6/22/2019

Place nette

Certains parlent d'instrumentation de l'Etat, dit l'Avocate. Non, certes, par la force, mais par le jeu combiné de l'entrisme, du réseautage et du trafic d'influence, les clubs ... auraient progressivement investi les lieux de pouvoir, ce qui les mettrait désormais en capacité d'imposer leur idéologie à l'ensemble de la société. On peut voir les choses ainsi. Personnellement, je dirais plutôt l'inverse. C'est l'Etat lui-même qui les a enrôlés à son service, pour qu'ils l'aident (contre, il est vrai, rétribution: prébendes, emplois fictifs ou parasitaires, sinécures dorées, etc.) à renforcer sa propre dictature. De fait, chacun voit bien que les lois pro-... adoptées en cascade ces dernières années et en particulier ces derniers mois n'ont pas peu contribué à ce renforcement. Elles ont servi par ailleurs à donner le coup de grâce à la famille traditionnelle, et au-delà à la famille tout court: un de leurs objectifs également. On en mesure aujourd'hui les effets sur la courbe des naissances. Car, insistons-y, le but de l'Etat n'est pas seulement de s'ériger en Etat total, mais de réorganiser la société de fond en comble. Concrètement, de faire place nette. Les lois en question doivent aussi s'apprécier à cette aune.

6/21/2019

Chronométré

On peut aussi partir des conséquences, dit le Visiteur. Et de là remonter aux intentions. On parle de guerre des sexes, en vérité il n'y a pas de guerre des sexes. Certaines femmes sont peut-être en guerre contre les hommes (il est vrai qu'elles le font savoir: leur haine est bien palpable. Haine idéologique, la pire, peut-être), mais l'ensemble des femmes, non. Elles ont bien d'autres soucis en tête (les autres femmes notamment). En sens inverse, on ne saurait dire non plus que l'ensemble des hommes soient en guerre contre les femmes. En guerre, non. Il sont plutôt dans l'esquive, l'évitement. Ils y regardent, par exemple, à deux fois avant d'adresser la parole à une femme. Ils savent à quels risques ils s'exposent en le faisant: judiciaires, en particulier. Beaucoup d'hommes hésitent par ailleurs à se marier, car ils craignent de se voir ensuite reprocher de ne pas consacrer assez de temps aux tâches ménagères. C'est aujourd'hui très chronométré. Mais ce n'est pas la guerre. Ce qui est vrai, en revanche, c'est que les deux sexes ont de plus en plus aujourd'hui tendance à s'écarter l'un de l'autre. C'est une des grandes découvertes de notre temps: les femmes peuvent très bien se passer des hommes, comme, réciproquement, les hommes des femmes. On est dans l'éloignement mutuel. C'est très nouveau comme phénomène. Reste évidemment une question: pourquoi les dirigeants poussent-ils, comme ils le font, à la roue dans ce domaine? Quelle est la fin poursuivie?




6/20/2019

Interchangeables

Reprenons notre comparaison, dit le Visiteur (1). En la prolongeant un peu, on pourrait dire que le mouvement des Gilets jaunes est une révolte populaire, alors que la grève des femmes, elle, illustrerait plutôt ce que Christopher Lasch, dans un de ses livres, a appelé la "révolte des élites" (2). Des élites, en effet, car les collectifs genrés qui en assurent la logistique sont l'émanation des nouvelles classes moyennes urbaines, les élites actuelles. L'idéologie dont elles se nourrissent est le libéralisme culturel (3), idéologie se caractérisant par le zèle qu'elle met à dissoudre tout ce qui subsiste encore des modes de vie et valeurs traditionnels, modes de vie et valeurs faisant obstacle à l'égalisation souhaitée du paysage social, son homogénéisation. En cela elle n'est que l'autre face du libéralisme économique. Elle l'aide en l'accomplissement de sa tâche historique, à savoir la fluidification des marchés, condition elle-même de leur extension à la planète entière. Le libéralisme culturel s'en prend également aux "stéréotypes de genre", car eux aussi, ces "stéréotypes", font obstacle à l'égalisation du paysage social. Hommes et femmes sont interchangeables, ou s'ils ne le sont pas ont vocation à le devenir. C'est ce point de vue que les élites actuelles cherchent à imposer à l'ensemble de la population (qui, elle, dans sa simplicité, continue à croire qu'hommes et femmes ne sont pas faits du même carton). La grève des femmes relève, sous cet angle, de la "stratégie du choc" (4). C'est un accélérateur de mouvement.

