3/31/2025

Peur civile

Depuis une semaine, la justice occupe seule le devant de la scène, dit l'Auditrice: un tel est mis en examen, tel autre condamné pour harcèlement, un troisième déclaré inéligible, etc. C'est une campagne de peur civile, dit l'Ethnologue. De temps à autre ils en déclenchent une. Accessoirement, l'Etat total en profite pour régler ses comptes. Par exemple, dit l'Ecolière? Prends cet acteur reconnu, dit l'Ethnologue. Il y a quelques années, il était allé faire un petit tour en Russie. Le président Poutine lui avait accordé un passeport russe. Ils lui ont donc fait un procès: pas pour ça, bien sûr, mais pour autre chose. Autre chose, tu trouves toujours. Un cas très semblable est celui de l'ex-Premier ministre Fillon. Tu sais ce qui lui est arrivé. Quelques années plus tôt, il avait fait des déclarations non-conformes en matière de politique étrangère. C'était ça le sujet. Et Sarko, dit l'Ecolière? Lui, on lui fait payer ce qu'il disait des juges et de la justice à l'époque où il était président, dit l'Ethnologue. C'était assez bien vu (quoique très en-dessous encore de la réalité). La vengeance est un plat qui se mange froid. Il y a aussi cette décision d'inéligibilité, dit l'Auditrice. Du jamais vu à ce jour. En France non, dit l'Ethnologue. Mais regarde ce qui vient de se passer en Turquie: le président sortant faisant embastiller son principal opposant, le maire d'Istamboul. Ou encore en Roumanie: là, carrément, ils ont annulé les élections. Dans les trois cas, juges et procureurs ont fait montre d'une grande sensitivité. La justice est indépendante, dit la Poire. Laissons-la faire son travail.

3/28/2025

Approprié

On fait souvent la comparaison avec la guerre de 14, dit le Visiteur. En réalité, les deux situations sont très différentes. En 14, un processus autonome s'était mis en route, il est allé jusqu'au bout de lui-même. Les gens ont été pris dans un engrenage. Ici c'est différent. Quand on parle d'engrenage, on veut dire par là que les gens subissent une situation qu'eux-mêmes, peut-être, ont contribué au début à créer, mais qui ensuite leur a échappé. Ils ne voulaient pas aller aussi loin, ou alors pas au même endroit, etc. C'est ce qui est arrivé en 14. On est ici dans autre chose. Il y a clairement aujourd'hui des gens qui veulent la guerre. Certains, au demeurant, ne s'en cachent même pas. Le terme approprié n'est donc pas celui d'engrenage mais plutôt de complot. Oui, je sais, on est très coupable aujourd'hui quand on parle de complot. Les complots n'existent pas, il n'y a que des complotistes. Et pourtant c'est bien le mot qui s'impose: complot contre la paix, en l'occurrence. Dois-je ici le rappeler, c'est une incrimination possible en droit international. Ces gens sont fous, dit le Double. Ils seraient déclarés irresponsables. Là vous vous trompez, dit le Visiteur. Ils ne sont pas fous du tout. Ils voient dans la guerre une solution à leurs problèmes. En un certain sens, ils n'ont pas tort. N'oubliez pas par ailleurs cette autre guerre qu'ils mènent contre leurs propres populations. L'ennemi extérieur leur permet d'accroître encore la pression. Et s'il y a ascension aux extrêmes, dit le Double? Encore mieux, dit le Visiteur.

3/20/2025

Pulsion de mort

Le problème, avec l'épargne, c'est que quand on la confisque, on ne peut pas ensuite répéter l'opération, dit l'Ecolière. On peut la confisquer une fois, mais pas deux. Effectivement, c'est un problème, dit le Visiteur. En revanche, on peut supprimer le problème. Comment cela, dit l'Ecolière? Par la guerre, dit le Visiteur. Grâce à la guerre, on supprime tous les problèmes, celui-là en particulier. Lorsqu'une guerre éclate, l'endettement n'a plus tellement d'importance. D'après toi, c'est ce qui va se passer, dit l'Ecolière? Je ne sais pas ce qui va se passer, dit le Visiteur. Mais à l'évidence, ils veulent la guerre. Ils vont donc peut-être en déclencher une. Sauf qu'ils n'ont pas les moyens de la faire, dit l'Ecolière. Leurs arsenaux sont vides et en plus ils manquent de soldats. Ils manquent de tout, en fait. On peut très bien déclencher une guerre sans avoir les moyens de la faire, dit le Visiteur. C'est même la règle. S'il fallait attendre que les gens aient les moyens de faire la guerre pour qu'ils la déclenchent, il n'y aurait jamais de guerre. C'est en lien avec la pulsion de mort, dit l'Ecolière? Ils veulent supprimer tous les problèmes, dit le Visiteur. A partir de là, tu ne te demandes pas si tu as ou non les moyens de faire ceci ou cela. Tu le fais, c'est tout. Oui, bien sûr. Ce ne sont pas seulement des cyniques, mais des suicidaires.

3/10/2025

Avoirs

Les avoirs russes ne sont qu'une première étape, dit le Double. Mais ils ouvrent la voie. C'est un test de faisabilité, si vous voulez. Reste à savoir s'ils oseront sauter le pas. Assurément, s'ils le font, ils prennent des risques. Non seulement ils violent le droit international (en fait le droit tout court), mais ils montrent qu'on ne peut pas leur faire confiance. En matière économique et financière, c'est rédhibitoire. D'un autre côté aussi ils n'ont pas le choix. Surendettés comme ils le sont, ils doivent impérativement trouver de nouvelles ressources. Et donc, me semble-t-il, ils le feront. Ensuite ils s'attaqueront à l'épargne privée, qui est leur véritable objectif. En saisissant les avoirs russes, ils créent un précédent. Il leur sera plus facile ensuite de confisquer l'argent des particuliers. Cela n'ira probablement pas sans résistance. Mais ils pourront toujours dire: voyez, on vient de le faire avec les Russes. Il n'y a donc pas de raison pour que nous ne le fassions pas avec vous aussi. Dans le même contexte, on pourrait mentionner l'article 47 de la loi de programmation militaire 2024-2030, qui leur permet de réquisitionner les personnes et les biens "en cas de menace prévisible". Si vous ne déférez pas auxdites réquisitions, vous encourez cinq ans de prison et surtout 500 000 euros d'amende. C'est aussi une voie possible. D'une manière générale, il n'y a plus aucune limite. Si, il y en a une, dit le Visiteur: la réalité. Ils vont très vite en prendre la mesure.