On l'a relevé l'autre jour*, dit l'Ethnologue: seuls 2 % des gens n'ont pas de téléphone portable. 2 %, en un sens, c'est très peu. Qu'est-ce que c'est, 2 % ? Mais, pour les dirigeants, c'est beaucoup: beaucoup trop, en fait. 2 % des gens sans téléphone portable, c'est aussi 2 % des gens non traçables. On ne sait ni où ils sont, ni avec qui ils sont. Ni non plus ce qu'ils font. Un véritable trou noir. C'est très angoissant. Dès lors, que faire? Une solution s'esquisse. Les gens qui n'ont pas de téléphone portable ont, en revanche, tous un fixe. Justement, parlons du fixe. Vous aurez remarqué le récent basculement de l'analogique vers le numérique. Chacun sait que le numérique est beaucoup moins fiable que l'analogique. Il coûte, il est vrai, aussi moins cher. A un moment donné, on dira: le fixe, aujourd'hui, c'est fini. Oublions le fixe. Il y a trop de pannes. Tout le monde, dès lors, sera obligé d'acquérir un portable. Ce pourrait être une solution. Et même astucieuse. Sauf, si l'on y réfléchit, que ce n'en est pas vraiment une. Car il y aura toujours quelqu'un pour se dire: tant pis, je me passerai désormais de téléphone. Il y a deux cent ans, les gens s'en passaient bien. Je ré-apprendrai à m'en passer. Pour les dirigeants, il n'est même pas pensable que quelqu'un puisse aujourd'hui se passer de téléphone. A mon avis, ils se trompent. Ils sous-estiment les capacités de résistance de l'être humain.
* Voir "Une bonne chose", 29 septembre 2016.