3/09/2019

Tout-numérique

On n'arrête pas le progrès, dit l'Ecolière. Ainsi, vous aurez appris qu'ils organisent désormais des cours pour guider les usagers dans les méandres de l'achat d'un billet de train. C'est en effet devenu tellement compliqué que les gens ne s'y retrouvent plus. Ils ont besoin d'aide. On leur explique donc la marche à suivre, où cliquer ou ne pas cliquer, etc. Autrement ils pataugent. Les dirigeants se doivent de faire des économies, dit la Poire. C'est pourquoi ils misent sur le numérique: le tout-numérique, en fait. Le tout-numérique leur permet de fermer un certain nombre de guichets. Je ne suis pas contre. Quel est le souci premier des dirigeants, dit l'Ecolière: faire des économies? Vous plaisantez. Le tout-numérique leur coûte au contraire très cher. En revanche, il ne contribue pas peu à la dégradation générale des conditions de vie des gens. C'est ça le but. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué. Les  dirigeants manifestent ainsi leur présence, montrent qu'aujourd'hui encore, que dis-je: aujourd'hui plus que jamais, il faut compter avec eux. Tu as lu le dernier roman de Houellebecq, dit l'Avocate? Lui dit que certains sont prêts à mourir pour la liberté de commerce* (c'est d'ailleurs ce qui se passe). On pourrait étendre cette remarque au tout-numérique. Certains sont prêts à mourir pour le tout-numérique. Ce système est devenu fou, dit l'Ecolière. C'est bien pourquoi, comme tu le vois, il s'effondre, dit l'Avocate.

* Sérotonine, Flammarion, 2019, p. 250.