10/27/2018

Et encore

Et encore*, dit l'Ecolière: "C'est chez les autres qu'on finira par s'asseoir. Retraçant leurs frontières et modifiant leurs histoires. Une histoire qu'on finira par oublier. Et qui à force de minutes de silence se tait". Si vous voulez, je vous fait un dessin. Variante: "Bam bam bam bam bam bam le public me crie: Achille refait l'Histoire de Troie. J'vais mettre tous leurs blases sur ma liste noire je crois"**. Vous pensez peut-être qu'on l'a prié de faire ses valises, et vite? Qu'est-ce que vous croyez. Un si grand artiste. En plus, ce serait contraire au droit international. Vous ne voudriez quand même pas qu'on touche au droit international. Bref, il est en concert ce soir. Oui, ici même, à Dope-City. Quel honneur, n'est-ce pas. Bam bam bam bam bam bam bam. Remarquez, c'est bien mérité. A Dope-City, il y a longtemps que l'histoire de Troie ne s'enseigne plus dans les écoles. Pourquoi faire? On peut très bien ici se passer de livres. Promenons-nous dans les bois. Si vous voulez, je vous sers de guide. Par ici messieurs dames. Nous sommes pour l'ouverture, le dialogue. Quoi? Qu'est-ce que vous dites? Que vous seriez tenté de développer les mêmes idées, mais à l'envers? Ah, ça, ce n'est pas possible. I call the police.

* Voir "Passer le temps", 30 septembre 2018.
** Cité dans Le Temps, 26 octobre 2018. Leurs blases = leurs noms.








10/21/2018

Lignes rouges

Lorsque le chef de la France insoumise reproche aux médias d'Etat de "mentir" et de "tricher", il a peut-être raison, dit l'Avocate. Peut-être. Admettons. Quand même, ce n'est pas tout à fait encore la Corée du Nord. Il est honnête de le reconnaître. Raison encore quand il parle de justice politisée. Mais de nouveau, ne dramatisons pas. Certains vont jusqu'à prétendre que les juges, en France, ne seraient que des policiers déguisés en juges. Ils forcent, me semble-t-il, exagérément le trait. Les juges, en France, font ce qu'on leur dit de faire, c'est vrai. On ne dira pas ici le contraire. Le contraire, d'ailleurs, n'est pas même imaginable. Mais c'est une chose. De là à suggérer, comme le font certains, que le degré d'indépendance des magistrats serait le même, très exactement, que celui d'un hacker de la Dégéèci, il y a un pas que je m'en voudrais, très franchement, de franchir. En sorte que je ne le franchirai pas. Il est irresponsable, en ce sens, de dire que la France ne serait pas un Etat de droit. Elle en est bien évidemment un, comme chacun le voit. Tout comme elle est assurément une démocratie. Voyez le mode d'élection des députés à l'Assemblée nationale. Avec 28 % des voix, vous obtenez 75 % des sièges. De cet état de choses, on peut tirer diverses conclusions, les unes théoriques, d'autres pratiques. Ce que, me semble-t-il, n'a pas encore fait le chef de la France insoumise. Mais peut-être le fera-t-il un jour. On le lui souhaite en tous cas, car, après ce qu'il a dit, il n'a plus grand chose à perdre. Il a déjà franchi plusieurs lignes rouges.



10/18/2018

Même pas

Lorsqu'on parle du régime actuel, un mot s'impose presque forcément, dit l'Avocate: celui de  démocrature. C'est une dictature, mais camouflée en démocratie. Camouflée? En fait, même pas. Il y a un mois, des juges avaient décidé de soumettre à un examen psychiatrique la responsable du principal parti d'opposition (l'ancien FN). Cela renvoie aux belles années de l'ère soviétique, lorsque les dissidents étaient internés dans des asiles psychiatriques. Et maintenant, la France insoumise, autre parti d'opposition. Des centaines de policiers surarmés débarquent au petit matin dans des domiciles privés aux quatre coins du pays pour y saisir des téléphones portables et des ordinateurs. Ils arrêtent également des personnes, se livrent à des actes de violence, etc. En l'espèce, c'est la Turquie d'Erdogan qui pourrait servir de point de comparaison. De tels épisodes interrogent sur le rôle actuel de la police secrète d'Etat dans le fonctionnement d'ensemble du régime. Simple hasard ou non, vous aurez remarqué qu'à l'occasion du dernier remaniement, le responsable de la Dégéèci a été promu à un poste gouvernemental: vice-ministre de l'Intérieur. C'est juste une observation. En régime d'administration directe (Direct Rule), la police secrète d'Etat devient l'organe le plus important. Elle se situe tout au haut de la pyramide, chapeaute le tout. Voir aussi l'affaire Benalla.

10/07/2018

N'existe pas

C'était tout à l'heure sur ..., dit l'Auditrice. L'animatrice avait invité Sylvain Tesson, l'auteur de Sur les Chemins noirs (Gallimard, 2016). On discute du numérique. Tesson dit qu'il n'aime pas le numérique. Cela ne l'intéresse pas. Rien, là-dedans, n'est intéressant, dit-il: rien. Il n'a pas non plus de téléphone portable. Il ne veut pas devenir l'esclave des nouvelles technologies. Allez-vous au moins sur les réseaux sociaux, lui demande-t-on? Je ne sais même pas ce que c'est, répond Tesson. On sent la dame légèrement désorientée. Ne pas avoir de téléphone portable, passe encore. Mais quelqu'un qui ne va pas sur les réseaux sociaux, elle n'avait encore jamais vu ça. Elle hasarde une explication. Vous "cultivez votre imagination", dit-elle, presque maternelle. On voit le raisonnement. Le monde numérique se confond, pour elle, avec la réalité. C'est ça la réalité, il n'y en a pas d'autre. Si, dès lors, comme le fait Tesson, on fuit le monde numérique, on est forcément hors-réalité. On vit dans un monde autre: monde qui n'est pas la réalité: "votre imagination". Sauf qu'on pourrait aussi dire que le monde numérique n'existe pas. C'est justement ce que dit Tesson: "Le monde numérique n'existe pas". Là, tout vacille. Si ce qui est ou qu'on croyait être la réalité n'est pas la réalité, comment continuer à animer des émissions de radio?