2/23/2014
Jusqu'où ?
En 1989, vous vous en souvenez peut-être, l'armée russe se trouvait encore à Berlin, dit le Double. Aujourd'hui, elle se trouve à quelque 2000 kilomètres de là, sur le Don. Jusqu'où, à ton avis, les Russes continueront-ils de reculer? Relis un peu Guerre et paix, dit le Colonel. Le livre reste très actuel. A la place des Russes, je n'aurais jamais lâché Berlin, dit l'Etudiante. C'était très déraisonnable de leur part. On leur avait proposé un marché, dit le Double. Ils lâchaient Berlin, et en contrepartie les Américains promettaient de ne pas occuper l'ancienne Allemagne de l'Est. L'Allemagne réunifiée resterait membre de l'OTAN, mais en aucun cas (promis, juré), les troupes de l'OTAN ne franchiraient l'ancienne frontière entre l'Allemagne de l'Ouest et l'Allemagne de l'Est. Comme tu le sais les promesses n'engagent que ceux qui y croient. Les Américains se sont d'abord avancés jusqu'à l'Oder, puis ils l'ont franchi pour ramasser, l'un après l'autre, l'ensemble des pays de la région: Pologne, pays baltes, Hongrie, Tchéquie, etc. Les voilà maintenant aux portes même de la Russie. L'Ukraine vient de tomber, à l'horizon, déjà, ils voient scintiller les tours dorées du Kremlin. Les services secrets américains croient qu'ils peuvent réussir là où Napoléon et Hitler ont échoué, dit le Colonel. A mon avis ils se trompent.
2/20/2014
L'hôpital
Ce soir même, sur France Inter*, ils étaient quelques-uns à se demander si l'Ukraine était ou non une démocratie, dit l'Auditrice. C'est l'hôpital qui se moque de la charité. Comment cela, dit le Politologue? Ne me dite pas que vous n'êtes pas au courant, dit l'Auditrice. Un homme est aujourd'hui emprisonné en France, au seul motif que son éventuel élargissement porterait atteinte à "l'ordre public"**. Son dossier est vide, mais les juges ne l'en maintiennent pas moins arbitrairement en prison. Pour combien de temps encore, on l'ignore. C'est beau la démocratie. Il faut distinguer, dit le Politologue. La démocratie est une chose, l'Etat de droit une autre. La France n'est peut-être pas un Etat de droit, mais c'est une démocratie. Et quand les gardes mobiles arrosent de gaz toxiques de jeunes enfants avec leurs parents, comme cela s'est produit l'an dernier à l'issue d'une manifestation contre le mariage pour tous, dit l'Auditrice: vous appelez ça la démocratie? Le mariage pour tous est une loi de la République, dit le Politologue. On n'a donc pas le droit de le critiquer. Un pas de plus, et vous me direz peut-être que la XVIIe chambre correctionnelle conditionne la liberté d'opinion et d'expression en France, dit l'Auditrice. C'est exactement cela, dit le Politologue. Elle dit ce que vous avez le droit de dire et de ne pas dire. Même en Ukraine, il n'y a pas de XVIIe chambre correctionnelle, dit l'Auditrice. C'est bien pourquoi on est fondé à se demander si l'Ukraine est ou non une démocratie, dit le Politologue.
* 20 février 2014.
** Le Monde, 26 janvier 2014.
* 20 février 2014.
