12/23/2018

Sédition

Il faut en revenir à ces visites domiciliaires*, dit l'Ethnologue. Des députés se plaignent de ce qu'on vienne klaxonner à leur porte la nuit, cela les trouble dans leur sommeil. Parallèlement, des gens entrent dans les préfectures, parfois pour y mettre le feu. Il y en a même un, rendez-vous compte, qui a voulu entrer à l'Elysée. On l'a mis sous contrôle judiciaire. Il faut interpréter tout cela. L'ex-directeur de la Dégéèci, récemment créé ministre, traite les manifestants de "séditieux" et de "factieux"**. C'est le vocabulaire des dictateurs. Mais justement il dit une réalité. La réponse normale à l'instauration d'une dictature, à plus forte raison encore policière, effectivement, c'est la sédition. Allons plus loin. Lorsque des gens rendent visite la nuit à leur député, ou encore pénètrent en certains lieux de pouvoir (préfectures, ministères, Elysée, etc.), leur démarche s'inspire symboliquement de celle de l'Etat total: ce même Etat total qui a légalisé l'espionnage intérieur généralisé (sur Internet notamment), tout en s'arrogeant le droit d'entrer chez les gens à toute heure du jour et de la nuit pour y opérer des perquisitions (l'opposant Mélenchon en a récemment fait l'expérience, mais il n'est pas le seul). Elle s'en inspire et, en fait, l'imite. C'est la réponse du berger à la bergère. Puisqu'il n'y a plus aujourd'hui de sphère privée, celle-ci ayant été abolie par l'Etat total, on ne voit pas pourquoi l'Etat total échapperait au risque de se voir lui-même envahi et à la limite perquisitionné. Pourquoi non.

* Voir "Visites domiciliaires", 30 novembre 2018.
** France Info, 23 décembre 2018.