9/29/2019

Très bien conçu

Maintenant, ce qu'il faut dire aussi, c'est qu'ils ne sont pas seuls à l'assumer, dit le Visiteur: seuls, assurément non. Une autre force, également, l'assume, je veux bien sûr parler des "petits chéris". Il en a souvent été question ici même. Il n'y a pas en fait une mais bien deux gardes prétoriennes: celle qu'on vient de dire, d'une part (la "police républicaine"), les "petits chéris" de l'autre. Deux forces, au demeurant, qui s'entendent plutôt bien entre elles. Travaillant même, le cas échéant, la main dans la main. Elles se partagent aussi certaines tâches: parfois même ouvertement, comme on l'a vu en 2005, lors des manifestations anti-CPE (je prends cet exemple, mais on pourrait en prendre d'autres). Elles fonctionnent en binôme. La population est ainsi prise en tenailles. Montesquieu disait de la peur qu'elle est le principe du despotisme. Cette définition s'applique bien au régime actuel, sauf que la peur qu'inspire la soi-disant "police républicaine" se cumule, en l'espèce, avec cette autre peur: celle qu'inspirent les "petits chéris". C'est ce cumul même des peurs qui est le trait distinctif du régime actuel. C'est une idée des dirigeants, et il faut reconnaître que ça marche. C'est très bien conçu, et qui plus est adroitement mis en oeuvre.




9/28/2019

Post-civilisation

On dit que ce sont des "barbares" (1), dit le Visiteur. Est-ce bien le mot qui convient? Leurs méthodes sont certes d'une rare violence. En témoigne le nombre important de blessés (et de blessés graves) comptabilisés tout au long de ces journées. On n'avait jamais vu ça. Mais la violence est une chose, la barbarie une autre. La violence est ici froide, méthodique. En arrière-plan il y a tout un management. Des technocrates sont à l'oeuvre. On peut bien, si l'on y tient, parler de barbarie, mais ce qu'évoquent ces robocops, c'est moins, je dirais, la barbarie que la post-civilisation. On n'est pas ici dans la régression, mais la transgression. On ne revient pas en-deçà de la civilisation, on va au-delà. En ce sens, les robocops s'inscrivent dans le même horizon mental que la PMA sans père, les hormones pour changer de sexe, le transhumanisme, etc. Ce sont des applications techniques. Pour autant, le problème est complexe. Plaçons-nous un instant sous l'angle fonctionnel. Ce qu'on appelle la "police républicaine" ressemble en fait beaucoup à une garde prétorienne. Je ne dis pas que c'en soit une. Mais elle lui ressemble. Qu'est-ce qu'une garde prétorienne? C'est une troupe armée au service des dirigeants: dirigeants qu'elle a pour mission première de protéger contre leur propre population. Or, dans les grands empires historiques (Empire chinois, perse, romain finissant, etc.), cette troupe se recrutait habituellement parmi les barbares. Encore une fois, comparaison n'est pas raison. Les membres de la "police républicaine" ne sont en aucune façon des mercenaires. Mais ils en assument peu ou prou la fonction. En ce sens, la référence à la barbarie se légitime pleinement.

(1) Jean-Luc Mélenchon, le 25 septembre.




9/18/2019

Est-ce le cas?

Personnellement, je n'aurais pas fait ce qu'ils ont fait, dit l'Ethnologue. Ne serait-ce que parce que je ne sais pas le faire. Mais quelque part aussi je les comprends. A certains égards, même, ce qu'ils ont fait est hautement moral. Voler l'Etat voleur, quoi de plus moral? Qu'est-ce qui te fait dire que l'Etat voleur est voleur, dit le Collégien? Il y a deux approches possibles, dit l'Ethnologue. La première, la plus simple, consiste à regarder le niveau des prélèvements obligatoires. Jusqu'à un certain niveau, l'Etat ne saurait être qualifié de voleur: "Rendez à César ce qui est à César". Il perçoit son dû. Au-delà, en revanche, il y a un problème. César empoche ce qui n'est pas à César. L'autre concerne l'utilisation que fait l'Etat de l'argent public (1). Si ce que nous prend l'Etat était dépensé pour le bien commun, même si c'était beaucoup, on ne dirait pas que c'est du vol. Mais justement, est-ce le cas? A l'évidence non. Je ne pense pas ici seulement à leurs politiques de cour: supersalaires, dépenses somptuaires, distributions clientélistes, etc. A ça aussi, bien sûr. Mais pas seulement. Avant tout aux centaines de milliards que nous coûte l' ...-... Tu vois de quoi je parle. Qui prétendrait que ces décaissements soient conformes au bien commun? On aime ou on n'aime pas les fraudeurs du fisc. Mais dans la guerre totale que leur livre l'Etat voleur (à vrai dire, aujourd'hui, criminel), je suis de leur côté, non du sien. A un correspondant qui l'interrogeait sur ce qui le différenciait de Hobbes quant à la politique, Spinoza répondit: "Cette différence consiste en ce que je maintiens toujours le droit naturel" (2). Je suis sur cette ligne.

