Vers 1950 déjà, C. G. Jung remarquait que la femme occidentale tendait à se masculiniser, alors même que, de son côté, l'homme occidental tendait à se féminiser, dit l'Avocate*. A l'époque, les théories du genre n'avaient pas encore cours, et surtout on ne les avait pas encore rendues obligatoires dans les écoles (y compris, désormais, en maternelle**). On est donc en présence d'une tendance de fond, tendance se projetant sur le temps moyennement long. C'est elle, cette tendance, qui explique les théories du genre, et non l'inverse. A partir de là se pose le problème des compensations. Car, à toute tendance, correspond nécessairement une contre-tendance. On pourrait aussi parler de retour du refoulé. Ainsi, on le sait, la féminisation actuelle de l'homme occidental trouve-t-elle sa contre-partie dans l'hyper-machisme bien typé de certaines populations masculines, hyper-machisme qu'on ne saurait interpréter que comme l'expression erratique d'une masculinité manquée (manquée, justement, car
censurée, condamnée, donc, à une existence, partiellement au moins, souterraine: mais il lui arrive occasionnellement de refaire surface, et cela sous la forme qu'on vient de dire: c'est logique). Du côté féminin, une évolution symétrique est également observable. On pourrait ainsi se demander si l'engouement actuel, de prime abord paradoxal, de certaines féministes affichées pour la burqa ne trouverait pas son explication dans le retour, là encore, du refoulé, au sens où ce qu'on se refuse aujourd'hui à prendre à compte, à savoir la féminité de la femme, tend mécaniquement à réapparaître sous une forme qu'on pourrait qualifier de monstrueuse (la burqa), forme qui est l'exact pendant chez la femme masculinisée de l'hyper-machisme chez l'homme féminisé: l'hyper-soumission de la femme voilée.
* C. G. Jung,
"Ma vie": Souvenirs, rêves et pensées, Gallimard, folio, 2012, pp. 417-418.
** " ' Il est trop petit pour avoir une cuisine et c'est pas une fille ' ",
Le Monde, 2 octobre 2013.