11/18/2006
La vieille Europe
Tu dis que c'est un penseur profond, dit l'Etudiante. Admettons, je veux bien le croire. Mais si ce que tu dis est vrai, comment t'expliques-tu alors certaines de ses prises de position, je pense en particulier à ses déclarations sur l'Irak, en 2003? J'avais trouvé ça très incohérent, à vrai dire sans queue ni tête. Il disait qu'il fallait "y aller", quelque chose comme ça. Lui-même avait l'air très agité. Il est déçu par la vie qu'il mène, dit l'Ethnologue. Ce ne serait pas la première fois qu'un intellectuel, même brillant, par amertume, dépit, etc., se projetterait dans une patrie mythique (en l'occurrence les Etats-Unis). En outre, il nourrit une admiration aveugle pour les super-stratèges de Washington, des gens, dit-il, d'une exceptionnelle intelligence. Nous ne serions rien à côté. J'ignore s'il le pense aujourd'hui encore, mais c'est ce qu'il disait à l'époque. Il aime aussi reprendre à son compte leurs habituels couplets sur la "veille Europe": ça lui met du baume sur le coeur. A part ça, il en est resté à l'époque de la guerre froide. Il ne comprend pas que des gens qui avaient adopté autrefois des attitudes pro-américaines en viennent aujourd'hui à critiquer les Etats-Unis, à plus forte raison encore, comme je l'ai fait moi-même il y a trois ans, à manifester contre eux dans la rue. Il trouve ça incohérent. Si l'on était autrefois pour les Etats-Unis, on devrait forcément l'être aujourd'hui encore. Ou alors on aurait changé. D'aucune manière il ne lui vient à l'esprit que c'est l'époque elle-même, peut-être, qui aurait changé. En sorte que pour rester fidèle à soi-même, on serait, soi-même aussi, obligé aujourd'hui de changer.