5/11/2019

Sous-produit

Tiens regarde, dit l'Ecolière. La photo s'étale sur près d'une demi page*. C'est ce rouge à lèvres qui te gêne, dit l'Avocate? Beaucoup d'hommes, aujourd'hui, se mettent du rouge à lèvres. Il n'y a là rien de très extraordinaire. On est dans un jeu de rôle. Les femmes jouent des rôles d'hommes, les hommes des rôles de femmes. Les dirigeants en éprouvent une grande souffrance. Jusqu'où cela ira-t-il, dit l'Ecolière? Tu vois qui est Mme Thatcher, dit l'Avocate? Il y a une formule de Mme Thatcher qu'on cite souvent: "There is no such a thing as society". Autrement dit, tout est possible, il n'y a aucune limite. C'est le point de départ de la dérégulation. On voit ça en économie, mais pas seulement. Dirais-tu, en ce sens, que le néoféminisme est un sous-produit du néolibéralisme, dit l'Ecolière? Chacun est le sous-produit de l'autre, dit l'Avocate. Ils se sous-produisent mutuellement, si tu veux. Regarde cette feuille. Elle rabaisse les hommes, mais par ailleurs aussi publie des articles justifiant les supersalaires des managers**. Les deux choses vont de pair. Les miasmes s'accumulent, dit l'Ecolière: ça commence à sentir mauvais. Il faut en revenir à Arendt, dit l'Avocate: l'idéologie, comme logique de l'idée, ou si tu préfères comme idée se nourrissant d'elle-même. Ne faisant même que se nourrir d'elle-même***. On évoquerait volontiers aussi Rauschning, La révolution du nihilisme. Les gens devraient parfois se regarder dans la glace. Que faire, dit l'Ecolière? Dire non, dit l'Avocate. Se tenir à l'écart.

* Le Temps (Lausanne), 2 mai 2019, p. 3.
** Ibid., 2 février 2019, p. 12.
*** Voir "Prémices", 9 avril 2019.