C'est un processus à moyen terme, processus dont, pour une part au moins, l'avancée est fonction de ce qu'on estime être les capacités d'acceptation des populations, dit le Colonel. Les dirigeants partent de l'idée que les gens sont aujourd'hui prêts à tout accepter: tout. Mais en même temps qu'il faut y aller doucement, sans trop forcer le rythme. On peut tout leur faire accepter, certes, mais pas tout à la fois. Ainsi, en 2013, nous avons eu la loi de programmation militaire, qui en son article 20 permet à la police de se livrer à des opérations d'espionnage intérieur en dehors de tout cadre juridique (ce qu'elle faisait, il est vrai, depuis longtemps déjà: mais pas ouvertement*), puis en 2014 de nouvelles lois sur le terrorisme, enfin en 2015 la loi dont le Parlement est actuellement saisi en procédure accélérée, celle, plus radicale encore, sur le renseignement. C'est la tactique, aujourd'hui bien rodée, du salami. On ne sait pas encore ce qu'il y aura en 2016, mais forcément il y aura quelque chose, car il ne faut pas casser le rythme. De temps à autre, en contrepoint, il se commet un attentat. Mais ce n'est pas nécessairement antinomique. Qu'est-ce que cela veut dire d'ailleurs, antinomique? Nécessité fait loi. D'une manière générale, on peut le dire, les dirigeants maîtrisent bien la situation.
* Voir "Etat de droit", 21 mars 2015.