(1) Voir "Souhaité", 19 juin 2019.
(2) Christopher Lasch, La révolte des élites et la trahison de la démocratie, Climats, 1996.
(3) Cf. Jean-Claude Michéa, Le loup dans la bergerie, Climats, 2018.
(4) Naomi Klein, La stratégie du choc: La montée d'un capitalisme du désastre, Leméac/Actes Sud, 2008.





6/19/2019

Souhaité

En fait, ils font ça pourquoi dit le Collégien? (1) Tu poses bien le problème, dit le Visiteur. Quand on fait quelque chose, en règle générale, ce n'est pas sans raison. Mais avant même d'examiner ce point, il faut insister sur ce que tu viens de dire: à savoir, justement, que cela ne s'est pas fait tout seul. Le contraste est patent avec un mouvement comme celui des Gilets jaunes en France. Le mouvement des Gilets jaunes est un mouvement spontané, venu d'en bas. Personne ne l'a voulu, encore moins préfabriqué. C'est venu tout seul. Aucune campagne de presse ne l'a non plus précédé. Les médias mainstream n'ont d'ailleurs rien vu venir. Alors qu'ici c'est l'inverse. Ce n'est pas quelque chose venu d'en bas, mais bien d'en haut: autrement dit des dirigeants eux-mêmes et des médias à leur solde, médias qui se sont livrés, plusieurs mois durant, à un travail méthodique de mise en condition. Les universités (en mains aujourd'hui genrées, comme tu le sais) se sont également mobilisées. Le résultat ne pouvait dès lors être autre que ce qu'il a été. Il ne faut pas surestimer les capacités critiques de l'individu moyen. Par ailleurs, l'Etat lui-même s'est solidarisé avec le mouvement. Il a donné congé à ses propres employés et fermé certains services. Les autorités n'ont pas dit explicitement que la participation à la grève et aux cortèges était obligatoire (comme en Corée du Nord), mais chacun a bien compris qu'elle était vivement souhaitée. Bref, rien n'a laissé au hasard. C'est une première remarque.

(1) Voir "Se ressemblent", 14 juin 2019.

6/14/2019

Se ressemblent

De telles foules (1), cela m'interpelle, dit la Poire. Vous-même, Maître, n'êtes-vous pas impressionnée? Toutes les foules se ressemblent, dit l'Avocate: qu'elles soient masculines ou féminines. Non, pas vraiment. Il faut relire la Psychologie des foules de Gustave Le Bon. Le livre décrit bien ce qui se passe. Pendant qu'on y est, on pourrait aussi peut-être parler des élites, dit la Poire. On critique beaucoup les élites ces temps-ci, je ne sais trop pourquoi d'ailleurs. Les élites ont très peur des foules, dit l'Avocate. Et donc habituellement les suivent. On l'a vu dans les années 30 du siècle dernier, on le vérifie à nouveau de nos jours. Ne faites pas cette tête. Ne me dites quand même pas que vous êtes contre les études genre à l'Université, dit la Poire. Je n'ai jamais beaucoup cru à la science universitaire, dit l'Avocate. Mais là, carrément, on bascule dans autre chose. Ce n'est évidemment pas la fin de la science. Elle survivra, mais ailleurs. L'Université, en revanche, c'est moins sûr. Vous regardez trop Russia Today, dit la Poire. Vous êtes contaminée par les extrêmes. Parlons donc des médias, dit l'Avocate. Et plus particulièrement, puisque vous m'y incitez, des médias mainstream. Comme je n'en attends rien, je ne perdrai pas non plus mon temps à me lamenter sur le fait que non seulement ils surfent sur l'hystérie ambiante, mais l'alimentent très consciemment et consciencieusement. Ils font ce qu'on leur dit de faire. Bref, rien de très nouveau sous le soleil, dit la Poire. Périodiquement, le fleuve sort de son lit pour inonder les plaines avoisinantes, dit l'Avocate. C'est ce à quoi nous assistons présentement. Les dirigeants empochent la mise.