(1) Cf. "Eux-mêmes", 6 avril 2013.
(2) Lettre 50 (Oeuvres complètes, Pléiade, 1967, p. 1230).

9/08/2019

Etudes

Tu dis, certaines précautions, dit le Nourrisson. En fait, lesquelles? Oh, c'est vite vu, dit l'Ecolière. Autant que possible, d'abord, agir seul. On réduit ainsi déjà beaucoup les risques. Ce n'est pas toujours possible, mais autant que possible. Renonce aussi au portable, le simple fait d'y renoncer te fait déjà sortir de leurs radars. A l'Internet aussi bien sûr. Leur petite Guépéou est très obsédée par ça. La plupart des gens qui tombent aujourd'hui entre leurs griffes le doivent au fait qu'ils communiquent par Internet. Tu retiendras, au passage, que contrairement à ce qu'on raconte parfois les systèmes de cryptage n'offrent aucune garantie de sécurité. Tout est décrypté. Pour communiquer avec quelqu'un, utilise d'autres moyens : une boîte aux lettres morte, par exemple. C'est un des très nombreux domaines, aujourd'hui, où l'on a intérêt à ne pas se montrer trop pressé (1). D'une manière générale, cultive l'évitement. Ce sont des habitudes qu'il te faut prendre. Quand tu te promènes dans la rue, n'oublie pas non plus de toujours porter un couvre-chef (concrètement, un bonnet tricoté par ta maman). Leurs vidéos ne peuvent rien là-contre. Efface aussi toute trace. Les gens en laissent souvent derrière eux: d'ADN notamment. C'est tout, dit le Nourrisson? Fais déjà ce que je te dis, dit l'Ecolière. C'est un bon début. On dirait que tu n'a fait que ça toute ta vie, dit le Nourrisson. Ne va pas croire je ne sais quoi, dit l'Ecolière. Je m'occupe d'abord de mes études. Je suis très prise également par mes activités extra-scolaires: athlétisme, boxe, tir sportif, etc.

(1) Cf. Carl Honoré, Eloge de la lenteur: Et si vous ralentissiez?, Poche Marabout, 2013.





9/07/2019

Tombés

Cette fois les masques sont tombés, dit le Nourrisson. Tout est clair. Tu parles de cette petite condamnation à six mois ferme, dit l'Ecolière: condamnation assortie d'une amende de 75'000 euros? C'est ça qui t'étonne? Ne me dis quand même pas que tu crois à l'indépendance de la justice. Bon, tu as l'excuse de l'âge. Mais quand même. L'Etat n'a-t-il pas pour fonction première de défendre les frontières, dit le Nourrisson? De quelle planète débarques-tu, dit l'Ecolière? Non seulement il ne les défend pas, mais il met son point d'honneur à ne pas les défendre. Quant à ceux qui disent qu'il faut les défendre, à plus forte raison encore passent à l'acte, il les combat avec acharnement. C'est pour lui l'ennemi prioritaire. Pas de quartier. Bref, tout est normal, dit le Nourrisson. C'est ce que tu es en train de dire? Tu découvres le monde, dit l'Ecolière. Oui, tout à fait. Tout est normal. Après, tu t'adaptes. Ou ne t'adaptes pas. C'est-à-dire, dit le Nourrisson? L'important est de comprendre à qui tu as affaire, dit l'Ecolière. Ce régime dispose de puissants moyens, première chose. Il ne faut pas les sous-estimer. Il est également sans état d'âme, deuxième chose. Lorsqu'il s'est fixé un cap, il n'en dévie pas. Il va toujours jusqu'au bout. Il faut donc bien penser à ce qu'on fait lorsqu'on se met en travers. On peut être dans cette démarche, ce n'est pas en soi un problème. Mais il y a un certain nombre de précautions à prendre. Relativement simples d'ailleurs. Mais il faut les prendre. Tu n'as pas droit à l'erreur.