La stratégie du chaos est une variante de la maxime, diviser pour régner, dit le Colonel. De cette maxime même, mais, en l'espèce, poussée à l'extrême: bellum omnium contra omnes. Tout le monde, ici, tire sur tout le monde. La stratégie du chaos est très proche de la stratégie du choc (Naomi Klein). Sauf que le choc, en règle générale, est ce qui précède le chaos, le rend possible: d'abord le choc, ensuite le chaos. En règle générale. Parfois aussi il n'y a pas de choc: juste de petites, voire très petites secousses. Les services spéciaux sont bien sûr ici en première ligne. Si le terrorisme est l'arme du pauvre, le chaos, pourrait-on dire, est l'arme du riche en voie de paupérisation. On le voit, par exemple, avec les Etats-Unis. Les Etats-Unis n'ont plus aujourd'hui les moyens de gagner une guerre. En revanche, ils sont en mesure de répandre le chaos. A l'époque récente, la stratégie du chaos a trouvé son champ d'application privilégié au Moyen Orient (Irak, Syrie), mais elle ne se limite pas au seul Moyen Orient. Voyez, par exemple, ce qui se passe au Mexique. L'Europe elle-même est en ligne de mire. Mais les Européens ne s'en rendent pas compte.
4/18/2014
4/15/2014
Stefan Zweig
Vous avez vu, dimanche, cette déclaration du chef de l'armée suisse*, dit le Double? Il ne l'a certainement pas faite par hasard. Il encourage ses concitoyens à stocker de l'eau chez eux, et également à acheter des conserves alimentaires. En clair, il met en garde contre le risque de guerre. Il dit d'ailleurs que la situation internationale s'est beaucoup dégradée depuis 2-3 ans. Naturellement, le lendemain, les Suisses se sont rués dans les supermarchés, dit le Visiteur. Qu'est-ce que vous pensez, dit le Double. Les packs de bouteilles d'eau minérale sur les rayons étaient aussi nombreux que d'habitude. Aucune affluence particulière aux caisses. C'est comme en 14, dit le Cuisinier. Les gens, à l'époque, ont mis très longtemps avant de comprendre que l'Europe allait basculer dans la guerre. Ils suivaient les nouvelles de loin, pour le reste vaquaient à leurs occupations courantes. La plupart étaient d'ailleurs sur les plages (on était en période estivale). Ce n'est qu'au tout dernier moment qu'ils ont subitement pris conscience de la gravité de la situation. Tout est alors allé très vite. En moins de 24 heures, les lieux de vacances se sont vidés, les gens prenant les trains d'assaut pour rentrer chez eux, etc. C'est très bien raconté dans Stefan Zweig**.
* 13 avril 2014.
** Le Monde d'hier, Le Livre de Poche, 2013.
* 13 avril 2014.
** Le Monde d'hier, Le Livre de Poche, 2013.
4/08/2014
Douleur
J'étais dimanche dernier à l'Abbatiale de …, pour y entendre une Passion de Bach, dit l'Auditrice. Public clairsemé et surtout âgé: 60 ans et plus. Aucune famille, aucun ado. Les billets étaient à 40 euros. Ceci explique peut-être cela. En 2013, je suis allée faire un tour au festival de … Les places les moins chères étaient à 80 euros, les plus chères à 160. Qui peut encore se payer des places à ces prix-là? Quelques rentiers-retraités célibataires, et encore. On est en régime néolibéral, dit l'Ethnologue. Jusqu'à il y a une vingtaine d'années, l'Etat subventionnait très largement encore la culture. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Le principe, désormais, qui prévaut est celui de l'auditeur (respectivement spectateur)-payeur. A quoi s'ajoute le fait qu'une part croissante de l'argent prétendument dévolu à la culture va désormais aux "associations" (pour acheter la paix civile), ou encore à l'industrie du bruit. La ville de Dope-City vient ainsi d'allouer une nouvelle subvention aux adeptes de telles nuisances (alors même, déjà, qu'elle ploie sous le poids d'une dette qui va croissant d'année en année et la fera bientôt mettre sous tutelle). Paix civile ou pas, c'est toute une culture, en fait, qui est en train de disparaître, dit l'Auditrice: la nôtre. La douleur qu'en éprouvent les dirigeants dépasse tout ce qu'on peut imaginer, dit l'Ethnologue.