(1) La "grève des femmes" en Suisse.


6/07/2019

Très injuste

Ces cérémonies m'ont beaucoup émue, dit la Poire. Vraiment. C'est bien de revisiter, comme ils le font maintenant régulièrement, le passé récent. Et ces petits parachutes tout noirs dans le ciel. J'en ai eu des frissons. Les dirigeants ont évoqué la liberté, la civilisation. Je ne sais si vous avez eu la même impression que moi, mais ils étaient très présents dans ce qu'ils disaient. On leur reproche volontiers leur insincérité. Qu'appelle-t-on alors sincérité? En plus, ils étaient tous là: ça faisait plaisir à voir. A l'exception, il est vrai, de Poutine: lui n'avait pas été invité. Voilà ce qu'il en coûte de se tenir à l'écart de la civilisation. C'est bien fait pour lui. Les années précédentes, les gens se déguisaient volontiers en costumes d'époque, dit le Collégien: bérets basques, uniformes d'opérette, faux flingues, etc. Sauf, cette année, que tout port d'arme, même factice, a été interdit. Etrange, non? Je suis pour le devoir de mémoire, dit l'Ecolière. Mais comme toute chose il a ses limites. Et ces vétérans nonagénaires, dit la Poire. Si nous en sommes là aujourd'hui, c'est un peu quand même grâce à eux. Vous êtes très injuste, dit le Visiteur. Je ne sais pas si vous avez remarqué, dit la Poire. Mais il y en avait un, le Néerlandais, il sortait juste d'une réunion du groupe de Bilderberg. A quel point ils aiment la liberté et la civilisation, c'est touchant à voir.







6/01/2019

Bruits de fond

Regarde un peu, dit l'Ecolière. Ils l'ont condamné à 5'000 euros d'amende avec sursis pour avoir dit: "Tuez les ...". Je ne sais pas ce que tu en penses, mais c'est quand même beaucoup, 5'000 euros (avec sursis, il est vrai). Les dirigeants entendent faire place nette, dit l'Ethnologue. On ne saurait donc leur reprocher leur attitude. Elle est très cohérente. Y aura-t-il un jour passage à l'acte, dit l'Ecolière? Prends l'exemple de l'euthanasie, dit l'Ethnologue. Tu n'entendras bien sûr jamais parler d'euthanasie, le mot est tabouisé. "Ecologie sociale", c'est déjà mieux. En attendant ils s'interrogent: A quoi bon, par exemple, soigner les gens après soixante-dix ans? A plus forte raison encore les opérer? Ils pèsent le pour et le contre. Tu ne réponds pas vraiment, dit l'Ecolière. Ce sont des bruits de fond, dit l'Ethnologue. Il faut toujours être attentif aux bruits de fond. On pourrait aussi parler de signes avant-coureurs. Pour le reste, Spinoza a raison. Tant que tu ne te heurtes à aucun obstacle, tu vas de l'avant. Tu vas aussi loin que possible dans la direction choisie. Eux-mêmes ne se sont jamais jusqu'ici heurtés au moindre obstacle. Ils vont donc de l'avant (pour l'instant encore, en paroles surtout). Ils n'ont aucune raison de s'arrêter. Je n'arrive pas à imaginer que les gens ne se rendent pas compte, même confusément, de ce qui précède, dit l'Ecolière. Ils s'en rendent très bien compte, dit l'Ethnologue. Mais les dirigeants leur disent: vous devez tout accepter. Ils acceptent donc tout. Et disent même merci. Pour qu'ils adoptent une attitude différente, il faudrait qu'ils désapprennent à obéir.