Chacun est libre de ses définitions, dit l'Ethnologue. En d'autres termes, l'Etat de droit est très exactement ce qu'on veut qu'il soit. En France, comme vous le savez, on vient d'incorporer l'état d'urgence au droit ordinaire. Certains en ont conclu que la France ne pouvait dès lors plus être considérée comme un Etat de droit. A tort évidemment. La France est bien toujours un Etat de droit. Sauf, justement, que la définition de l'Etat de droit a changé. L'Etat de droit n'inclut désormais plus en son concept la référence à la justice, en tant que garante des droits individuels. La police a tous les droits. Ce travail de redéfinition s'étend également à d'autres domaines. On parlait hier de la présomption d'innocence. L'idée suivant laquelle il reviendrait à l'accusation d'apporter la preuve de ce qu'elle avance est aujourd'hui très largement battue en brèche. C'est à l'accusé lui-même, désormais, estime-t-on, de prouver son innocence. En ligne de mire, en particulier, les délits sexuels. D'où la volonté de faire évoluer les lois dans ce domaine. Personne ne dit qu'une telle revendication (le renversement de la charge de la preuve) serait contraire à l'Etat de droit. Et pour cause, puisque l'Etat de droit n'inclut désormais plus en son concept la présomption d'innocence. A partir de là, vous êtes couvert. Personne ne pourra plus vous accuser de porter atteinte à l'Etat de droit. On est d'accord ou non avec cette reconfiguration conceptuelle. Vous me direz peut-être que vous n'êtes pas d'accord. Mais je ne m'occupe pas de ce que vous pensez vous. Vous pouvez pensez ce que vous voulez. Ce qui compte, c'est ce que pensent les autorités.