8/27/2020

Où est la limite

Cela se passe à ..., dit l'Avocate: pas très loin d'ici autrement dit. Une milice citoyenne s'est créée pour combattre les voyous et les criminels, ceux en particulier qui infestent les rues du centre-ville. Tu me diras qu'un tel travail incombe normalement à la police. Mais la police est débordée. Elle ne peut pas être partout, n'est-ce pas. Elle fait son possible, vous savez. Et donc, très légitimement, des personnes privées ont décidé de prendre elles-mêmes les choses les mains. Je dis très légitimement, car à partir du moment où l'Etat n'assure plus la protection des citoyens, ceux-ci sont légitimés à se protéger eux-mêmes. Cela relève du droit naturel. Le Guignol, évidemment, s'en indigne. "Je ne tolérerai pas ceci", a-t-il déclaré à la radio (25/8). Il tolère beaucoup de choses, mais cela, non: il ne le tolère pas. C'est drôle ce que tu racontes, dit l'Ethnologue. On pourrait faire le parallèle avec ce qui s'était passé en 2008: toujours à ..., comme il se doit. On parlait beaucoup à l'époque des pédophiles, c'était à la mode. Des chasses à l'homme étaient organisées sur l'Internet, on n'y allait pas par quatre chemins. Un homme accusé à tort s'était suicidé. Etc. Interpellé à ce sujet, non pas le Guignol mais un de ses prédécesseurs (il s'appelait aussi le Guignol) avait dit: "Où est la limite entre mobilisation citoyenne et chasse à l'homme?". Intéressant, non? On aurait pu lui demander des comptes, si l'on était dans un Etat de droit c'est ce qui se serait passé. Mais cela ne s'est pas passé. Et donc, dit le Nourrisson? Cela te montre comment fonctionnent aujourd'hui les autorités, dit l'Avocate: partant aussi ce que tu peux en attendre.

8/19/2020

Comme réalité

Ils s'indignent de ce que le président biélorusse se soit fait réélire avec 80 % des voix, dit l'Etudiante. Il faut les comprendre. En France, la REM, le parti du président, n'a fait que 28 % des voix aux dernières élections. Forcément, ils sont amenés à faire des comparaisons. Précisons quand même que si la REM a fait 28 % des voix aux élections, elle occupe 60 % des sièges au Parlement, dit l'Auditrice. Ceci compense cela. Je vais te dire, dit l'Etudiante: on devrait redéfinir la démocratie, la redéfinir pour l'adapter aux réalités. En théorie, c'est la majorité qui gouverne. Chacun peut voir ce qu'il en est en réalité. Il faudrait donc dire: non pas la majorité, mais la minorité. Voilà ce qu'est la démocratie: la démocratie comme réalité. Je paraphrase ici Zinoviev (Le communisme comme réalité, Julliard-L'Age d'Homme, 1981). Allons plus loin encore, dit l'Auditrice. Regarde les violences policières en France, violences qui ont fait plusieurs centaines de blessés ces dernières années, dont bon nombre de personnes désormais handicapées à vie. Ou encore ces milliers d'arrestations abusives lors des manifestations de Gilets jaunes en 2018-2019. Chacun a pu mesurer en cette occasion l'extrême attachement des dirigeants français actuels aux libertés publiques. Que dire enfin du respect qu'ils portent à l'Etat de droit, dit l'Etudiante. S'il est un pays où la justice est indépendante du pouvoir exécutif, c'est bien la France. On parle de la France, mais on pourrait aussi parler de l'Allemagne, dit l'Auditrice: avec sa nouvelle loi réprimant les contenus dits haineux sur Internet, par exemple. En cas d'infraction, les amendes peuvent atteindre plusieurs millions d'euros. On a là aussi une bonne idée de ce qu'est la démocratie: la démocratie comme réalité. Bref, les dirigeants français et allemands sont tout à fait fondés à éructer, comme ils le font, contre leurs homologues biélorusses, dit l'Etudiante. A qui viendrait-il l'idée de leur appliquer la parabole de la paille et de la poutre?

8/10/2020

Ni le reste

C'était hier dans le RER, dit le Nourrisson. Un petit chéri monte à bord, tout de suite il installe sa musique. En plus il la met très fort. Un voyageur lui fait une remarque, il la met un peu plus fort encore. Il pose ses jolis pieds sur la banquette en face, et alors? Evidemment, comme tout le monde, il a acheté son billet. Le petit chéri maintenant se lève, il est arrivé à destination. Je sais que ce que je vais dire est nauséabond, mais je ne trouve pas cela normal. Personne ne trouve cela normal, dit l'Ecolière. Ni cela ni le reste. Mais les gens ont peur des autorités, et donc, très logiquement, la bouclent. La peur des autorités joue certainement son rôle, dit l'Avocate. Pour autant cela n'épuise pas le problème. Autre chose encore entre en ligne de compte: le sens de l'histoire. Ne me regarde pas comme ça. Tout le monde sait vers quoi l'on va dans ce domaine, c'est même écrit en gros, très gros caractères. On peut tout à fait être à contre-courant, ce n'est pas en soi un problème. Mais comme le relève Ernst Jünger dans une page de son Journal, cela alourdit les efforts personnels, rend plus difficile de prendre appui sur l'élément moral et engendre une atmosphère de désespoir. Ce sont ses propres mots. Et donc les gens hésitent. Retiens en particulier ce qu'il dit de l'élément moral. La morale est bien sûr de ton côté, tu peux t'appuyer dessus. Mais il est plus difficile de le faire quand tu as contre toi les médias officiels, les sectes idéologiques, les sociétés de pensée subventionnées, etc. : plus difficile, en tout cas, que quand on est délivré de ce poids. On peut le faire, beaucoup, très courageusement, le font. Mais ce n'est pas si simple.