D'où l'intérêt qu'il y a à bien distinguer entre les églises, d'une part, le christianisme de l'autre, dit l'Ethnologue. On identifie volontiers les deux choses, or ce sont deux choses très différentes. Elles existent aussi très bien l'une sans l'autre. On peut effectivement penser que les églises disparaîtront un jour. C'est même tout à fait probable. Elles paieront ainsi le prix de leurs compromissions sans nombre, aussi bien passées que présentes. Mais le christianisme lui-même ne devrait pas trop en pâtir. Car, désormais, il vit de sa vie propre. Il y a longtemps, en fait, que le christianisme s'est émancipé des églises. Cela s'est fait progressivement, avec quelques moments forts, il est vrai: l'humanisme (Erasme), la musique italienne et allemande aux XVIIe et XVIIIe siècle, les Lumières, etc. L'histoire du christianisme s'est depuis lors très largement fondue en celle de la civilisation chrétienne: civilisation, me semble-t-il, toujours bien vivante, y compris hors d'Europe (Chine, Corée, Japon). Tout ce que je dis ici, les gens d'en face le savent très bien. C'est la civilisation chrétienne qui les gêne, en aucune manière les églises (avec lesquelles, comme chacun le voit bien, ils entretiennent les meilleurs rapports). Ils ne combattent, en fait, pas les églises: pourquoi les combattraient-ils? Non seulement elles ne leur sont en rien hostiles, mais elles ne cessent, en toute occasion, de leur faire des sourires. La civilisation chrétienne, en revanche, oui. Avec elle, ils en ont bien conscience, aucun compromis ne sera jamais possible. Ce sera elle ou eux.