Dans son livre,
L'insécurité du territoire, paru il y a une quarantaine d'années*, Paul Virilio rappelait que le Christ était "mort sous le coup d'une seule accusation,
ennemi de l'Etat", dit l'Ethnologue: pour cela et rien d'autre. Cette remarque retient l'attention. Elle signifie, en particulier, qu'on ne saurait, purement et simplement, confondre le christianisme avec les églises. Le christianisme est une chose, les églises une autre. A la limite, même, les églises n'ont rien à voir avec le christianisme. Les églises, on le sait, ont toujours servi l'Etat avec zèle. On peut même, si l'on y tient, remonter à St Paul:
omnis potestas a deo. Depuis longtemps, le pli est pris. C'est l'union du trône et de l'autel. Sauf que le trône, entre-temps, s'est beaucoup transformé (en même temps que redimensionné). A l'ancien Etat-nation territorial (
Gott mit uns), aujourd'hui tombé en obsolescence, s'est substitué l'Etat planétaire total, avec ouverture des frontières, chômage de masse et espionnage généralisé. Les territoires encaissent, et avec eux les populations. Autre différence encore, les valeurs. Les églises, dans ce domaine, s'essoufflent à suivre, mais suivent. Voyez les déclarations du pape. Rien d'étonnant, dès lors, à ce que les pratiques s'effondrent. A terme, effectivement, les églises sont promises à disparition**. Les populations trahies, très logiquement, leur tournent le dos: on le ferait à moins. Mais je parle ici des églises: uniquement des églises. La mort du Christ, elle, est toujours d'actualité.
* Stock, 1976 (1ère édition); Galilée, 1994 (2e édition).
** Voir "C'est pas son truc", 7 novembre 2016.