6/16/2013

Un temps seulement

Ce régime est dépourvu de toute assise populaire, dit l'Ethnologue. Même les populations qu'il courtise, celles issues de l'..., ne lui accordent qu'un soutien très relatif. C'est la corde qui soutient le pendu. Privé de toute assise populaire, donc aussi de tout pouvoir. Car le pouvoir n'est ce qu'il est que par la confiance qu'il inspire. Autrement il dépérit. Ce prétendu pouvoir est en fait un non-pouvoir, il n'a plus prise sur la réalité. D'où de plus en plus, comme vous le voyez, le recours à la violence. Dans son essai sur la violence, Hannah Arendt relève que la violence non seulement n'a rien à voir avec le pouvoir, mais que ce sont les pouvoirs faibles qui y ont surtout recours: quand, justement, le pouvoir entre en déliquescence, donc commence à leur échapper. Sauf, bien sûr, que la violence ne remplace jamais le pouvoir (même si elle en donne parfois l'illusion). Elle permet, un temps au moins, au pouvoir de garder la tête hors de l'eau. Mais un temps seulement. Au moindre coup de vent, il plonge. Ah, la météo! Ca sera peut-être dans dix ans, demain peut-être déjà. Mais des coups de vents, il y en aura, c'est sûr.

6/12/2013

En règle générale

En règle générale, si vous avez le choix entre la légitime défense et la fuite, choisissez plutôt la fuite, dit l'Auteur. C'est le conseil que je vous donne. Car, comme vous le savez, les juges ne plaisantent pas avec ces choses. A plus forte raison encore lorsque vous êtes victimes d'exactions de la part de gardes mobiles ou de membres de la police. Là, au moindre signe ou manifestation de mauvaise humeur de votre part, ils peuvent vous mettre en examen pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste (comme ils disent). Vous en aurez alors pour plusieurs années. Soyez donc prudents, n'ayez recours à la légitime défense que lorsque le rapport de forces vous est très, mais vraiment très favorable, et surtout que vous êtes sûrs de pouvoir ensuite disparaître sans laisser de traces. Ce qui est parfois le cas.

6/08/2013

Tailler en pièces

Au tour, maintenant, du Zéro pointé de monter au créneau, dit le Double: je vais vous tailler en pièces, a-t-il dit. Dans le style robespierriste, on fait difficilement mieux. On pourrait aussi évoquer Lénine: écrasons les insectes nuisibles. On sait désormais à qui on a affaire. Parce que tu ne le savais pas, dit l'Auditrice? A mon avis, ils commettent une erreur, dit l'Avocate. Quand on veut tailler les gens en pièces, on ne le dit pas, on le fait. On risquerait autrement de ne pas pouvoir le faire. Si tu vois ce que je veux dire. Non, pas vraiment, dit l'Auditrice. 

6/01/2013

Main invisible

En fait, aplanir l'espace social*, c'est ce que fait déjà le marché, dit le Cuisinier. Lui aussi veut tout aplanir, tout éradiquer. Et d'ailleurs, très souvent, y parvient. Mais sans gardes mobiles, gaz toxiques, etc. On fait ainsi des économies. Il n'y a pas d'un côté le marché, de l'autre l'Etat total, dit l'Ethnologue. C'est beaucoup plus intriqué que tu ne le penses. Jusqu'à un certain point, c'est vrai, le marché se suffit à lui-même. Mais jusqu'à un certain point seulement. Au-delà, pour le dernier kilomètre, tu as besoin d'une aide: celle de l'Etat total, justement. Je veux bien croire à l'existence d'une main invisible, mais ce n'est quand même pas la main invisible qui a créé l'OMC, n'est-ce pas? En sens inverse, s'il n'y avait pas le marché, crois-tu que l'Etat total surmonterait aussi aisément qu'il le fait les obstacles sur lesquels, occasionnellement, il lui arrive de buter? Je parlais l'autre jour de la famille biparentale. Parlons plutôt de ce qu'il en reste: car la désagrégation de la famille ne date pas d'hier. "Au lieu de servir de contrepoids au marché, la famille a (...) été envahie et minée par le marché", écrit ainsi Christopher Lasch. Qui précise: "De nos jours, il est de plus en plus clair que les enfants paient le prix de cette invasion de la famille par le marché"**. Bref, ce n'est pas ou bien, ou bien: ou bien le marché, ou bien l'Etat total. Les deux s'étayent l'un l'autre. Et de toute façon, les bénéficiaires sont les mêmes.

* "Devant rien", 15 mai 2013.
**La révolte des élites et la trahison de la démocratie, Champs essais, Flammarion, 2009, p. 105.