4/03/2014
A l'envers
On peut faire des parallèles, dit le Colonel. La situation présente n'est pas sans rappeler la crise américano-soviétique de 1962, lorsque les Soviétiques installèrent des bases de missiles à Cuba, juste en face des côtes américaines. C'est, peu ou prou, la même situation, mais à l'envers. L'Ukraine, en effet, est à la Russie ce que Cuba est aux Etats-Unis. "We have invested 5 billion dollars to help Ukraine to achieve these and other goals", dit Victoria Nuland*. Nous lisons bien: "And other goals". Si les Américains répètent en Ukraine ce qu'ils ont récemment fait dans d'autres pays de la région (Pologne, etc.), ils ne devraient pas tarder à y installer des bases de missiles. En 1962, la guerre fut évitée, mais de justesse. Les Soviétiques démantelèrent leurs bases litigieuses, les missiles furent ré-embarqués. Ni Kennedy, ni Khrouchtchev, les deux protagonistes de l'époque, ne voulaient, en fait, la guerre. Aujourd'hui, le contexte est différent. Des manoeuvres militaires de l'OTAN sur plusieurs jours viennent de débuter en Pologne et dans les pays baltes, c'est la chaîne allemande ARD qui l'annonce**. Le territoire russe de Transnistrie, enclavé entre la Moldavie et l'Ukraine, est par ailleurs soumis à un blocus. Ici ce n'est plus à 1962 que l'on pense mais à 1914: la politique de la corde raide***. On va voir maintenant la suite. Comme toutes les puissances déclinantes, les Etats-Unis aiment jouer avec le feu.
* Le 13 décembre 2013. Sur ce personnage, voir "A l'agonie", 4 mars 2014.
** 1er avril 2014.
*** Voir Margaret MacMillan, Vers la Grande Guerre: Comment l'Europe a renoncé à la paix, Autrement, 2013.
* Le 13 décembre 2013. Sur ce personnage, voir "A l'agonie", 4 mars 2014.
** 1er avril 2014.
*** Voir Margaret MacMillan, Vers la Grande Guerre: Comment l'Europe a renoncé à la paix, Autrement, 2013.
4/02/2014
En visibilité
Il y a ce que je viens de dire, mais aussi le fait qu'en France les idéologies jouent un rôle hors du commun, dit l'Ethnologue. Tous les pays ont leurs idéologues, on est bien d'accord. Sauf qu'en France, en quelque sorte, ils font partie de la culture nationale. Ils ont leur place réservée et numérotée (dans les médias, l'Université, les cabinets ministériels, etc.). Et cela ne date pas d'hier. Il y a une cinquantaine d'années, on avait les apologistes du stalinisme, du maoïsme, du castrisme, etc. Tous ont disparu corps et biens, sans laisser la moindre trace. Une vraie tragédie. Mais d'autres idéologies, entre-temps, ont pris le relais: celle du genre, par exemple. Le genre n'est pas né en France, c'est une idéologie américaine, mais ce n'en est pas moins en France qu'il a trouvé son public, en tout état de cause qu'on en parle le plus, qu'il est le plus pris au sérieux, etc. Le genre s'enseigne aujourd'hui, en France, comme autrefois le diamat dans les pays de l'ancien bloc de l'Est. C'est devenu un dogme. Et leurs déclarations: ce dignitaire, par exemple, associant le rejet du mariage pour tous à celui de la démocratie (il est bien placé pour en parler). C'est très spécifique à la France. L'après-démocratie se duplique ici dans les mots même qui l'habillent, certains diront peut-être l'enjolivent. En tout état de cause, elle gagne en visibilité.