l'instauration d'une dictature policière, mais particulièrement brutale et féroce. Seule, en effet, une telle dictature est en mesure, non certes de surmonter les contradictions inhérentes à ce type de société (ne rêvons pas), mais de limiter quelque peu les dégâts. Quelque peu. Mais il faut pour cela qu'elle soit ce que je viens de dire: particulièrement brutale et féroce. L'actuel déchaînement policier en France est à cet égard illustratif. Un renforcement de la censure est également à l'ordre du jour. Voyez leurs campagnes contre les fake news (en réalité l'information non contrôlée). C'est tout cela, petit à petit, qu'on voit se mettre en place aujourd'hui en Europe.



2/07/2019

Tranquillité

Tiens, puisqu'on en parle, dit le Visiteur. Quelque chose interpelle: la tranquillité actuelle des banlieues. Là, rien ne bouge. Le calme plat. Etrange, ne trouvez-vous pas? Bon, c'est comme ça. Encore une coïncidence. Quoi? Que dites-vous? Répétez, je n'ai pas bien compris. Des consignes? C'est bien ce que vous dites? Venues de ... ? Vous rêvez, mon cher. Dites tout de suite, pendant qu'on y est, qu'en contrepartie... Remarquez, beaucoup de gens le disent. Ils disent même qu'un jour ou l'autre (oh, pas maintenant, bien sûr: un peu plus tard), les dirigeants pourraient être amené à armer les banlieues. Les effectifs de la police se montent aujourd'hui à 80'000 hommes. Avec 80'000 hommes, on tient plus ou moins encore le pays. Plus ou moins. Sauf que la fatigue commence à se faire sentir. Il n'est pas sûr que ces personnels, même militarisés (la police, en 2019, est très largement militarisée: c'est une force armée à part entière), résistent longtemps encore aux contraintes qui leur sont aujourd'hui imposées. Quelques semaines encore, et l'on pourrait assister à un début de débandade. On n'aurait d'autre choix alors  que de faire appel à des renforts extérieurs (UE, OTAN, ONU), mais aussi, pourquoi pas, intérieurs. Les banlieues, comme ultime rempart. Ultime ligne de défense.



2/06/2019

Etablir un rapport de force

Si, avec certains, on peut plus ou moins tout se permettre, ce n'est pas exactement le cas avec d'autres, dit le Visiteur. Prenez les petits chéris. Je parle des petits chéris, mais ma remarque a bien sûr une portée générale. Imaginez  ce qui se passerait si, ce qu'à dieu ne plaise, l'un d'eux se voyait malencontreusement éborgné, estropié ou mutilé, à la suite d'un tir LBD (accidentel, bien sûr). Juste imaginez. Non, vous n'imaginez pas. Ce n'est même pas imaginable. En moins de temps qu'il n'en faudrait pour le dire, ce serait l'embrasement général. Des villes entières entreraient en insurrection. Sans compter les condamnations internationales (ONU, OTAN, UE, etc.). Le risque, pour un petit chéri, de se retrouver éborgné, estropié ou mutilé se réduit donc à peu de chose. Pas question ici d'utiliser des LBD ou des grenades explosives. La police mise au contraire sur la désescalade. Elle évite également tout contact. On l'a vu par exemple en 2005, lors des émeutes raciales en banlieue parisienne. Ce précédent est encore dans toutes les mémoires. Où voulez-vous en venir, dit la Poire? On peut très bien échapper aux violences policières, dit le Visiteur. Ce n'est pas en soi un problème. Mais pour cela, il faut établir un rapport de force. Les donneurs d'ordre, comme, malheureusement, beaucoup de monde à notre époque, ne comprennent que la force.





2/04/2019

Comparaisons

Certains font la comparaison avec Pinochet, dit le Visiteur. On peut toujours faire des comparaisons, mais elles ont leurs limites. Pinochet arrêtait les gens parce que c'étaient des opposants. Ici c'est plutôt l'inverse. On arrête d'abord les gens, ensuite on vérifie si ce sont ou non des opposants. Du coup, bien souvent, beaucoup le deviennent. C'est une autre conception du maintien de l'ordre. Si l'on voulait faire une comparaison, peut-être faudrait-il la faire avec Staline. Staline disait à ses policiers (la Guépéou, plus tard le NKVD): vous en arrêtez tant (10, 20, 25 %), autrement vous serez vous-même arrêtés. Arrangez-vous, débrouillez-vous. Ce n'est pas exactement ce qui se passe ici. Il n'y a pas de quotas. On se contente de dire aux policiers: faites votre possible. En deux mois, ils ont ainsi arrêté 6'000 personnes. Suivant les critères staliniens, c'est relativement peu. Mais ce qui compte c'est la méthode. Elle se résume en trois mots: encercler, gazer, coffrer. On ferme toutes les rues, après quoi on arrête les gens. C'est la méthode aléatoire. On pourrait aussi parler de rafle. Toutes les personnes arrêtées sont aussitôt fichées. On leur prend également leur ADN. C'est en fait ça le but: ficher tout le monde, et le plus de monde possible. Les directives aux magistrats du parquet de Paris, le NKVD du coin, précisent que même si les policiers arrêtent quelqu'un "par erreur" (sic), il faut l'inscrire au fichier TAJ (traitement des antécédents judiciaires)(1). Ici, c'est la référence à Big Brother qui s'impose. Mais à Big Brother poussé à l'extrême (du fait du recours au numérique).

