Je commentais il y a quelque temps un texte de Bernard Wicht, dit le Colonel*. En voici un autre: "Si nous faisons brièvement le catalogue des catégories de combattants existant de nos jours (partisans, forces spéciales, contractors, terroristes, shadow warriors), nous constatons immédiatement que le citoyen est absent. Il reste donc sans défense dans un monde où la violence a retrouvé son état anarchique". On pourrait aussi dire qu'il est en retard : "C'est le citoyen qui est en retard, c'est lui qui est désarmé"**. Personnellement, je ne dirais pas que le citoyen, aujourd'hui, est désarmé. Désarmé, à proprement parler, non. Beaucoup de gens possèdent des armes. Souvent, il est vrai, elles sont cachées. Parfois même enterrées. Mais, le cas échéant, elles pourraient très bien réapparaître. Les dirigeants s'en inquiètent, d'ailleurs. C'est un facteur d'imprévisibilité. En revanche, ce qu'on peut dire, c'est que le citoyen a désappris à appuyer sur la détente: ça oui. Un certain nombre d'inhibitions le paralysent, d'ordre civilisationnel notamment. Ces inhibitions leur sont propres, on ne les rencontre que rarement ailleurs. La peur qu'inspirent les dirigeants n'est pas non plus à négliger. Parler de "retard" se justifie donc pleinement, sauf que le retard, en l'occurrence, n'est pas d'ordre matériel mais mental. Comment, dès lors, dés-inhiber le citoyen, lui faire retrouver l'instinct vital, l'instinct de survie? La réponse n'est pas évidente.
* Voir "Climat", 21 novembre 2015.
** "Un retour vers la défense citoyenne? Entretien de Theatrum Belli avec Bernard Wicht", theatrum- belli.org (juin 2015).
12/23/2015
12/20/2015
Evolution
Les dirigeants ne combattent évidemment pas le terrorisme, dit le Colonel. Ils en vivent. Ce qu'il est intéressant plutôt de relever, c'est l'évolution du discours officiel à ce sujet. Alors qu'autrefois les dirigeants disaient: vous allez voir ce que vous allez voir, nous allons éradiquer le terrorisme, leur discours, aujourd'hui, s'est infléchi. Le terrorisme, disent-ils, on aimerait bien pouvoir l'éradiquer: vraiment, sincèrement. Mais la réalité est que malgré tous nos efforts, nous n'y parviendrons jamais: nous ne parviendrons jamais à éradiquer le terrorisme. Il ne vous reste donc d'autre choix que d'apprendre à vivre avec: avec le terrorisme. Vous avez déjà appris à vivre avec la drogue, la criminalité, les "petits chéris", les zones de non droit, le chômage de masse, le stress au travail, etc. Vous apprendrez donc aussi à vivre avec le terrorisme. C'est juste un petit plus. Une petite sauce pour agrémenter le reste. En langage savant, cela s'appelle la résilience. Le mot appartient originellement au vocabulaire de la psychologie, mais les politologues s'en sont récemment emparés, et ce qui précède nous aide à comprendre pourquoi. Ecoutons l'un d'eux: "La résilience ne peut empêcher qu'un événement se produise. Elle peut en revanche lui retirer son potentiel perturbateur"*. Le discours officiel, aujourd'hui, c'est ça. La sécurité, aujourd'hui, n'existe plus, à la place nous avons la résilience: la résilience, qui nous permet de supporter l'insécurité.
* "Combattre la peur comme agent ennemi, Les apports de la résilience" (Entretien avec Chris Zebrowski), DSI, Décembre 2015, p. 61.
* "Combattre la peur comme agent ennemi, Les apports de la résilience" (Entretien avec Chris Zebrowski), DSI, Décembre 2015, p. 61.
12/19/2015
Donc, oui
Il faut vraiment être de mauvaise foi pour dire que les dirigeants ne combattent pas le terrorisme, dit l'Etudiante. Comment peut-on dire des choses pareilles. Ce n'est pas sérieux. Tenez, par exemple: ces portes d'appartement que la police enfonce aujourd'hui en pleine nuit, alors qu'autrefois cela ne se faisait qu'au petit matin (et encore, après qu'on ait sonné). Si ce n'est pas là combattre le terrorisme. Certains parlent de gesticulation, mais à tort. Les dirigeants montrent ici clairement leur détermination: elle est implacable. En contrepartie, il est vrai, ils ont renoncé à faire ce qu'ils avaient pourtant promis de faire il y a six semaines: contrôler l'accès aux quais dans les gares, par exemple. Ils l'ont bien fait pendant une petite semaine, ensuite y ont renoncé*. Ils ont renoncé également à tenir compte de toutes les alertes à la bombe dans le RER. Toutes, ce n'est pas possible. La ponctualité des trains en souffrirait**. Donc, oui, tout à fait, ils combattent le terrorisme. Nous ne permettrons même à personne de dire le contraire. Le dire, au demeurant, ce serait s'exposer à des poursuites: poursuites pour apologie du terrorisme. Pourquoi apologie du terrorisme? Parce que, par principe, tout ce que font les dirigeants est bien. Si donc ils ne combattent pas le terrorisme (ou ne font que semblant de le combattre, l'objectif réel étant de l'instrumenter à leur profit), cela voudrait dire que le terrorisme serait quelque chose de bien. Les peines encourues sont de cinq ans (sept si le délit est commis sur Internet, plus 100'000 euros d'amende).
* France Inter, 16 décembre 2015, vers 19 h 30.
** Le Figaro, 11 décembre 2015, p. 15.
* France Inter, 16 décembre 2015, vers 19 h 30.
** Le Figaro, 11 décembre 2015, p. 15.