** Le Monde, 26 janvier 2014.
2/12/2014
Vengeance
La vengeance est un plat qui se mange froid, dit l'Ethnologue. Il y a sept ou huit ans, l'Usurpateur s'était fait éjecté de son poste ministériel à la faveur d'un coup de force concocté par la Belette, aidée en la circonstance par l'Apparatchik, la Rapace, l'Epouse, le Secrétaire, l'Adjoint, le Génie modifié, quelques autres encore. On en avait conclu à l'époque que c'était un homme fini. Jamais il ne rebondirait, à plus forte raison encore ne reviendrait sur le devant de la scène. Son propre parti allait le lâcher. Etc. Comme ses ennemis consternés viennent de l'apprendre à leurs dépens*, il a au contraire très bien su rebondir. Je n'aime guère l'Usurpateur, en nombre de domaines je pense tout autrement que lui. Il y a quelques années encore, par exemple, il militait pour l'adhésion de la … à l'Aléna, la zone de libre-échange nord-américaine. Il a par ailleurs figuré au moins une fois au nombre des invités à une réunion du groupe de Bilderberg. Etc. Cela étant, on ne peut s'empêcher de saluer sa performance. Comme d'habitude, les autres n'ont rien vu venir. Leur mépris pour les populations joint à leurs nombreux mensonges les ont conduits à l'impasse où ils se trouvent aujourd'hui. C'est bien fait pour eux.
* Le 9 février 2014, les électeurs suisses se sont prononcés en faveur d'une initiative de l'UDC régulant l'immigration (Le Monde, 11 février 2014).
* Le 9 février 2014, les électeurs suisses se sont prononcés en faveur d'une initiative de l'UDC régulant l'immigration (Le Monde, 11 février 2014).
2/07/2014
Il y a des cas
Payer ses impôts, c'est faire preuve de civisme, dit l'Activiste. Seuls les mauvais citoyens cachent leur argent, ou font de fausses déclarations. On peut dire ce que vous dites, mais on peut aussi dire le contraire, dit le Philosophe. Il y a des cas où l'on est pleinement légitimé à ne pas payer ses impôts. Comment ça, dit la Poire: vous justifiez la fraude fiscale? Ce que je dis, c'est que quand on aborde ces questions-là, on ne peut pas le faire dans l'abstrait, dit le Philosophe. Avant de vous demander s'il est moral ou non de payer ses impôts, demandez-vous où va l'argent, comment il est utilisé, etc. Chaque situation est particulière. Prenez la période 40-44, par exemple. J'ignore si, à l'époque, beaucoup de gens payaient leurs impôts, mais s'ils le faisaient, je vois mal, en l'occurrence, comment on pourrait parler de civisme. Soustraire, à l'époque, un certain nombre de sommes au fisc non seulement n'avait rien d'immoral mais pouvait au contraire passer pour hautement moral. C'était une forme de résistance. Ne faites pas cette tête.
2/04/2014
A défaut de savoir
Voyez ce qui se passe, dit le Cuisinier. "La … doit être sacralisée", disait hier l'Invité (1). Il y a belle lurette, en fait, que la ... est sacralisée: une trentaine d'années au moins. Souvenez-vous, par exemple, de la série américaine Holocauste, dans les années 70. L'Invité n'était pas encore né. Mais tout se paie. Un objet historique, quel qu'il soit, ne devrait jamais être sacralisé, car alors, très vite, il cesse d'être perçu comme tel. Les fumées de l'encens le font disparaître en tant, justement, qu'objet historique. On sacralise certaines choses afin d'empêcher qu'on ne les remette en cause, mais cette sacralisation même conduit à les abstraire de la réalité, donc à nourrir le doute (réel ou feint) à leur sujet. Littéralement, elles s'évaporent. En plus, le sacré ne se sacralise pas. Il est ou il n'est pas. Les révisionnistes ont toujours dit qu'ils finiraient un jour par gagner, dit l'Ethnologue. C'est, peu ou prou, ce qui est en train de se passer. Non certes, comme ils le pensaient, au plan de l'histoire-science (ce qui s'écrit aujourd'hui ne va pas précisément dans leur sens (2)), mais de l'histoire-réalité: celle, tout bonnement, que nous faisons (à défaut, bien évidemment, de savoir que nous la faisons: je parle, entre autres, de l'Invité).
(1) Le 2 février 2014.
(2) Cf. p. ex. Timothy Snyder, Terres de sang, L'Europe entre Hitler et Staline, Gallimard, 2012.
(1) Le 2 février 2014.
(2) Cf. p. ex. Timothy Snyder, Terres de sang, L'Europe entre Hitler et Staline, Gallimard, 2012.