(1) Le Canard Enchaîné, 30 janvier 2019.


 .




1/20/2019

Interprétations

Il y a deux interprétations possibles, dit le Visiteur. Selon la première, ces violences n'auraient d'autre but que de mettre un terme à l'épisode actuel, en faisant bien comprendre à ceux qui y participent que s'ils persistent, justement, à vouloir y participer, ils courent des risques sérieux pour leur vie et pour leur santé. On fait quelques exemples. Les gens préfèrent en règle générale rester chez eux plutôt que d'être ..., ..., ou même ... C'est une première interprétation. Les violences policières comme instrument d'intimidation, en fait de terreur. Mais on peut aussi dire autre chose. Il y a, comme on sait, une dialectique de la violence, dialectique qui fait que toute violence en engendre immanquablement une autre, en réponse à la première. Certaines personnes ont tendance à se venger. Mais par là même ceux d'en face sont amenés aussi à surenchérir. Un processus en boucle se met ainsi en route, avec toujours plus de violence de part et d'autre. Clausewitz le résume par une image: l'"ascension aux extrêmes". Il est évidemment tentant pour les dirigeants de chevaucher un tel processus, en en tirant prétexte, par exemple, pour suspendre la constitution. C'est l'autre interprétation possible. Les violences policières, comme facteur d'accélération du glissement, aujourd'hui patent, de la post-démocratie néo-libérale vers un régime, on peut le dire maintenant, authentiquement orwellien.




1/19/2019

Bavures

On parle de bavures, qu'est-ce que c'est que ces histoires, dit le Visiteur. Il n'y a évidemment aucune bavure. Ces gens savent au contraire très bien ce qu'ils font, et aussi pourquoi ils le font. Dans quel but. En plus, ils le font bien. Car ils ont appris à le faire. Ils ... juste. Quand donc nous disons qu'ils ont commis une erreur, c'est nous qui en commettons une, d'erreur, en le disant. Eux, sauf exception (vite sanctionnée, au demeurant, comme vous le savez), n'en commettent aucune. D'une manière générale, tout est très hiérarchisé. Les ordres sont les ordres, ça descend de haut en bas. On pourrait, si vous le voulez, remonter les échelons un à un. Bref, leur marge d'initiative se réduit à peu de chose. Rien, non plus, n'est laissé au hasard. Il y a des procédures, ils suivent les procédures. Je ne dis pas cela pour les innocenter. Leur responsabilité est pleine et entière. Ce sont de vrais ... Qui plus est, encore une fois, complètement conscients de la gravité de leurs actes. On pourrait leur demander un jour des comptes. Cela aussi, ils le savent. Si l'on était dans un Etat de droit, ils en prendraient pour trente ans. Mais ce sont des professionnels. On me donne l'ordre d'..., j'... ; de ..., je ...; de ..., je ... Pourquoi, au fait, les leur donne-t-on, ces ordres? On voit ça peut-être demain.




1/10/2019

Sous le Pont Mirabeau

Quelle honte de s'en prendre, comme il l'a fait, à la police, dit l'Ecolière. Franchement je suis choquée. Certes, il n'a fait que se défendre. C'est la police, la première, qui l'avait agressé (en l'arrosant, comme c'est maintenant la règle, de gaz toxiques). Il a donc usé de son droit à la légitime défense. Je suis loin quant à moi de ne penser que du bien de la légitime défense. On ne sait jamais exactement où cela mène. Pour autant, puisqu'il existe, on voit mal pourquoi on ne l'utiliserait pas. D'autant qu'en l'occurrence, la réaction a été plutôt proportionnée. J'ignore si à la place de cet homme j'aurais fait montre de la même retenue. Mais je parle pour moi. J'aurais volontiers, par exemple, prolongé un peu la petite leçon de boxe qu'il leur a donnée. Juste un peu. A sa place également, je me serais intéressée aux donneurs d'ordres. Leurs noms sont connus. On oublie trop souvent les donneurs d'ordre. C'est une erreur. En envoyer un ou deux barboter dans l'eau voisine ("Sous le Pont Mirabeau coule la Seine") ne m'aurait personnellement pas trop perturbée. Cela étant dit, je n'en maintiens pas moins ma position: se défendre contre les déchaînements policiers (gazages et/ou matraquages sauvages, grenades explosives, tirs LBD 40, près de 2000 blessés à ce jour) me révolte profondément. C'est porter atteinte à la République. Certains ne manqueront évidemment pas de dire : et alors? A partir de là on arrête la discussion. La République est au-dessus de toute discussion*.

*" ' La République est au-dessus de toute discussion ' équivaut à cette croyance: ' Le Pape est infaillible '. Toujours des formules! Toujours des Dieux!" (Flaubert, Correspondance, Pléiade, t. IV, p. 314).